Nous avons échangé avec Conrad Ellis le chanteur de The Luka State. A l’occasion de la sortie du deuxième album More Than This (sortie le 10 mars 2023), le britannique à répondu à quelques questions.

Pozzo Live : Votre deuxième album (« More than this ») est sorti deux ans après « Fall in Fall out », quand avez-vous commencé le processus d’écriture pour celui-ci ?

Conrad Ellis : À deux moments en fait, pendant la pandémie (au plus fort de la pandémie) et après la pandémie, quand nous en sommes sortis, donc post-pandémie. Je l’ai écrit sur les expériences que je vivais pendant la pandémie et après aussi, sur le tribut qu’elle peut prendre et, en gros, juste en en étant seul avec mes émotions j’écrivais. La seconde moitié de The Catalyst est née lorsque je livrais des colis pour une banque alimentaire pour des familles moins fortunées que moi. Je livrais à une famille, une mère célibataire avec deux garçons et elle travaillait deux emplois mais les a ensuite perdus, elle comptait donc beaucoup sur ce que je livrais et c’était bouleversant. Je voulais raconter l’histoire de cette famille à travers nos titres.  J’ai donc trouvé cette nouvelle façon d’écrire qui se voulait d’être honnête, de parler de mes émotions et de parler de ce que je ressentais. C’était un sentiment libérateur de pouvoir chanter ouvertement ce que je voulais. Et c’est comme ça que nous avons commencé l’esquisse du deuxième album.

Pozzo Live : À propos du processus, avez-vous changé vos méthodes d’écriture après la pandémie ? Peut-être un endroit ou une approche différente ?

Conrad Ellis : Oui ! Ça a beaucoup changé en fait par rapport au premier album. Souvent j’écrivais la chanson et ensuite je la présentais au groupe qui y ajoutait sa propre magie et en faisait une chanson de groupe justement, pas une chanson de soliste. Mais le processus du deuxième album était très différent, la plupart du temps, nous écrivions à partir d’idées que j’avais ou nous écrivions à partir de zéro, juste à partir de zéro, tous ensemble dans la même pièce avec nos instruments. On essayais de voir si nous pouvions écrire une chanson ce jour-là ensemble.

C’est comme ça que nous avons commencé à écrire, nous avions un studio entier où on pouvait enregistrer le morceau et à la fin de la journée et je pouvais prendre la chanson à la maison et je pouvais ensuite travailler de manière très détaillée sur la mélodie et les paroles. J’essayais constamment d’écrire et de réévaluer l’ensemble pour essayer de l’améliorer.  C’est comme ça qu’une grosse partie de ce deuxième album a été faite. Je présentais les paroles et la mélodie aux gars et ils me donnaient leur avis par exemple : “Peut-être qu’on peut dire cette ligne un peu plus intelligemment” Peut-être qu’on peut changer cette mélodie”, et du coup cela devient un effort de groupe. Donc c’est ainsi que nous avons travaillé sur ce deuxième enregistrement et je pense que vous pouvez le remarquer parce que l’écriture est meilleure selon moi.

Pozzo Live : Quels groupes écoutez-vous ou quels groupes, s’ils ne sont pas les mêmes, vous ont inspiré pour cet album ?

Conrad Ellis : Tu sais quoi ? C’est une question intéressante parce que nous n’écoutions pas vraiment d’autres groupes à ce moment-là. Nous nous sommes enfermés dans notre studio et nous écrivions pendant huit heures par jour et il n’y avait pas ou très peu d’influences sur cet enregistrement. Je pense que cela joué en notre faveur parce que nous n’aimions pas l’idée de sonner comme un autre groupe, on voulait sonner comme nous. Ce qui est sorti de ces sessions n’avait donc pas d’influences notables mais je pense que vous pouvez peut-être en entendre certaines qu’on aurait insufflé inconsciemment. Dans tout les cas on voulait faire quelque chose de différent, quelque chose qui se démarque.

Pozzo Live : Maintenant que l’album est terminé, écoutez-vous à nouveau de la musique ? Peut-être de nouveaux groupes ?

Conrad Ellis : Oui, le groupe le plus récent que j’ai écouté est un groupe américain appelé Ten Style. Ce nouvel album est incroyable, ils ont une section rythmique géniale et des arrangements de qualité je trouve. Je pense juste qu’ils sont juste super, je ne peux pas arrêter de les écouter honnêtement. J’essaie de garder ça séparé dans ma tête parce que je suis le genre de personne qui a tendance à laisser son écriture s’influencer par ce que j’écoute. Je pourrais écrire une chanson identique à une déjà existante par accident [rires].

Pozzo Live : Autre question, un petit peu dépassée,  mais on peut voir l’acteur Thomas Brodie-Sangster dans le clip vidéo 30-minute break. Comment est née cette collaboration, le connaissiez-vous ou peut-être quelqu’un de votre entourage le connaissait ?

