Everybody Scream
par Florence + The Machine
« And it’s your troubled hero, back for season six« , clame Florence + The Machine. Près de trois ans se sont écoulés depuis Dance Fever, et trois ans qui n’ont pas été de tout repos pour Florence Welch. Après une expérience traumatisante, la chanteuse de Florence + The Machine revient avec Everybody Scream, son sixième album. Un projet dense, osé, et cathartique. On vous en dit plus !
Il serait dommage d’écouter Everybody Scream sans aucune notion de son contexte d’origine. A la fin de la tournée Dance Fever, il y a deux ans de cela, Florence Welch a annulé plusieurs dates sans en donner la raison. Elle a par la suite expliqué qu’elle avait du subir une opération en urgence qui lui a sauvé la vie. C’est seulement quelques semaines avant la sortie de l’album que l’artiste se confie, dans une interview chez The Guardian, expliquant qu’elle a souffert d’une grossesse extra-utérine, fait une fausse couche lors de la tournée, qui a résulté en diverses complications nécessitant une intervention d’urgence, sans laquelle, elle aurait pu mourir. « En étant si près de donner la vie, je n’ai jamais été si proche de la mort« , avoue t-elle dans cet échange. L’écoute de l’album est autrement plus intense lorsque cette œuvre est écoutée en connaissance des circonstances qui ont mené à sa création.
L’album s’ouvre sur Everybody Scream, le premier single issu de l’opus du même nom. Au même titre que Free dans l’album précédent, à travers ce morceau, Florence Welch célèbre son amour de la scène, se rappelant finalement que c’est lorsqu’elle performe qu’elle se sent le plus vivante. « I can come here and scream as loud as I want. Here I don’t have to be quiet, here I don’t have to be kind, extraordinary, normal at the same time« . Le rythme autant que les cris presque « possédés » du refrain rendent la chanson addictive et on peut déjà imaginer l’exutoire que celle-ci représentera pour le public en concert !


Le second morceau, One of the Greats est le plus long titre jamais produit par Florence + The Machine. Le titre s’ouvre sur un lourd riff de guitare où la production de Mark Bowen (le guitariste d’Idles) se fait nettement ressentir. A travers ce morceau, Florence Welch semble revenir à la vie après avoir été enterrée en enfer. « I crawled up from under the earth, broken nails and coughing dirt« . De façon plutôt ironique, Florence Welch avait écrit cette chanson avant le drame qu’elle a vécu ! Pendant près de sept minutes, Florence dresse une longue liste d’injustices, notamment toutes celles liées à la place de la femme dans l’industrie de la musique. « It must be nice to be a man and make boring music just because you can« . Le morceau se construit et monte, monte, et continue de monter en pression avant une fin explosive et marquante qui se présente presque comme la conclusion d’une dispute.
L’ambiance change du tout au tout avec le morceau suivant, Witch Dance. Le titre porte très bien son nom! Nous assistons presque à un bal des sorcières. A travers les paroles, qui se composent d’un long discours défilant sur un fond glauque et chaotique et des chœurs ensorcelants, on dirait presque que Florence nous jette un sort. Le thème de l’horreur a été une véritable inspiration pour cet album (on comprend qu’il soit sorti le jour d’Halloween!), et Witch Dance en est la meilleure représentation. Dans ce long monologue, la chanteuse fait une introspection et constate que finalement, rien ne l’effraie plus qu’elle-même. « I met every monster from the bar to Broadway and all their violent offers I just turn them away / And your threats and your promises they don’t scare me / After all there’s nobody more monstruous than me« .
Nous arrivons ensuite à Sympathy Magic, troisième et dernier single qui a vu le jour avant l’arrivée d’Everybody Scream, et sans doute l’un des plus beaux titres de l’album. Le titre est représentatif de tout l’art de Florence + The Machine : une mélodie grandissante, mélange entre la douceur de la harpe comblé par les tambours en fond, et porté par sa voix angélique. Mention spéciale pour le second couplet qui redescend en rythme où Florence Welch chuchote presque ses peines, avant de les crier à pleins poumons : « Head high, arms wide, aching, aching, aching and ALIVE« . Comme à travers l’ensemble de l’album, l’artiste crie sa peine sur ce morceau, tout en défiant presque l’univers « Come on, come on, I can take it. Give me everything you’ve got« . Ce morceau se présente presque comme un nouveau commencement, après tout ce que l’artiste a vécu.


