Le 27 mars, Scarlean était en journée promo pour son 2e album « Soulmates », sorti le 29 novembre 2019. Initialement prévue au Black Dog à Paris, l’interview s’est finalement faite par téléphone, confinement oblige. Mais pas de quoi nous arrêter pour autant ! Nous avons quand même pu avoir le frontman Alexandre SOLES au téléphone pour qu’il nous parle de Scarlean, de Soulmates, et de leur avenir.

Après un premier album « Ghost » paru en 2016 et très bien accueilli par la critique et le public, Scarlean a publié un deuxième LP « Soulmates » en novembre 2019 avec un tout nouveau line up. De sonorité plutôt Metal alternatif, le combo est difficilement classable dans un genre particulier. Korn, Faith no More, Alice in Chains, Disturbed, A Perfect Circle… ils digèrent les influences et les restituent dans un son puissant, émotionnel et avec une belle énergie. Le groupe a tourné avec de grands noms du metal français comme Mass Hysteria, Bukowski, L’esprit du Clan, ou encore Disconnected. Rencontre avec Alexandre, le chanteur et frontman du groupe.

Pozzo Live : Bonjour Alexandre, et merci de nous accorder un peu de ton temps !

Alexandre : C’est moi qui te remercie !

Pozzo Live : Votre line-up a beaucoup évolué ces dernières années : 4 batteurs, 2 guitaristes, 2 bassistes… Est-ce que vous avez trouvé la bonne formule pour faire ce que vous avez envie de faire ?

Alexandre : Oui, on a clairement un line-up ultra stable. Je pense que c’est le fait d’avoir eu beaucoup de gens qui sont passés qui nous permet aujourd’hui d’en être persuadés. Ça fait un an et demie qu’on travaille avec ce nouveau line-up : Olivier JACQUET (basse) et Fabien GIORDANI (batterie), Michel CANAVAGGIA qui est à la guitare depuis 2017, et puis Geoffrey VO VAN CHIEU (guitare) et moi au chant. On a trouvé un vrai équilibre. Certaines personnes sont parties parce que c’est compliqué de gérer leur vie et la musique en parallèle, comme ça se passe souvent, d’autres suite à un manque d’implication de leur part. On voulait vraiment jouer avec des gens qui nous correspondaient, on a testé plusieurs formations, et aujourd’hui on est vraiment ultra complémentaires les uns des autres. Ça a beaucoup servi à notre album Soulmates, c’est vraiment un album de groupe, on l’a écrit de manière collégiale et ça sera pareil pour le prochain. On a beaucoup travaillé ensemble sur les arrangements, c’est super.

Pozzo Live : Fabien est aussi ingénieur du son sur Soulmates, que vous avez auto-produit. Qu’est-ce que ça vous a apporté ?

Alexandre : Déjà, ça nous a permis d’enregistrer l’album à la maison ! Son studio est à 10 minutes à pied de chez nous. Par contre il n’a pas enregistré la batterie, c’est Eric LEBAILLY (Adagio, Bertignac, Stuart Hamm…) qui était derrière les fûts. Fabien et lui se connaissent bien car ils ont fréquenté la même école de musique et ils ont beaucoup collaboré. Eric est un batteur très talentueux, c’est une figure de la batterie française. Il a su à s’adapter au style de Fabien, c’était un peu hallucinant. Fabien nous a aussi apporté ses connaissances en son pour le live, ça nous a permis de travailler avec du nouveau matériel pour évoluer aussi de ce côté-là. Ça a apporté encore une complémentarité dans le groupe, et c’est ce qui est intéressant dans notre formation : chacun apporte quelque chose au groupe. Michel est un très bon photographe et fait tous nos photo-shoots, Olivier est graphiste et vidéaste, c’est lui qui a fait nos 3 clips, je suis graphiste, illustrateur et directeur artistique, et Geoffrey est très branché matériel et connaît très bien les instruments, les mécaniques pour s’enregistrer… Cet ensemble nous donne une très grande force, car chacun a quelque chose à faire au-delà de l’aspect musical. Et comme musicalement on s’entend bien, tout le monde reconnait le talent de l’autre et ça crée un vrai échange.

