Stella Cole a sorti l’album jazz It’s Magic en août de cette année 2025. Elle y reprend des chanson du Great American Songbook. A l’occasion de sa tournée, qui s’est arrêté dans trois villes de France, nous avons échangé avec la chanteuse.

Pozzo Live : On te décrit comme une machine à remonter le temps. Qu’est-ce que tu préfères dans les grands classiques du Great American Songbook ?

Stella Cole : J’adore cette musique parce qu’elle est intemporelle pour moi. Ce sont surtout des chansons d’amour, et je trouve que les paroles et les mélodies sont magnifiques. Et c’est toujours aussi parlant aujourd’hui, parce que ça parle d’amour, de chagrin… des choses qu’on ressent exactement de la même manière. Même si le monde a beaucoup changé depuis les années 40 — souvent pour le mieux. C’est très romantique pour moi, cette idée que ça nous relie au passé. Et honnêtement, je ne sais pas trop pourquoi j’aime autant ça. Je suis tombée amoureuse de cette musique à deux ans, en regardant de vieux films que mes parents me montraient. J’étais déjà obsédée avant même de savoir parler. Donc je ne sais pas ce qui m’a attirée, mais je l’aime depuis toujours.

Pozzo Live : L’album It’s Magic, c’est un mélange de classiques avec une touche moderne. Comment choisis-tu les chansons que tu veux chanter ? C’est celles que tu préfères, celles qui vont le mieux avec ta voix, ou autre chose ?

Stella Cole : Absolument. Je pense que ce sont surtout les chansons que j’aime le plus. Je deviens très obsessionnelle avec la musique. La plupart sont des morceaux dont j’ai été obsédée à un moment ou un autre — le genre de chanson que je passe en boucle pendant des semaines. Trois ou quatre viennent d’un album de Frank Sinatra avec Tommy Dorsey, qui m’a beaucoup inspirée pour It’s Magic. C’est un album tellement doux, charmant… Je ne sais même pas comment le décrire. J’adore marcher dans la rue en l’écoutant, c’est comme dans un film. Mon album n’est pas tout à fait pareil, parce qu’Alan Broadbent a fait les arrangements de cordes, ce qui donne quelque chose de plus moderne, plus complexe, peut-être un peu plus sombre. Mais oui, trois ou quatre chansons viennent de cet album de Sinatra, et le reste ce sont juste des morceaux que j’adore chanter.

Pozzo Live : Si je ne me trompe pas, tu cites Judy Garland, Barbra Streisand ou Audrey Hepburn comme influences. Si tu devais dîner avec l’une d’entre elles qu’est-ce que tu lui demanderais ?

Stella Cole : Oh, excellente question. Si je devais dîner avec Barbra Streisand, je serais terrifiée, déjà. Mais elle faisait tout dans le monde du spectacle avant même que les femmes aient le droit de tout faire. Elle était réalisatrice à une époque où il n’y avait quasiment pas de femmes derrière la caméra. Elle était actrice, chanteuse, scénariste… Elle gérait sa carrière de A à Z. Beaucoup la traitaient de perfectionniste ou de diva parce qu’elle voulait contrôler sa vision artistique — faire ce que les hommes faisaient depuis des décennies. J’adorerais lui parler de ça. De comment elle a navigué dans tout ça. Son contrôle créatif est ce qu’elle défendait le plus, même dans son contrat avec Columbia : elle a accepté moins d’argent pour garder le dernier mot sur ses projets. J’aimerais vraiment savoir comment elle écoute son instinct, son cœur, pour savoir ce qui est juste pour elle. Elle est tellement forte là-dedans, et c’est quelque chose que j’essaie toujours de travailler. Et Judy, Audrey… j’aurais mille questions pour chacune d’elles.

Pozzo Live : Tu as été découverte sur TikTok, mais aujourd’hui tu rencontres les gens dans le monde réel. C’est plus stressant ou plus gratifiant de voir les gens en face ?

Stella Cole : C’est génial. Je suis très heureuse. TikTok, c’est bien, je continue à poster sur les réseaux, mais je préfère vraiment la vraie vie. Les réseaux, c’est super, ça m’a ouvert plein de portes, mais ça me stresse plus que de chanter devant des gens. Chanter seule dans une pièce face à mon téléphone, c’est pas très fun. C’est tellement mieux d’être avec les gens, de ressentir leur énergie. Beaucoup pleurent à mes concerts, viennent me parler après, me racontent ce que la musique leur a fait vivre… Ça, ça compte bien plus que les commentaires ou les likes. Parce que les algorithmes et tout ça, ça te sépare de l’impact réel de ta musique.

Pozzo Live : Oui, c’est plus immédiat, plus humain. Pas comme les commentaires en décalé.

Stella Cole : Exactement. Et je trouve que les téléphones, c’est bizarre. Quand j’ai commencé à poster en 2020–2021, c’était pendant le Covid, donc j’étais isolée comme tout le monde. J’avais des centaines de milliers de likes, mais ça ne semblait pas réel. Parce que c’est sur ton téléphone, et notre cerveau ne traite pas ça comme des vraies personnes. Enfin, le mien en tout cas.

Pozzo Live : Si je ne me trompe pas, tu as collaboré avec Matt Pierson et Alan Broadbent — deux poids lourds du jazz. Qu’as-tu appris avec eux ?

