Il nous avait accordé une interview l’année dernière pour la sortie de son EP, c’est aujourd’hui pour parler de son premier album, Il faudra le faire, que nous avons à nouveau rencontré Victorien.
Pozzo Live : Bonjour, comment ça va ? Comment te sens-tu en ce début de tournée et à l’approche de la sortie de ton premier album ?
Victorien : Franchement, ça va. Je pense que le début de tournée m’aide à ne pas trop flipper de la sortie de l’album, parce que ça a vachement pris mon esprit sur les dernières semaines. Entre la création du set, les répétitions et tout ça… J’avoue que cette semaine, il n’y a pas de tournée, il n’y a pas de date, du coup je suis vraiment full focus sur l’album. Je suis un peu stressé, mais en fait j’ai l’impression qu’on a fait tout ce qu’on a pu. Je suis fier du projet, je suis content de l’image qu’on a autour de tout ce qu’on a créé, donc maintenant, j’ai envie de dire : les cartes sont jetées et il n’y a plus qu’à attendre de voir les résultats et ce que les gens en pensent.
Pozzo Live : Cette tournée se fait cette fois avec un album sorti, ou presque. Est-ce que tu appréhendes tout ça différemment de la première tournée, des premiers concerts que tu as faits, pour lesquels tu n’avais qu’un ou deux titres sortis ?
Victorien : Je ne sais pas si je vois le set différemment, parce que dans tous les cas, sorti ou pas sorti, il faut donner la même chose, t’es obligé. En fait, ce qui est cool, c’est qu’on a construit l’album un peu pour le live aussi, parce que mine de rien, l’EP je l’avais fait avant de faire des dates, et en tournant avec je me suis rendu compte qu’il y avait des trucs qui n’allaient pas. Avoir créé cet album en étant en tournée sur l’EP, ça fait qu’il y a pas mal de parties qui sont faites pour que les gens chantent. Il y a pas mal de lalala, de oh-oh-oh. Mine de rien, que les gens connaissent ou pas, des oh-oh-oh ça marche toujours. Pour l’instant ça se passe bien, et je pense que ça sera encore mieux à partir de la semaine prochaine justement, quand les gens pourront commencer à connaître les chansons. C’est là que je saurai vraiment si ça les a marqués ou pas. Mais je suis très content du live pour l’instant en tout cas.
Pozzo Live : Ton album parle beaucoup d’amour, mais il parle aussi des choix qu’on peut faire dans la vie. Un an après la sortie de ton EP, est-ce que tu penses pouvoir dire que tu as fait les bons choix et que tu as trouvé ta place dans la musique ?
Victorien : Je ne sais pas si j’ai fait les bons choix. Je pense que ça tu ne le sais jamais, parce que si ça se trouve un autre chemin m’aurait amené ailleurs et ça aurait aussi été un bon choix. Je pense que j’ai fait un des bons choix qui s’offraient à moi à un instant T, mais je ne suis pas encore arrivé là où j’ai envie d’être, le chemin est encore très long.
Des choix, il y en a un milliard possible, surtout dans la musique, rien que choisir entre une chanson ou une autre c’est déjà un choix qui peut-être décisif à certains moments. Donc je ne sais pas si c’est les bons, en tout cas j’ai l’impression que pour l’instant ça se passe bien avec ces choix-là en tout cas. À voir si c’étaient les bons, plus tard.
Pozzo Live : Tu n’es pas encore là où tu as envie d’être alors, pour toi, c’est quoi l’idéal ?
Victorien : En fait, je ne sais pas. Ce n’est pas tant qu’à ma place je ne me sens pas bien, c’est plus… Il y a un peu ce truc, enfin, je le vois surtout par rapport au regard des gens, il y a plein de gens qui sont en mode “wow c’est incroyable tout ce que tu fais”. Certes, ça l’est, c’est complètement fou de pouvoir le vivre, mais je pense que les gens qui apprécient ma musique sur-estiment un peu ma place dans cette industrie. C’est trop cool parce que ça rentre un peu dans le « fake it ‘til you make it ».
Donner cette impression là, forcément, c’est vendeur, mais c’est vrai que j’aspire à un truc… Déjà, d’être sûr d’avoir un projet pérenne, parce que mine de rien c’est un peu ça qui est compliqué au début dans la musique, c’est que t’es toujours un peu sur un fil. Et de te dire “ok dans six mois ça marchera encore”, c’est un peu ce truc-là que j’attends plus qu’un stade, un zénith ou quoi que ce soit. C’est plus de me dire “ok, je peux faire de la musique longtemps”, c’est plus dans ce sens-là.
