Le 6 décembre dernier nous avons pu rencontrer Charlotte Wessels, chanteuse de l’excellent groupe de metal symphonique Delain ! Nous avons donc pu discuter avec elle du nouvel album, Apocalypse & Chill ainsi que de la place des femmes dans le metal, et elle a partagé avec nous sa rencontre avec Lemmy Kilmister ! Un grand moment !

Pozzo Live : Votre nouvel album, Apocalypse & Chill, sort le 7 février, pourriez-vous nous parler de son histoire ?

Charlotte Wessels : Eh bien on a travaillé dessus ces deux dernières année. Les gens ont eu un premier aperçu avec notre EP, Hunter’s Moon. Mais en fait, la seule chose de l’EP qui a atterri dessus est Masters Of Destiny. Le reste c’est seulement de nouvelles chansons. C’est un album plutôt diversifié ! On a par exemple des chansons avec des éléments qu’on n’a pas eus avant, comme une chanson complètement instrumentale comme Combustion. Il y a des chansons très groovy comme We Had Everything ou Chemical Redemption, mais je pense aussi que nous sommes plus symphoniques que jamais ! Nous avons enregistré de vraies chorales… Je pense qu’il y en a pour les vieux fans comme pour les nouveaux ! Ils vont apprécier. Donc voilà, j’espère que les gens vont l’aimer !

PL: L’avez-vous enregistré au même moment que l’EP ?

Charlotte Wessels : Non, ce qu’on fait c’est qu’on enregistre par petites fournées. On écrit des chansons et on les enregistre et mixe immédiatement. Puis, peut-être plusieurs mois plus tard, on écrit quelques autres chansons, et on les enregistre puis on les mixe, et s’il y a quelque chose qu’on aime pas de la fournée précédente, on l’ajuste à ce moment. Donc tout est enregistré à des moments différents. Par exemple pour Masters Of Destiny, on a modifié quelques trucs pour l’album, en utilisant de vraies chorales, donc il y a une différence entre la version de l’EP et la version de l’album. Donc, c’était à plein de moments différents.

PL : Votre son sonne très différemment de d’habitude. Ça sonne à la fois plus heavy et plus léger, pourquoi ce changement ?

Charlotte Wessels : Eh bien, en terme d’écriture, on se repose beaucoup sur l’inspiration. Quand on se prépare à écrire, Martijn et moi-même (Timo aussi, qui est de plus en plus impliqué dans le processus)… Quand on se pose pour écrire on a souvent une idée du genre « faisons une chanson comme ça » ou « faisons une chanson comme ça ». Martijn est le producteur de l’album, il est souvent « pour l’album il nous faudrait une chanson comme ci ou comme ça ». Mais la chanson choisit en quelques sortes de partir dans une autre direction. On l’autorise. On a une idée de ce qu’on veut faire mais on laisse aussi vraiment l’inspiration nous guider dans le processus. Donc c’est comme ça que ça fonctionne au niveau de l’écriture. Ensuite, quand on parle de production, Martijn recherche vraiment ce dont la chanson a besoin, tu vois ? Et il y a des chansons là dessus qui ont vraiment besoin d’une approche pop, puis il y a des chansons qui ont vraiment besoin de ce côté heavy, ou symphonique. C’est le challenge de le faire sonner comme un album, ce que, je pense, il fait de manière phénoménale !

PL : J’entends vraiment beaucoup de nouveaux éléments comme des guitares un peu metalcore par exemple. Quelles ont été vos inspirations pour cet album ?

Charlotte Wessels : Oui ! Mes inspirations sont tout d’abord et principalement les gens avec lesquels je travaille. Parce que je pense que c’est ce qui est vraiment beau avec la combinaison qu’on a avec Delain. J’aime écrire des chansons, j’aime travailler seule, je peux être un peu une ermite parfois, à ce niveau, mais quand on s’assoit ensemble on trouve des choses qui sont une addition de nous tous, mais qui deviennent plus que ça. Quand on travaille tous ensemble, la chanson devient bien plus que ses parties. Je pense que c’est très spécial, donc quand on parle de Delain, mes inspirations principales sont les gens avec lesquels je travaille. Ma propre équipe. Puis bien sûr il y a la musique que j’écoute, et les trucs qui reviennent. J’écoute beaucoup de Nine Inch Nails, j’ai écouté le nouveau Nick Cave, j’écoute tout le temps Radiohead, mais je ne sais pas si ça influence vraiment ma façon d’écrire. Peut-être inconsciemment, je ne sais pas.

PL : Il y a aussi un fort message tout au long de l’album, de s’inquiéter plutôt que de regretter. Considères-tu Apocalypse & Chill comme un concept album ?