Pozzo Live : Vous avez un style difficilement classable (et c’est tant mieux !), un peu comme un Rage Against the Machine au début des années 1990. Qu’est-ce qu’il vous manque pour faire une carrière comme eux ?

Alexandre : Il nous manque de l’exposition. Il nous faudrait quelques grandes scènes sur lesquelles on puisse s’exprimer, pour montrer qu’on sait faire ça, car on a beaucoup travaillé notre scène et ça tourne vraiment bien, et maintenant on lorgne vers les belles scènes des festivals, que ce soit les Metal Days, le Hellfest, le Motocultor, le Sylac, le Plane’R’Fest… il y a beaucoup de choses où on aurait notre place. On a acquis de la maturité, mais les programmateurs ne le voient peut-être pas encore assez et ne nous connaissent pas assez.

Pozzo Live : Vous avez fait le tremplin Hellfest 2 années de suite…

Alexandre : Oui, on a fini 2e la première année ! Ça nous a valu une invitation VIP qui nous a permis de nouer des contacts, et puis surtout la chance de jouer au festival off. L’année d’après on a été réinvités, donc ça nous a fait grandir. Il y avait 545 groupes au départ, alors on se dit qu’on a quand même une base solide de gens qui nous suivent, il ne faut pas négliger ça, on se sent redevables aussi envers eux d’aller encore plus loin que ce qu’on a pu faire jusqu’à présent. On approche notre évolution avec philosophie, on essaie de continuer à faire ce qu’on sait faire, à le faire bien, et on verra où ça nous mène.

Pozzo Live : Aujourd’hui vous avez tous un boulot à côté. Vous voudriez devenir pro à terme, ou comme d’autres groupes vous revendiquez votre côté amateur ?

Alexandre : On ne cherche pas à devenir pro, on aime tous nos métiers. L’idée c’est de se faire plaisir, d’arriver à faire des dates. On ne veut pas forcément en aligner 60 par an juste pour avoir des lignes sur notre Facebook, on préfère en faire 10 mais qui seront efficaces et où on pourra se faire plaisir et à notre public. On essaie maintenant d’éviter de jouer dans des petits bars, pour privilégier les scènes où on pourra développer notre jeu.

Couverture de Soulmates

Pozzo Live : Parlons un peu de Soulmates. J’ai trouvé qu’il a un son et une ambiance plus dark que le premier, non ?

Alexandre : Oui, complètement ! Ce qui fait que le son est un peu différent, c’est surtout que l’album est enregistré sur des guitares 7 cordes, alors que l’autre était sur des 6 cordes. Ça fait une grosse différence sur le son, ça apporte une atmosphère beaucoup plus lourde.

Pozzo Live : Quelles ont été vos influences ? J’avais lu que tu étais très impressionné par Leprous, on vous a aussi souvent appelés le « A Perfect Circle » français…

Alexandre : Totalement oui ! C’est marrant parce que j’ai découvert Leprous après qu’on ait enregistré Soulmates, donc le son n’a pas du tout été influencé par eux. Quelqu’un m’a dit en l’entendant que ça lui faisait penser à eux, c’était au moment où ils sortaient leur nouvel album. Personnellement, je n’ai pas trouvé qu’on soit aussi proche que ça de ce qu’ils font, mais on se retrouve dans l’intention. On cherche tous les deux à faire quelque chose d’émotionnel, à raconter une histoire en chanson.

Pozzo Live : Est-ce qu’il y a un concept général autour de Soulmates ? Vous aviez 30 titres à la base quand même…

