Le nouvel album de 6:33, Feary Tales For Strange Lullabies : The Dome, est disponible depuis le 1er octobre. À ce titre, j’ai eu la chance de pouvoir interviewer Nicolas Pascal, alias Nicko, le guitariste du groupe afin qu’il nous parle de cette petite pépite complètement folle. Pour celles et ceux qui ne l’auraient pas encore lue, la chronique est disponible juste ici !

 

Pozzo Live : Tout d’abord, comment est-ce que tu décrirais 6:33 ?

Nicko : Pour répondre à cette question, je vais te dire comment nous voyions le groupe à l’époque lorsqu’on l’a créé. On avait tous des projets dans le metal plus ou moins extrême, et on s’est dit qu’on allait se monter un petit projet en parallèle où on ferait ce qu’on a envie de faire qui ne rentrerait pas dans le cadre du metal. Finalement ce projet là est devenu notre projet principal, et voilà ! L’idée c’était d’y mettre tous les genres  qu’on aimait et qui ne rentraient pas dans le rayon « metal » de la Fnac !

Pozzo Live : J’ai cru comprendre que vous aviez formé le groupe en 2008 après une soirée un peu arrosée. Est-ce que tu pourrais m’en dire un peu plus là-dessus ?

Nicko : C’est exactement ça ! On avait fait une soirée  entre amis, et comme je te disais on venait chacun de groupes différents. En fin de soirée, vers 6h30, on se dit qu’on va faire un groupe ensemble, qu’on portera des masques,  etc. Mais il fallait qu’on trouve un nom de groupe, et c’est toujours le truc fatigant. Le chanteur de l’époque lève les yeux sur la pendule et nous dit « ah bah tiens, il est 6h33, on va s’appeler 6:33 ! ». Puis on s’est dit que si le lendemain, une fois que la gueule de bois serait passée, le nom nous faisait toujours rire, on le garderait.

Pozzo Live : C’est bien parce que c’est un nom qui peut s’exporter je pense. Vous n’êtes pas partis sur un nom français, et celui-ci peut coller pour tous les pays.

Nicko : Exactement. Mais ce qui est marrant c’est qu’apparemment ça a une connotation religieuse. C’est un verset de la bible ou quelque chose comme ça. Et le problème c’est qu’au début les gens essayaient de poser des explications quant à notre nom en pensant qu’il avait un rapport avec la religion alors que pas du tout. Il y a même certaines personnes qui ont pensé qu’on produisait un metal chrétien.

Pozzo Live : C’est pour ça que vous avez composé Deadly Scenes ? Pour faire un clin d’œil à cette histoire ?

Nicko : Non pas du tout, mais après cet album, avec des titres comme Hallelujah etc on nous avait fait la remarque sur le fait qu’on serait un groupe chrétien.

Pozzo Live :Concernant votre export à l’étranger d’ailleurs, ça décolle ou ça reste encore un peu timide ?

Nicko : On pensait que c’était un petit peu timide, mais c’est moi qui m’occupe des envois de commandes pour l’instant, et je me suis aperçu que la moitié de celles-ci partaient pour l’étranger. Donc j’ai été agréablement surpris ! Cet album, on l’a signé avec une maison de disque italienne qui va s’occuper du réseau à l’étranger. En France c’est une autre boîte, mais à l’étranger c’est cette entreprise qui va s’en occuper et on espère qu’avec eux notre musique va se propager un peu à l’étranger.

Pozzo Live : Quel est le processus de création de vos albums ?

Nicko : La composition de la musique, c’est quelque chose que je fais vraiment seul. Je m’occupe de toute la musique de mon côté, dans mon studio, et au fur et à mesure que j’avance, j’envoie mes demos à Manu [Emmanuel Rousseau est l’un des deux claviéristes du groupe] qui me fait ses retours avec une oreille neuve. Il a beaucoup de recul là-dessus. Une fois que l’on a fait ça, on pose des lignes de chants, mais un peu comme du yaourt on va dire, puis Flo [Florent Charlet est le chanteur du groupe] pose des mots sur les sonorités de chant. Ensuite on passe en studio avec Manu et on réenregistre ce qu’on a fait.

Pozzo Live : Manu est présent depuis le début lui aussi, comme toi c’est bien ça ?

Nicko : Oui exactement !

Pozzo Live : J’ai vu qu’il avait changé plusieurs fois de pseudo d’ailleurs.

Nicko : Oui il a changé de pseudo, et ça tu vois c’est pareil : c’est une idée qu’on a eu au début mais bon, en grandissant tu changes de pseudo. Manu a changé plusieurs fois, peut-être à chaque album même !

Pozzo Live : Si je ne dis pas de bêtises, il a gardé le même sur Orphan of Good Manners et The Stench From the Swelling, puis a changé sur Deadly Scenes et a peut-être gardé le même sur The Dome ?