Charlotte Wessels : Pas vraiment, on n’avait pas décidé dès le début d’écrire un album à propos de ce sujet. C’est plus que quand on avait toutes les chansons, et qu’on a réfléchi aux chansons qu’on avait, et quand on s’est demandé s’il y avait un fil rouge, on a vu qu’il y avait à la fois le sens d’une fin imminente et le sens de l’indifférence humaine à son propos, et c’est resté. Donc on a pensé que c’était le titre parfait pour travailler avec ça. C’est un peu un jeu de mot avec « Netflix & chill« , et avec la pop culture. Donc c’est dans un sens différent de ce qu’on a fait avant. D’habitude, on bosse vraiment avec une imagerie romantique un peu sombre, et c’est bien plus ancré dans notre époque, dans la pop culture et ce genre de choses. Mais je pense que c’est une approche fraîche de ce qu’on fait !

PL : Il y a aussi des orchestrations de fou, comme tu l’as dit, avec des chorales, avez-vous invité d’autres artistes comme un orchestre dans ces sections énormes ?

Charlotte Wessels : Eh bien pour les sections orchestrales, Martijn travaille d’habitude avec Mikko Mustonen dessus, et sur cet album il a encore fait un super boulot à rajouter des parties orchestrales. On a aussi un violon, mais la plupart des orchestrations sont en fait faites par ordinateur. Le software est absolument génial, ces temps-ci. Des fois on ne fait pas la différence entre réel et virtuel ! Cependant quand on a des parties solo très en avant, comme pour le violon, c’est toujours mieux d’avoir le vrai truc. Donc ça on en a, et Mikko a aussi invité des gens pour créer les parties de chorales, et certains étaient des gens qu’on connaissait déjà, ce qui était très cool, et ça a super bien tourné ! C’est 8 personnes qui chantent mais ça sonne comme 80 ! C’était vraiment génial de le voir se réaliser avec une vraie chorale ! Parce que c’est en fait la première fois qu’on a fait ça ! D’habitude j’empilais mes parties voix, ou je mixais les parties voix d’Oliver, une fois avec les voix de Gerrick, dans le mix, mais on n’a jamais eu une chorale de 8 personnes dessus. Puis on a bien sûr doublé ça, donc ça sonne vraiment grand !

Pl : Oui, totalement, surtout sur Legions Of The Lost, je trouve !

Charlotte Wessels : C’est une de mes chansons préférées de l’album, c’est si dramatique ! Je l’adore !

PL : Quelle chanson a été la plus dure à faire de l’album ?

Charlotte Wessels : Oh ! Laisse-moi réfléchir… Je pense qu’en fait Masters Of Destiny était plutôt difficile ! C’était difficile d’assembler la structure, et je pense encore que c’est une structure étrange, mais ça marche. Je pense que c’est probablement tout !

PL : Vous avez déjà sorti 3 singles de l’album, que penses-tu de la réaction des fans ?

Charlotte Wessels : Oh elle est très bien ! Je pense que des gens ont été surpris par le troisième, parce qu’il est très différent des deux premiers. Masters Of Destiny et Burning Bridges étant très dramatiques, très orchestraux, puis One Second étant très pop. C’était un des bébés de Timo sur cet album. Et on l’entend chanter des parties très mises en avant pour la première fois, aussi. Donc c’est très différent et les gens l’ont remarqué, mais je pense aussi que les gens y ont bien réagi. Il n’y avait pas de gens genre « oh, qu’est-ce que vous faites ? Vous changez votre style ! » On n’a pas vu beaucoup de ce genre de réponses, donc je pense que les gens sont aussi mis en confiance par le fait qu’on a déjà sorti 2 chansons très symphoniques. On peut avancer mais on ne changera pas de style d’un seul coup, on ne ferait pas quelque chose comme ça.

PL : Comment c’était de travailler avec Yannis de Beast In Black ?

Charlotte Wessels : C’était fantastique, on s’est rencontrés il y a des années en tournée, et on avait passé une soirée à boire de la bière et à apprendre des insultes de sa part, ce qui était très drôle. Puis on a suivi Beast In Black, et Martijn est un très grand fan de Beast In Black. Donc on se connaissait, on avait une connexion, et sa voix est évidemment plutôt phénoménale ! Donc c’était très sympa de travailler avec lui ! Et il ne faisait pas juste sa partie voix en mode « voilà, au revoir !  » Il était très impliqué dans les arrangements, je peux dire à partir de cette collaboration que c’est une personne très talentueuse et intelligente.

PL : C’est très cool de vous voir évoluer en rôle, avec Timo qui chante notamment !