Alexandre : (rires) Oui c’est vrai, on a dû piocher dans cette réserve de titres et sélectionner ce qui avait le plus de sens. Ce n’est pas un concept album, par contre il y a une idée directrice. La pochette montre 2 personnages, dos à dos, pour représenter la dualité de sentiments au sein d’une même personne. Ils représentent plutôt 2 états d’esprit que deux personnages. Tout l’album tourne autour de ça. Il parle beaucoup des émotions humaines, et on essaie d’exprimer qu’il n’y a pas que du positif ou que du négatif, des fois le négatif peut apporter du positif quand on y réfléchit. Et inversement… du moment qu’on ne tend pas tout vers l’un ou tout vers l’autre. L’album est relativement sombre, notamment dans les textes, c’est pour ça qu’il y a plus de noir que de blanc sur le personnage de la pochette. Mais il y a toujours une note d’espoir dans les différentes chansons. C’est pour ça aussi que notre personnage n’a jamais un look trop agressif. Par exemple, dans le clip Forsaken by love, le personnage mimait des tas d’acteurs qui avaient des personnalités et des physiques très différents, pour montrer cette diversité et montrer que tous peuvent se rassembler en une seule personne, si on prend le temps de discuter. On a ensuite étendu ce concept de dualité pour l’album, en partant sur la dualité entre deux êtres, entre l’homme et la nature, tout ce qui oppose les gens entre eux comme la religion, l’ethnie… L’idée générale c’est « les gars, on est tous dans la même merde, essayons d’être un peu moins cons et de vivre ensemble » !

Pozzo Live : Vous aviez donc 30 compos étaient prêtes mi-2018. Comment elles ont évolué pendant l’enregistrement de l’album ?

Alexandre : On s’est vus 2 à 3 fois par semaine pendant un an. On a beaucoup échangé, fait beaucoup de sessions d’arrangements. Les 30 chansons du départ, ce n’était pas du matériel terminé, c’étaient plutôt des squelettes de paroles et de mélodies, des fois juste des couplets ou des refrains qu’on avait travaillés avec Geo’. Ca donnait une première direction, mais chacun a apporté beaucoup de choses, notamment avec l’arrivée de Olivier et Fabien. Mais aussi Michel, qui n’avait pas été là pour le premier album mais qui a travaillé sur Soulmates depuis le début. C’est un super guitariste avec plein d’idées, il avait plein de suggestions d’harmonies. Et puis on a deux soli dans l’album alors qu’on n’en avait aucun pour le premier !

Pozzo Live : Mon titre préféré sur l’album est Next to the Maker, il a un aspect groovy, presque nu metal. Et toi ?

Alexandre : J’en ai deux en fait. J’aime beaucoup Perfect Demon, car elle est assez personnelle, elle a un texte qui me parle beaucoup. C’est celle sur laquelle on a dû passer le plus de temps en arrangements, car elle a un côté très rock progressif. J’aime bien aussi Next to the Maker aussi, car elle est représentative de ce qu’on sait faire : des parties très groove, et en même temps des mises en place un petit peu particulières, des chants que j’aime bien faire avec des flows par moment hip-hop-isants, des refrains très rock… Donc oui ces 2 morceaux-là me plaisent beaucoup. Et puis le dernier, Smell of the Blood, parce qu’il y a ma femme qui chante dessus (rires).

Pozzo Live : Le featuring de Anneke von Grisbergen a fait beaucoup parler. Mais une autre chose que j’ai retenue sur Wonderful Life, c’est ce contraste entre ces paroles optimistes et ce chromatisme d’intro à la « The Walking Dead » ou « 28 jours plus tard »…

Alexandre : On voulait donner un côté horrifique à cette chanson, donc c’est fait un peu exprès. C’est un chromatisme qu’on retrouve dans beaucoup de films de ce genre, comme « 28 jours plus tard » justement, ou des films d’Argento. C’est un gimmick facilement identifiable quand tu veux faire de l’horrifique, d’ailleurs ça a marché sur toi !

Pozzo Live : Ça renvoie à une lecture complètement différente de la chanson, beaucoup moins optimiste que les paroles pourraient le faire penser du coup.

Alexandre : Je n’ai jamais pris cette chanson comme si optimiste que ça. J’avais trouvé que le texte parlait de quelqu’un de très solitaire, qui essaie de rationaliser un peu ce qui lui arrive. Quand il dit : « Pas la peine de courir ni de se cacher, pas la peine de rire ou de pleurer, la vie est magnifique », ça crée une ambivalence. Si la vie est magnifique, pourquoi on ne peut pas rire ? On dirait qu’il essaie d’avancer, sans se connecter trop à ses émotions, en laissant passer la vie qui sera quand même belle. C’est ce sentiment que je voulais amplifier avec le côté horrifique, toujours dans l’idée de la dualité de Soulmates. Quand tu regardes le clip, tu sens de la nostalgie de l’enfance, quelque chose de profond… J’aurais aimé qu’il soit encore là pour en discuter avec lui !