Nicko : Peut-être oui. Mais je crois que sur The Dome on a mis nos vrais noms. On en avait marre des pseudos. Et moi-même j’écorchais son propre pseudo [Emmanuel s’est nommé Dietrisch von Schtrudle, puis Howahkan Ituha], c’était trop compliqué !

Pozzo Live : Quelles sont vos influences musicales à chacun ?

Nicko : Wow, eh bien elles vont de Michael Jackson à Faith No More en passant par Pink Floyd, Ennio Morricone, Devin Townsend… C’est vraiment très large !

Pozzo Live : Pour The Dome cela a été un peu particulier car vous avez eu un gros changement de line-up : Cédric Guillo vous a rejoint à la batterie, Sylvain Mazeau qui était à la basse depuis le début est parti… Comment est-ce que vous avez géré tout cela ?

Nicko : Exactement. Tout cela s’est passé une fois l’album terminé donc ça n’a pas eu d’incidence sur l’enregistrement de l’album. Mais en plus de ça la pandémie a été compliquée pour le moral. Sylvain a décidé de partir car il va être papa, et plein de choses arrivent dans la vie faisant qu’on ne suit plus tous le même chemin. Après avoir terminé l’album, ça a été compliqué de chercher des musiciens, de remettre la machine en route, et plus particulièrement la machine live. Maintenant que c’est fait je suis très content, mais c’est vrai que sur le moment, quand il a fallu s’occuper de tout ça, c’était compliqué. Maintenant ça tourne bien donc on est heureux !

Pozzo Live : Toujours concernant les membres du groupe, Bénédicte Pellerin prête régulièrement sa voix sur des titres du groupe. Est-ce qu’elle fait partie à part entière du groupe ou est-elle plutôt une sorte d’invitée ?

Nicko : Elle est arrivée comme une invitée à l’origine. La première fois qu’elle a travaillé avec nous c’était sur The Stench, et au fur et a mesure des albums elle a pris de plus en plus d’importance et aujourd’hui elle fait vraiment partie du groupe. Elle a autant de place que Flo au chant, donc oui elle est véritablement un membre du groupe. Mais ça c’est fait naturellement au fil du temps.

Pozzo Live : Je repense au fait que vous ayez décidé de mettre vos vrais noms sur l’album. Vous avez aussi choisi de ne plus porter de masques, qu’est-ce a impulsé ces changements ? Est-ce qu’après un an et demi à porter un masque dans la rue vous en avez eu assez ?

Nicko : Alors oui il a de ça c’est sûr ! Et puis comme je te disais, le groupe est parti d’une blague après une soirée un peu arrosée, mais le problème c’est que près de 13 ans après, ce n’est plus marrant de porter des masques. De plus, je trouve que ça ne colle plus vraiment avec l’ambiance qu’on a développée sur cet album. Enfin, c’est vrai que la pandémie a été compliquée, ça fait deux ans qu’on porte des masques et je n’ai vraiment pas envie de continuer sur scène. Surtout que ça devenait trop désagréable sur scène. En live on porte des oreillettes donc on entend pas le public, et en plus de ça les masques créent une séparation avec le reste de la salle. J’avais souvent l’impression de jouer tout seul, d’être enfermé dans une petite boîte. Ça créait un mur entre le public et moi et j’en avais marre. Les concerts, c’est à ce moment-là où tu es censé entrer en communion avec le public et avec le masque je n’avais pas du tout cette sensation. Ça devenait trop pénible.

Pozzo Live : Je suppose que vous allez faire une tournée pour défendre The Dome. Lors de la précédente, vous aviez un spectacle un peu particulier, le Asylum Picture Show, est-ce que vous avez prévu de garder un concept similaire ?

Nicko : Déjà le fait d’avoir un batteur maintenant nous fait repartir sur quelque chose de plus classique. On a récupéré ce côté groupe de rock/metal, donc on a va peut-être moins pousser le visuel, mais on gardera l’écran. Ce sera certainement moins costumé ou alors nos habits seront plus en rapport avec ce qu’on a développé dans l’album. Ce sera un poil moins imagé on va dire. Mais ça restera en rapport avec The Dome, donc très coloré et avec beaucoup de néons.

Pozzo Live : Concernant la pochette de l’album, qui est-ce qui l’a réalisée ?

Nicko : C’est Florian, de Chromatorium qui a fait cette pochette. J’avais vu une pochette d’un autre album qu’il avait fait que j’avais trouvée magnifique. Il avait aussi fait plusieurs illustrations typées Bladerunner, très  rétro-futuristes que j’avais adoré. On cherchait un artwork et un design influencés par Bladerunner, Sin City et cette po-culture des années 80-90, donc on lui en a parlé, on lui a donné quelques idées et quelques petites lignes à suivre et il s’en est occupé. Dans le livret de l’album, on n’a pas mis de texte à part les crédits : il n’y a que des illustrations en rapport avec les morceaux et je trouve que ça aide à l’immersion dans l’album. Il a vraiment fait du bon boulot je trouve.