Charlotte Wessels : Je suis très contente qu’il puisse le faire ! Car c’est une de ces personnes énervantes qui sont douées pour beaucoup de choses (rire) ! Je suis très contente qu’il puisse le montrer vraiment !

PL : Vous avez été annoncés au Hellfest il y a quelques jours, sur la même scène que Judas Priest !

Charlotte Wessels : Oui, génial !

PL : Vous avez hâte de revenir ?

Charlotte Wessels : Absolument, c’est un super festival, j’adore toujours venir ! Il y a tellement d’art, et l’atmosphère est toujours super ! J’ai carrément hâte !

PL : As-tu une anecdote de tournée marrante à partager avec nous ?

Charlotte Wessels : Tout ce à quoi je pense est immédiatement très embarrassant ! On tourne depuis longtemps et on s’amuse beaucoup, surtout sur les derniers jours d’une tournée, qui sont toujours dingues, il y a toujours beaucoup de farces de tournée ! Il y a aussi des paris, lors des journées de repos… Une de mes choses préférées qui nous sont arrivées, c’est que quand on jouait à un festival, dans le nord des Pays Bas, Lemmy est venu voir notre show ! Il se tenait sur le bord du concert tout au long du concert ! Et j’étais si nerveuse de savoir qu’il regardait le concert ! Je devais avoir 19 ans ou pas loin et j’étais absolument terrifiée qu’il soit là et qu’il reste regarder ! Donc à la fin du concert il restait juste là et j’ai pensé « OK Charlotte, sois cool, sois cool ! » Et il a dit « Eh, super show ! » et j’ai dit « Meuwaaaaah » ! Donc j’ai pas trop réussi à être cool, mais ensuite un mec avec un t shirt du crew de Motörhead est venu me voir et m’a dit des mots donc je me souviendrais toute ma vie : « Lemmy veut que tu viennes dans sa loge ». Et je sais où tu penses que ça va aller…

PL : Ce n’est pas le cas (rire) !

Charlotte Wessels : OK (rire) ! En fait c’était très cool et il avait un t shirt Motörhead que je chéris toujours, et que j’essaie de ne pas laver trop souvent pour qu’il reste en bon état. Et il était très gentil, il m’a parlé de son amour pour le metal à chanteuse, les femmes dans le metal en général, et m’a dit qu’il était un grand fan d’Evanescence, et il a demandé quand on ferait de nouveau des festivals… Et ouais, il était un vrai gentleman, et c’était très sympa ! Je suis très contente d’avoir pu le rencontrer quand il allait très bien. Quelques années plus tard, je l’ai recroisé et je lui ai dit « Salut Lemmy, tu te souviens de moi ? » et il a dit « Yes love ». Mais je ne pense pas qu’il se souvenait.

PL : Super anecdote !

Charlotte Wessels : Merci, merci (rire) !

PL : Tu as mentionné qu’il aimait le metal mené par des femmes, tu penses que ça évolue beaucoup ces temps-ci avec des groupes comme vous, Halestorm, New Years Day ou des groupes comme ça ?

Charlotte Wessels : Oui, je le pense, ça devient moins spécial ! Et j’aime bien que les gens le traitent de manière moins spéciale. Par exemple si je regarde les questions que tu me poses maintenant, avant il y avait beaucoup plus de questions à propos de trucs de filles, et maintenant j’ai l’impression que tu poserais plus ou moins les mêmes questions si tu parlais à un des gars du groupe, ce qui je pense est un très bon signe. Je pense toujours que ce n’est pas très dur si les gens traitent les femmes dans la musique comme des musiciens dans la musique plutôt que comme des licornes ! Donc oui, je pense que ça s’améliore. Les choses les plus folles et énervantes qui me sont arrivées en termes de sexisme dans l’industrie ont au lieu il y a quelques années maintenant. Donc j’aime à penser que les choses s’améliorent.

PL : Enfin, quel groupe ou artiste devrions-nous interviewer ensuite ?

Charlotte Wessels : Faites-donc Beast In Black, vu qu’on a fait un featuring avec eux, et qu’ils sont en pleine croissance ! (on l’a déjà fait par ici, ndlr)

PL : Merci beaucoup, j’ai beaucoup aimé l’album en tout cas !

Charlotte Wessels : Je suis si contente de te l’entendre dire ! Ce sont les premières interviews que l’on fait sur l’album, donc on commence seulement à avoir une idée de ce que les gens en pensent ! Merci beaucoup, ça fait très plaisir à entendre !

PL : A bientôt, au Hellfest peut-être !

Charlotte Wessels : On se voit au Hellfest, salut !

Un grand merci à Charlotte Wessels, Delain et HIM Media pour cette interview !

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