Pozzo Live : S’il y a une chose qui ressort de ton album, c’est le côté nostalgique. Certains titres font même preuve d’un genre de nostalgie anticipée. À seulement 25 ans, est-ce que tu es déjà nostalgique de certaines choses, de certains moments, ou peut-être es-tu plus sujet, justement, à la nostalgie anticipée ?
Victorien : C’est hyper dur comme question. J’ai trop peur du temps, au global, j’ai peur du temps. J’avais une maquette, qui n’est pas dans l’album d’ailleurs, mais ça commençait par “j’ai peur du temps”. Vraiment c’était la première phrase. Je trouve que c’est hyper dur de se dire que tout ce qui est passé n’arrivera plus jamais et que tout ce qui arrive, tu ne peux pas le contrôler. C’est un peu bateau comme phrase, mais moi j’ai trop de mal à accepter ça.
Du coup faire des chansons sur des choses qui me sont arrivées, sur du passé, ça me permet de les figer dans le temps et de me dire que dans 20 ans ce moment existera encore sous la forme de cette chanson. Et tout ce qui parle de l’avenir, ça me permet de poser un peu mes peurs et d’essayer de relativiser. Enfin, je pense que c’est surtout par rapport aux chansons comme Quand je serai vieux et tout ça ? Ouais, ça c’est des trucs qui m’angoissent complètement et du coup, d’en faire une chanson ça me permet au moins de mettre des mots dessus.
Je ne sais pas si ça m’aide à aller mieux, mais au moins je mets des mots, et puis je me rends compte en général que je suis pas tout seul, une fois que les gens écoutent la chanson. Il y a plein de gens, enfin même en concert, là, il y a plein de gens qui disent “ah ouais, celle là, j’ai capté un truc”. Je me dis “ok, c’est bon je suis pas tout seul” et ces moment-là en fait ça fait du bien.
Pozzo Live : Lors de ton concert à la Maroquinerie, tu étais arrivé sur scène accompagné du tic-tac d’une horloge. Ce tic-tac, on le retrouve aussi à la toute fin de ton album, sur le morceau Quand je serai vieux, et le temps est une composante essentielle de certains de tes titres. Est-ce que tu as l’impression de courir après le temps ?
Victorien : Je pense que c’est un peu les deux. Je cours après le temps, mais parce que je le gaspille trop facilement. J’ai un peu tendance à procrastiner et j’angoisse de ne pas profiter, mais j’angoisse de faire les choses parce que ça arrive trop vite. Du coup je suis dans une espèce de cercle vicieux où à la fois il y a des jours où je ne fais rien mais je culpabilise de ne rien faire, donc le temps me fait peur, mais du coup tout arrive trop vite parce que tout s’accumule et en fait après je me retrouve dans un truc où je ne sais plus quoi faire et je flippe de tout ce qui arrive… Mais il faut que je travaille là-dessus, c’est un projet en cours.
Pozzo Live : Sur 12 chansons tu en avais déjà dévoilé huit sur scène pendant tes précédents concert. Est-ce que la réaction du public à ces différents morceaux a impacté leur présence sur l’album ?
Victorien : Je ne pense pas. J’essaye de ne pas trop faire de la musique que pour les gens. J’essaye aussi de faire quelque chose qui me ressemble et il y a des chansons qui marchaient très bien en live et pour lesquelles j’ai dit “non, en fait, je ne les veux pas dans l’album”, parce qu’à l’instant T ça marchait, ça me plaisait, mais en fait un album c’est un truc qui est censé rester quelques années, donc je ne veux pas qu’il y ait ça dessus.
Après, ça a permis de faire des choses marrantes, par exemple sur une chanson qui s’appelle Au début, j’ai des potes qui étaient avec leurs dictaphones dans la salle et qui enregistraient les lalala des gens, et on les a mis dans la version finale. Donc dans le disque il y a les gens qui chantent à la Maroquinerie. C’est vraiment ce qu’il s’est passé… En vrai, on a dû gérer un peu les tempos, mais c’est un vrai dictaphone, fait à l’iPhone au fond de la salle, qui a enregistré tout le monde et qu’on a mis dans la version finale.
Mais j’essaye de faire de la musique pour moi, surtout, au départ et de me dire qu’après ça touchera les gens plutôt que de me dire “ok, ça ça marche pour les gens donc je le prends”.
Pozzo Live, La dernière fois qu’on t’a rencontré, tu nous parlais de projets auxquels tu avais pu participer, mais qui ne vivaient pas encore. Récemment, on a pu te découvrir auteur et compositeur pour l’EP de Marianne, aux côtés de Jeremy Chapron notamment. Comment ça arrive sur la table, ce genre de projet ?