Avec Buckle, le rythme redescend avec des arrangements acoustiques qui font résonner le morceau presque comme une confession. Florence Welch se dévoile à travers des paroles très personnelles, évoquant un amour à sens unique. « I made a thousand people love me, now I’m all alone« . Au contraire, Kraken dans la foulée, relance le rythme. Ici, Florence se compare à ce monstre marin et semble « relâcher le kraken » comme le veut l’expression à travers un refrain ensorcelant qui remonte le rythme de l’album.
The Old Religion s’ouvre sur la simple délicatesse de la voix de Florence Welch posée sur des notes de piano. Puis la douceur laisse place à la guitare et, progressivement, au retour des tambours, qui sont de plus en plus présents et font monter le morceau crescendo. A travers ce titre à nouveau très personnel, l’artiste se livre à cœur ouvert en décrivant sa déchéance. « When it’s at its darkest, it’s my favourite bit. And I am wound so tightly, I hardly even breathe […] But you can’t outrun yourself you see / And I’m powerless, I know, don’t remind me« . On tient là sans nul doute l’un des titres les plus puissants qu’Everybody Scream ait à offrir.
L’opus se clôture sur deux titres radicalement opposés l’un à l’autre. Tout d’abord, Florence + The Machine nous offre You Can Have It All. Florence Welch décrit ce titre comme « un ‘fuck you’ absolu à cette phrase : tu peux tout avoir« . En effet, on dit toujours aux femmes qu’elles peuvent tout avoir: une carrière, une vie de famille, indiquant que finalement, on échoue si on ne compile pas tous ces éléments en tant que femme. A travers ce titre, Florence Welch fait à la fois le deuil de son enfant perdu « Light a candle, place my grief upon the altar […] I used to think I knew what sadness was, I was wrong« , tout en laissant monter sa colère envers les attentes démesurées qui sont imposées aux femmes. « Tout avoir, c’est un mythe qui nous épuise, nous les femmes« , indique la chanteuse. Ce titre est sa réponse à cette réflexion. La rage montante de la chanteuse crée une puissance grandissante à la chanson qu’elle achève en criant.
A tout cette rage vient s’opposer And Love, qui clôture l’album. Ce dernier titre s’impose comme une douce balade au milieu des tambours, comme la lumière au bout du tunnel, et comme murmure après un album tonitruant. « Peace is coming, peace is coming » répète en douceur Florence Welch. S’agit-il d’un réel apaisement, ou la chanteuse essaie t-elle simplement de s’en convaincre comme si elle le faisait à travers une prière ? Ce qui est certain, c’est que And Love apporte une conclusion apaisante de tranquillité après onze morceaux exaltants, une conclusion presque contradictoire au titre de l’opus. Florence + The Machine nous rappelle toutefois que chaque peine, chaque douleur, chaque drame désarmant, et chaque cri, finira toujours par se taire, et se conclura toujours par le silence.


Ce qu’il faut retenir de Everybody Scream:
« J’ai le sentiment de mourir un petit peu, à chaque fois que je créé un album, et cette fois, j’ai réellement failli mourir« , confie Florence Welch. Le traumatisme de sa fausse couche, et du drame qui s’en est suivi, nourrit l’ensemble de l’album. Everybody Scream se présente comme une œuvre complètement cathartique. Il semble évident que cet opus n’a pas été créé pour plaire, ni pour sortir des titres populaires et dansants. Il s’agit purement d’un album là pour extérioriser, et la chanteuse le fait à merveille. Everybody Scream est intense, dense, et lourd de sens. Florence Welch se livre, plus vulnérable que jamais, à travers des morceaux profonds et personnels, dans une ambiance mystique portée par la harpe, les tambours, et la magnifique production d’Aaron Dessner. En traitant de la mort, du traumatisme, du deuil, mais aussi de sa survie et de l’espoir qui en découle, Florence + The Machine créé ici un sixième album déroutant, mais d’une qualité indescriptible, et difficile à égaler.
TRACKLIST
- Everybody Scream
- One of the Greats
- Witch Dance
- Sympathy Magic
- Perfume and Milk
- Buckle
- Kraken
- The Old Religion
- Drink Deep
- Music by Men
- You Can Have It All
- And Love
Et si, comme nous, vous l’avez adoré, ne manquez pas le concert de Florence + The Machine à l’Accor Arena le 22 février 2026 !



Everybody Scream
par Florence + The Machine