Pozzo Live : Vos deux albums sont sortis sur Spotify. Ça vous donne de la visibilité, mais les gens achètent moins les albums. C’est plus compliqué ou plus simple aujourd’hui pour un jeune groupe de se lancer dans un monde où Spotify existe ?

Alexandre : Spotify c’est un outil à double tranchant. Ça va te donner de l’exposition et faire connaître ta musique au plus grand nombre, mais ce n’est pas ça qui va te faire gagner de l’argent et financer ton projet. A côté de ça, il y a des choses sur Internet qui permettent de contrebalancer. Donc j’arrive à y trouver un équilibre. Par exemple, on a lancé un crowdfunding pour financer la sortie de Soulmates en vinyl. Il a très bien fonctionné, les gens nous ont beaucoup soutenus et je pense que quand tu passes par un label ou un gros système comme Spotify, si tu n’as pas un pendant de l’autre côté qui te permet de connecter directement à tes fans à ce que tu fais, tu es un peu dans la merde (rires) ! Mais ce qui est bien, c’est qu’aujourd’hui tu as toujours une solution pour financer ton projet. Avant tu n’avais pas ça non plus, tu devais faire des lives et vendre des CDs ! Car entre le label, le distributeur, et tout, à la fin du ne gagnes pas beaucoup d’argent. Le merch te permet de compenser un peu, et encore. Donc non l’un dans l’autre je ne pense pas que c’est plus difficile aujourd’hui. Nous, on a la chance d’être assez indépendants sur ces choses-là, donc on arrive à financer notre projet, surtout qu’on n’essaie pas d’en vivre non plus.

Après, je trouve le système de Spotify complètement absurde à côté de ça. Ils nous ont parlé beaucoup du piratage, mais aujourd’hui avec les offres de streaming on parle beaucoup moins de piratage, et en attendant tu es rémunéré sur l’équivalent d’un achat de CD par mois, donc bon… on s’est fait un peu piner !

Pozzo Live : Vous avez fait un featuring avec Anneke Van Grisbergen. C’est quoi le featuring ultime que tu aimerais avoir ?

Alexandre : Sans hésitation, Lisa Gerard, de Dead Can Dance. Elle a une voix absolument incroyable, c’est pour moi la meilleure chanteuse au monde. Je les ai vus une fois en live, je n’ai jamais vu quelqu’un me procurer autant d’émotion. J’avais les poils hérissés, à la fin des chansons il y avait des silences de 10 secondes pendant lesquels les gens n’applaudissaient pas tellement ils étaient scotchés… C’est magique, si tu as l’occasion de les voir en live je le conseille à tout le monde, car c’est un moment vraiment magique.

Pozzo Live : Et sa voix fonctionnerait bien avec le style de Scarlean ?

Alexandre : Je pense. Et je pense qu’on va essayer d’ailleurs… (rires) On va tenter le coup ! On a essayé avec Anneke et ça a marché, donc ça serait dommage de se brimer. On n’a rien à perdre ! Il ne faut pas oublier que ces gens qui sont un peu plus en avant que les groupes comme nous sont avant tout des musiciens avec une sensibilité, et si ils n’ont pas derrière des management qui décident pour eux, ils ont encore la possibilité de se positionner si les projets qu’on leur propose leur plaisent !

Pozzo Live : Je finis avec la question qu’on pose à tout le monde : qui devrait-on interviewer après toi ?

Alexandre : Tu devrais aller parler à Schrodinger, c’est un groupe de Nice, émergent, qui a sorti un premier EP de 6 titres assez fou. Ils ont mélangé de la salsa, de la pop, de l’indus avec du métal, et c’est ultra bien réussi. J’ai vraiment adoré leur album, et je pense que c’est un des groupes qui mériterait un petit peu plus de place sur la scène métal française. Un deuxième aussi, c’est The BlackStone Co. C’est un groupe qui se définit comme Power Rock, qui a plein de super mélodies, ça chante bien, ça joue bien… Ce sont deux groupes qu’il faut suivre je pense.

Merci à Alexandre pour sa bonne humeur et sa disponibilité ! Vous pouvez suivre Scarlean :

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