Pozzo Live : Vous avez mis une illustration correspondant à chaque titre ?

Nicko : Il a quatre ou cinq illustrations qui se réfèrent à un titre. On n’a pas pu tous les faire, parce que mine de rien c’est beaucoup de travail, mais on a fait quelques scénettes en rapport avec les titres de l’album.

Pozzo Live : Vous avez décidé de faire des jeux vidéo le thème principal de The Dome. Vous êtes de gros joueurs dans le groupe ?

 Nicko : On est des gamers, mais sans plus. Mais le thème de l’album n’est pas vraiment les jeux vidéo. Il y a une sorte de ligne directrice comme une petite histoire, mais ce n’est pas véritablement le thème. Pour autant on s’est appuyés sur l’imagerie des jeux vidéo c’est vrai. Sur le premier single, on voulait absolument faire comme une espèce de jaquette rappelant les jeux Megadrive donc on s’est bien appuyés là-dessus. Mais le thème n’est pas les jeux vidéo à proprement parler.

Pozzo Live : Quel est le thème alors ?

Nicko : L’album raconte l’histoire d’un jeune artiste qui décide de quitter sa campagne pour monter à la capitale, donc ce fameux « Dôme », pour essayer de percer dans le monde artistique. On voit alors qu’il se heurte à toutes les difficultés du milieu et de cette mégapole. Ça c’est le fil rouge, et chaque morceau raconte des petites scénettes qui ont un rapport plus ou moins avec ce thème central.

Pozzo Live : Dans vos albums on retrouve toujours énormément de références aux films et aux jeux vidéo, et on sent ainsi que vous faites partie de cette génération qui a vu naître la communauté geek, même si on n’utilisait pas ce terme à l’époque. Est-ce que ça a été difficile pour toi, comment est-ce que tu l’as vécu ? Je ne peux pas m’empêcher de penser à votre titre I’m a Nerd en me demandant si tout cela n’est pas une sorte de vengeance que vous prenez sur cette époque.

Nicko : Oui complètement ! Je ne sais pas quel âge tu as, mais j’en ai bientôt 40 et dans les années 80-90, être geek, donc lire des mangas, des comics, aimer la science fiction etc, c’était un peu honteux tu vois. Aujourd’hui au contraire, c’est devenu quelque chose de cool. La pop-culture, on en a a partout, et il suffit de voir tous les films Marvel qui cartonnent… À l’époque t’avais un comic dans ton sac, les filles se moquaient de toi, tu vois ce que je veux dire ? Aujourd’hui c’est devenu cool et c’est ce qu’on a voulu dire dans I’m a Nerd. On a toujours plus ou moins été fiers d’être des geeks et c’est facile aujourd’hui de dire qu’on aime ça car ce n’est plus du tout perçu de la même manière. Ça a été un peu pareil avec le fait d’être métalleux aussi : quand j’étais au collège et que je portais des t-shirt Megadeth, Metallica et compagnie, les autres me regardaient de travers en mode « eh regardez-le », « sataniste ! » ou je sais pas quoi. Aujourd’hui, Kardashian se balade avec des t-shirts Meshuggah. Là aussi c’est devenu cool. C’est improbable, mais c’est comme ça.

Pozzo Live : The Dome est beaucoup plus électronique que les albums précédemment enregistrés même si on a toujours ressenti cette pâte. Est-ce que tu as fait cela pour plus coller à cette image jeux vidéo de l’album, ou est-ce que c’était une volonté antérieure à cela, une continuité logique de l’avancée du groupe ?

Nicko : Oui c’est une suite logique, et puis on voulait aussi coller à cette ambiance. On souhaitait faire un album très coloré, très typé années 80-90 donc on a ressorti des vieux synthés et des vieilles boîtes à rythmes de l’époque. On voulait vraiment retrouver ce côté électro, mais pas électro actuel, véritablement des années 80-90 tu vois ce que je veux dire ? Un peu les codes qui sont utilisés dans la synthwave aujourd’hui, comme Perturbator, Carpenter Brut, et compagnie. C’est de l’électro, mais qui puise ses racines dans la musique des années 80.

Pozzo Live : Il y a ce titre, Release the He/Shes, dans l’album. Est-ce un titre traitant de la transidentité ?