Victorien : Ça arrive par hasard. Jeremy c’est un pote, on ne bosse pas sur mon projet ensemble mais de temps en temps il m’appelle sur d’autres projets. Il est producteur. Je ne sais plus trop où on était, je ne sais pas trop ce qu’on faisait à ce moment-là, il me dit “ouais, j’ai rencontré une meuf trop cool, elle bosse avec un pote à moi dans un label est-ce que ça te chaufferait d’écrire ?”. Moi à ce moment-là, j’avais rien à faire, j’ai dit “évidemment, feu, allons-y” et puis c’était parti et on a fait cet EP, et là on a recommencé, il n’y a pas longtemps à bosser ensemble, avec elle, pour sa suite… Donc je ne peux pas trop en dire plus parce que ce n’est pas mon projet, mais c’est toujours hyper intéressant de bosser sur d’autres projets.
Moi j’attends qu’on m’appelle, je ne vais jamais aller me proposer parce que j’estime pas être en mesure de le faire, enfin… Ce serait un peu mégalo, pour l’instant, au stade de développement où je suis, ce serait un peu mégalo de faire ça, mais si on m’appelle et que mon travail plaît, franchement moi je suis partant pour tout, donc à chaque fois c’est trop de bonnes expériences. Maintenant j’ai hâte de voir la suite de son projet, un peu, ce que ça va donner.
Pozzo Live : Puisqu’on parle d’écrire et de composer pour les autres, est-ce que tu as une préférence entre créer pour toi ou pour les autres ?
Victorien : J’avoue que pour l’instant, je suis encore dans un truc où je préfère créer pour moi parce que je sais où je vais. Enfin, je me fais ma thérapie à moi-même, alors qu’écrire avec d’autres c’est hyper compliqué, c’est complètement autre chose, et je suis en train d’apprendre donc forcément, tu prends pas le même plaisir quand tu sais faire quelque chose que quand tu apprends. Donc ouais c’est beaucoup de travail de psychologie, et j’apprends encore à le faire et des fois c’est un peu compliqué donc pour l’instant, je préfère encore bosser sur mon projet. Mais je prends quand même vachement de plaisir à bosser avec les autres.
Pozzo Live : Tu aurais une envie particulière de travailler avec quelqu’un ? Ton projet de rêve, ce serait avec qui ?
Victorien : Pour quelqu’un d’autre j’avoue que je ne me suis tellement pas posé la question parce que j’estime pas être encore qualifié pour le faire. Du coup j’attends un peu que ça vienne à moi pour le moment, donc j’avoue, je ne me suis jamais posé la question et je pense que je n’ai pas encore ma légitimité pour y réfléchir et pour donner une réponse.
Pozzo Live : La formation musicale qui t’accompagne est assez peu courante, notamment avec la présence d’une violoniste. Est-ce que c’est une volonté de ta part d’avoir cet instrument avec toi ?
Victorien : Alors elle n’est plus là avec moi sur scène, mais c’est vrai que sur les deux dates parisiennes qu’on a pu faire ensemble, moi c’était un vrai choix. Déjà parce que je suis hyper fan des cordes, je trouve que ça rajoute toujours une dimension hyper poétique à tout. Mais ça avait plus sa place dans la version du set d’avant, qui était beaucoup plus posée. Là, on a un truc qui bouge un peu plus alors ça aurait marché, mais en fait ça pouvait pas être le troisième élément, il aurait fallu que ça soit vraiment un élément en plus sur une grosse configuration. Et là du coup maintenant on est même moins qu’à la Maroquinerie, au Trianon, mais parce qu’en fait ça marche trop bien et on avait pas envie de se mettre en galère à réapprendre à nouveau le spectacle deux jours avant parce que c’est Paris. Et puis même, je trouve ça cool de pouvoir proposer le même show partout en France. Mais à terme, si on peut regrossir la configuration, évidemment que le sujet violon reviendra sur la table.
Pozzo Live : Les musiques de ton album sont assez simples, épurées même, et on retrouve parfois quelques morceaux où il n’y a presque rien derrière ta voix hormis une guitare ou un piano. Ce côté simple, c’est ce qui caractérise ta musique, selon toi ?
Victorien : Je pense que c’est ce qui me caractérise tout court, en fait. Je pense que je ne suis pas très compliqué. Je trouve que les chansons, si elles ne marchent pas en guitare ou en piano-voix, c’est une chanson qui marche pas tout court. Tu vas mettre plein d’artifices partout pour compenser un truc qui n’est pas suffisant. En fait si ça marche comme ça, des fois c’est la meilleure manière de le présenter aux gens. Et à la fois, toi tu dis qu’il n’y a presque rien, mais en fait c’est là où c’est ouf, c’est que je bosse avec des gars qui sont trop forts, parce qu’en fait il n’y a presque rien, mais il y a 90 pistes différentes. C’est juste que ça te donne une atmosphère qui est énorme, mais où tu ne distingues rien de particulier, et t’as juste l’impression que c’est un guitare ou un piano-voix alors qu’il y a une liste de pistes qui est gigantesque, t’as des orgues et tout dans tous les sens, mais qui sont tellement bas que tu ne les distingues pas vraiment. Ça te met dans un univers qui est différent de juste un guitare voix ou un piano voix. Mais j’adore ces chansons, les plus simples possibles, et à la fois de plus en plus, j’adore les chansons qui tabassent, parce que sur scène tu peux sauter partout, tu peux danser, et faire chanter les gens. Enfin, danser… On s’entend, mais tu peux sautiller quoi.