Stella Cole : Alan est un génie. J’étais super intimidée au début, même s’il est adorable. Il est tellement brillant, ses orchestrations sont incroyables, son jeu au piano aussi. Ce qu’il m’a appris, c’est une forme de confiance en moi. Il m’a dit qu’il attendait une chanteuse comme moi depuis 50 ans — c’est fou qu’il m’ait dit ça. Parfois je me sens un peu en décalage dans le jazz, parce que je ne fais pas de riffs, je ne scate pas… Je reste simple. Et Alan apprécie ça. Il aime pouvoir écrire autour de ma voix, parce que je chante avec beaucoup de cœur. Il m’a donné confiance, et il m’a appris à voir la musique comme une émotion avant tout. On voit la musique de la même façon.

Matt, lui, est mon producteur mais aussi mon manager. C’est la personne avec qui je parle le plus après ma mère. Il m’a tout appris sur l’industrie musicale. J’ai fait mes trois premiers projets avec lui. Il m’a montré comment préparer un enregistrement, réunir les musiciens, trouver un agent, comprendre les contrats. Il m’a vraiment guidée dans tout.

Pozzo Live : Deux personnes formidables, donc.

Stella Cole : Oui, clairement.

Pozzo Live : “Till There Was You” est ton premier single. Pourquoi ce morceau pour ouvrir l’album ? C’est ton préféré ?

Stella Cole : Oui, c’est l’un de mes préférés. On a même pensé à appeler l’album Till There Was You. Mais il ouvre l’album parce que… Cet album parle d’amour. Et je voulais raconter cette expérience de tomber amoureux. Je trouve que Till There Was You est une façon romantique et poétique de commencer. Ça parle de comment l’amour peut tout changer — ta vie, ta vision du monde. Tu te réveilles dans un monde différent. Et c’est aussi ce que raconte It’s Magic, avec des mots et des mélodies différentes. Donc c’était une belle façon de poser ce décor.

Pozzo Live : Si tu devais convaincre un ado qui n’écoute jamais de jazz de te découvrir, tu lui dirais quoi ?

Stella Cole : Très bonne question. Les ados me font peur ! Je suis intimidée. J’ai un petit frère de 13 ans, et je le trouve terrifiant, lui et ses potes. Mais je pense que les jeunes trouvent le vintage cool. Ils aiment les vinyles, les VHS, les vieux films… Donc je pourrais les accrocher par là. Et je crois que ce qui a marché, c’est d’aller là où ils sont — sur les réseaux. Je leur mets les chansons sous les yeux. Beaucoup n’ont jamais entendu ce genre de musique, mais quand ils l’entendent, ils aiment. Ils commentent souvent : “J’adore ce style, mais c’est quoi ?” Ils ne connaissent pas, ils n’ont juste jamais été exposés à ça. Donc je chante pour eux sur TikTok — et ça marche.

Pozzo Live : Ta tournée a commencé dans trois villes françaises. Ce n’est pas commun pour une jeune artiste américaine. Et en plus, tu passes par Chartres et Nancy, pas les grandes villes habituelles. Comment ça s’est fait ?

Stella Cole : Bonne question — il faut demander à mon agent ! C’est lui qui organise tout. Mais j’adore la France. À chaque fois que je viens à Paris, j’ai envie de m’y installer. C’est un de mes endroits préférés au monde. J’ai dit à toute mon équipe que je veux venir en France le plus souvent possible. Je prends tous les concerts, dans toutes les villes. J’adore les petites villes, les endroits moins connus. J’ai passé des moments incroyables dans les villes françaises hors Paris. Je veux en voir plus, construire quelque chose ici, développer mon public ici autant qu’aux États-Unis. Les Français ont une vraie sensibilité pour cette musique. C’est le cas dans plusieurs pays d’Europe, parfois plus qu’en Amérique. Donc oui, j’aime la France. Que dire de plus ? Il faut juste que j’apprenne le français.

Pozzo Live : La prochaine interview sera en français alors.

Stella Cole : Totalement, je suis partante.

Pozzo Live : Y a-t-il un endroit ou un pays où tu rêverais de jouer un jour ?

Stella Cole : Oui. Je vais en Asie l’année prochaine. J’ai déjà été au Japon, mais j’aimerais chanter en Corée du Sud. Je suis très curieuse de ce pays, je n’y suis jamais allée. J’ai été au Japon et au Népal, c’est tout pour l’Asie. Je vois plein de vidéos sur la nourriture coréenne, le shopping… La culture est tellement différente des États-Unis, ça m’intrigue. Et j’ai déjà chanté dans plein de pays qui étaient des rêves pour moi. Quand j’ai commencé sur internet, je rêvais de chanter dans des clubs de jazz à Paris. Et maintenant je le fais — je joue dans de grandes salles à Paris. Donc… Paris, l’Italie, la Suisse — c’étaient mes pays rêvés, et maintenant j’y suis. Prochaine étape : la Corée.

Pozzo Live : Quel artiste ou groupe est-ce que tu recommandes à Pozzo Live pour une prochaine interview ?

Stella Cole : Oh, bonne question. Il y a une chanteuse à New York qui s’appelle Georgia Heers. Je crois qu’elle vient de finir ses études à Juilliard. Elle était dans une comédie musicale à Broadway avec George Clooney, elle chante du jazz. Elle est encore en train de se faire connaître, mais je pense qu’elle aura une carrière incroyable. Sa voix est l’une des plus belles et spéciales que j’ai jamais entendues. Si tu peux la contacter, elle mérite d’avoir des fans en France.

Merci à Stella Cole pour son temps et merci à Universal
Interview réalisée en visio le 07 octobre 2025.

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