Nicko : Exactement. Comme je t’ai dit on a composé des petites scènes, et ce morceau-là concrètement parle de trois danseurs transsexuels qui dansent dans une boîte le jour et la nuit sortent en mode super-héros pour défendre la veuve et l’orphelin. Ce n’est pas un morceau qui prend partie sur le sujet, mais on voulait avoir des personnages forts transsexuels. D’ailleurs quand l’album est sorti, on a eu une personne transsexuelle qui est venue nous parler en nous demandant ce qu’on avait voulu dire par ce morceau et si elle pouvait obtenir les paroles. On a beaucoup parlé avec elle et elle a vraiment apprécié le morceau, mais c’est vrai que sur le moment elle a été un peu méfiante en nous disant qu’elle n’avait pas compris tout le texte et ne savait pas trop ce qu’on avait voulu dire.

Pozzo Live : Il y a aussi Prime Focus, un titre qui m’a beaucoup marqué. C’est probablement le titre le plus complexe, ou en tout cas le plus étonnant de l’album à mon sens. Qu’est-ce que vous aviez en tête à ce moment ?

Nicko : Toute la grosse partie de musique classique, c’est beaucoup Manu qui s’en est occupé parce que son boulot aujourd’hui c’est de composer des musiques de trailers de films, ou qui se retrouvent dans des émissions de télé aussi. Du coup il manie très bien la programmation, si bien qu’on a l’impression que c’est un vrai orchestre qui joue. Et donc ce que l’on voulait faire sur ce morceau, c’était une comédie musicale, faire une espèce de titre comédie musicale à la Broadway, mais plus typée L’Étrange Noël de Monsieur Jack. Tu sens que dans le chant c’est poussé un peu à son paroxysme, c’est très « joué ». On voulait que ce soit construit comme de la narration plus que comme un morceau alternant couplets et refrains. On voulait vraiment ce côté comédie musicale, alors qu’on déteste ça pourtant !

Pozzo Live : C’est vrai ? Pourtant cet aspect ce ressent souvent sur vos titres !

Nicko : Disons que c’est que j’aime pas les comédies musicales du genre Grease et compagnie. Pour autant, j’aimerais avoir une comédie musicale avec des morceaux que j’aime bien. C’est peut-être pour ça aussi qu’on met autant ce côté là dans nos morceaux, on a envie de le faire à notre manière.

Pozzo Live : Tu vois, le titre m’a pas mal fait penser à ce que vous aviez fait sur Black Widow, ou sur la trilogie des clowns comme Order of the Red Nose par exemple. J’y ai aussi retrouvé du Harry Potter, du Peter Pan…

Nicko : Oui carrément ! Il y a un côté style Disney effectivement, mais on voulait que ce soit un poil plus macabre. On souhaitait pas non plus faire La Reine des Neiges, mais on souhaitait ce côté grandiloquant, mais à notre sauce.

Pozzo Live : Quel est ton titre préféré de l’album ?

Nicko : Pour moi c’est Party Inc. Je trouve qu’il met la patate. On sort de pandémie, je trouve qu’il y a un message derrière. Avec la situation qu’on a vécu pendant le covid, le message se reflète un peu là-dedans : on a pendant deux ans interdit aux gens de faire la fête, donc je prends ce morceau comme un crie à ça. Laissez-nous nous amuser, laissez-nous faire la fête et on fera la fête jusqu’à en crever. Au-delà de ça, c’est un morceau assez complet je trouve. Tout ce que j’aime dans le groupe et tout ce qu’on propose dans l’album se retrouve dans ce morceau. Pour moi c’est un des morceaux les plus complets, mais c’est seulement mon ressenti.

Pozzo Live : Qu’est-ce que tu voudrais dire aux gens pour leur donner envie d’écouter The Dome ?

Nicko : Nous on a fait cet album comme une grosse madeleine de Proust, on y a mis tout ce qu’on aimait étant enfants et ados et j’espère que ça aura la même saveur pour les gens qui l’écoutent. Ce que j’aime bien quand on me parle de l’album, c’est quand on me dit « moi ça m’a fait penser à telle chose, à tel film, j’ai eu telle ou telle image dans la tête », et j’espère que cet album apportera beaucoup d’images dans la tête des gens.

Pozzo Live : Une question que l’on pose systématiquement à la fin de nos interview chez Pozzo Live : qui aimerais-tu que l’on interviewe ?

Nicko : David Gilmour je dirais. Il est discret, ça fait des années que j’ai pas vu d’interview de lui, et c’était l’un de mes héros étant gamin. Mon père était fan ultime de Pink Floyd, donc je serais curieux de lire ça !

 

Un immense merci à 6:33, et plus particulièrement à Nicko pour son temps et cette discussion des plus intéressantes. Merci aussi à Roger de chez Replica pour avoir permis cette interview qui me tenait particulièrement à cœur.

Si vous souhaitez connaître un peu mieux le groupe, vous pouvez visiter leur site internet.
En attendant, vous pouvez retrouver toutes nos interviews ici. Pour nos chroniques, ça se passe .

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