Pozzo Live : Est-ce que tu cherches à faire encore plus simple quand il s’agit de morceaux qui ont trait à ta vie privée, par exemple Chez mon grand-père ou Balade à deux ?
Victorien : Je pense que ça dépend de la chanson. Tu peux raconter un truc hyper deep sur une chanson qui tape dans tous les sens, enfin sur une prod qui tape dans tous les sens. Je pense que ça va dépendre vraiment de la chanson. Chez mon grand-père, on on l’a toujours faite au piano et je la voyais absolument pas autrement. Moi je l’ai écrite à la guitare, je me suis rendu compte qu’au piano, ça marchait mieux et en fait à partir de ce moment-là, il n’y avait pas besoin de beaucoup plus. Encore une fois ça reste une chanson qui grossit au fur et à mesure du morceau, mais ça reste un piano voix. Donc je ne sais pas si c’est lié au fait que ce soit lié à ma vie, mais je pense que c’est vraiment propre à la chanson à chaque fois. Et le plus dur c’est toujours de trouver et de se dire que là c’est bon, là il faut s’arrêter.
Balade à deux, ça été un gros sujet parce qu’au départ c’était juste une guitare électrique, qui fait le même mouvement que la guitare qui y est maintenant, mais il n’y avait que ça et il y avait 50 % de l’équipe qui était en mode “non mais c’est ça”. Moi je disais « non mais on peut aller chercher plus je pense” et du coup ça a un peu été une chanson clivante. Ça a valu pas mal d’embrouilles, mais j’ai gagné à la fin. Peut-être qu’un jour on sortira la chanson à la guitare électrique, si ça marche on sait jamais.
Pozzo Live : Sur une réédition de l’album ?
Victorien : Pourquoi pas, si il y’en a une, c’est pas encore dans les discussions.
Pozzo Live : On se doute que les derniers mois ont été très axés, musique et préparation pour la sortie de l’album et la tournée. Est-ce que tu as finalement eu le temps de retourner voir la mer et de prendre des vacances ?
Victorien : J’ai pris des vacances en janvier dernier, je suis parti aux Canaries une semaine. Et après, non cet été j’ai réussi à couper quand même. En fait, ce qui est bien dans la musique c’est que quand tu n’es pas encore dans les gros festivals, du 15 juillet au 15 août tu sais que tout le monde est en pause et tu peux prendre du temps.
Donc je suis descendu dans le sud, je suis allé à la mer. Je suis même retourné bosser dans les huîtres pendant une semaine, pour me faire un petit kiff. Enfin, bosser… On s’entend. Je suis allé voir les gens avec qui je bossais à l’époque, je suis allé faire un tour de bateau et je suis rentré. Bosser tranquillement quoi. Après je n’étais pas payé donc je n’allais pas faire beaucoup plus ! Mais j’ai réussi à couper quand même, il fallait.
Pozzo Live : C’est important de couper ?
Victorien : Oui, sinon t’arrives dans un truc où tu ne fais rien d’autre que de la musique et très vite t’arrives à ne plus rien avoir à raconter. Parce que c’est bien beau une fois que t’as raconté les 20 années qui se sont écoulées, tu ne peux pas non plus en faire 50 chansons, sauf si tu fais vraiment des chansons sur les petits détails. Il faut vivre des choses pour raconter des choses. Sinon t’écris juste des histoires à la troisième personne et c’est un livre.
Pozzo Live : Quel artiste conseilles-tu à Pozzo live d’interviewer après toi ?
Victorien : Qui est-ce que j’écoute beaucoup en ce moment ? En ce moment je suis à fond, j’en parle dans toutes toutes mes interviews c’est une honte, mais je suis à fond sur le projet de The Doug. Je trouve qu’il est trop fort. C’est un mec qui fait entre la pop et du rap mais très très deep dans les sujets qu’il aborde, qui a une écriture de zinzin, qui chante super bien. Il a fait un Olympia il n’y a pas longtemps, là. Donc très très très doué, et je suis curieux de voir ce qu’il a à dire.
Merci à Victorien pour son temps et merci à Universal. Interview réalisée le 27 octobre 2025.
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