Conrad Ellis : Sam Bell, le bassiste de notre groupe, a travaillé sur un film avec lui. Sam était acteur dans un film appelé Nowhere Boy, qui est un biopic de John Lennon. Donc moi et Sam sommes devenus amis avec Tom et nous lui avons demandé de faire une vidéo, ce qu’il a gentiment accepté et c’est ainsi que ce projet est né. Je n’ai pas vu Tom depuis un moment, j’espère qu’il va bien.

Pozzo Live : Une question d’actualité : cinq singles sont sortis du prochain LP avant la sortie de l’album complet. Pensez-vous que les plateformes de streaming et la façon moderne d’écouter de la musique précipitent la fin de l’album de musique tel que nous le connaissons ?

Conrad Ellis : Nous vivons à une époque où l’attention de tout le monde est si courte que les gens ne veulent pas nécessairement écouter un album du début à la fin comme ils le faisaient avant. Je pense qu’avec par exemple les plateformes de streaming comme Spotify, on peut juste cliquer sur un artiste et avoir accès aux top titres. Je suis sûr que certaines personnes écoutent uniquement ces titre pour se faire une idée et rien d’autre.

La raison de la sortie de single après single est de maintenir les gens engagés en fait, de faire en sort qu’ils veulent en savoir plus sur votre groupe et de créer de excitation pour ce qui arrive ensuite. Il est très facile de tomber dans l’oubli en tant que groupe.. Les gens oublient facilement car la musique est si accessible, la musique est constamment en train d’être publiée et avant que vous ne le sachiez, il y aura un nouveau groupe demain, il y aura un nouveau groupe le lendemain et le lendemain et vous pouvez facilement être fondu dans la masse. Donc c’est bien de continuer à poker les gens dans la face et de leur faire savoir que vous êtes toujours là.

Pozzo Live : Oui effectivement, comme tu le dis vous pouvez être rapidement oubliés et d’ailleurs de nombreux groupes n’émergeraient probablement même pas sans Spotify.

Conrad Ellis : Je pense que c’est une bonne façon pour les groupes de se présenter au monde oui. En ce qui concerne l’enchainement des sorties de single, c’est une première pour nous et c’est pour ça que nous considérons cet album comme un concept album. Les sujets abordés dedans touchent à des questions qui sont vraiment difficiles à aborder de nos jours. Cela parle des problèmes sociaux et politiques au Royaume-Uni en ce moment, mais aussi de problèmes beaucoup plus universels, à savoir la santé mentale et la stigmatisation qui entoure la santé mentale. C’est certainement cette stigmatisation qui induit qu’il n’est pas bon d’en parler.

Nous avons composé ces chansons pour dire aux gens qu’il est acceptable de parler de ces choses et qu’il faut chercher de l’aide. Cette campagne a un message et j’espère que les gens écouteront cet enregistrement du début à la fin pour qu’ils suivent ce voyage que cet album représente. Nous essayons aussi de lancer une initiative pour apporter des changements positifs au Royaume-Uni avec l’idée d’aider les banques alimentaires et les organismes de bienfaisance et ce genre de choses. C’est important que quelqu’un le fasse.

Pozzo Live : C’est vraiment une bonne initiative. Certaines de vos chansons semblent inspirées par ce que certaines personnes appellent du pop rock britannique un peu old school. Était-ce le but de revenir à l’essentiel de la musique avec une mélodie et des paroles relativement basiques.

Conrad Ellis : Je pense que la musique dans son essence dans sa forme est basée sur la mélodie et les paroles. C’est ce que nous écoutons, c’est que nous chantons parfois, c’est aussi pour ça qu’on tape du pied en rythme. En plus la mélodie et les paroles peuvent signifier quelque chose pour nous et pour les personnes qui nous écoutent. Ce que nous chantons est également une chose importante car les paroles peuvent signifier tellement de choses pour tellement gens.

C’est pourquoi encore une fois sur cet enregistrement, nous parlons de problèmes. Ca permet aussi de trouver du réconfort.  J’espère que nous pouvons être ce groupe capable d’écrire et de performer sur des chansons dont les gens peuvent absolument tomber amoureux et se retrouver dans notre musique. Et si cela les aide de la même manière ça m’a aidé, c’est une chose incroyable et c’est le pouvoir de la musique dans sa forme la plus pure, Tu ne crois pas ?

Pozzo Live : Oui, je pense que le pouvoir de la musique est quelque chose de très puisant.
Nous avons vu certaines de vos chansons utilisées dans des matchs de football à quelques reprises. Ces collaborations ont-elles été voulues ou est-ce un coup de chance ?

Conrad Ellis : C’est voulu, je pense que la musique et le football vont de pair dans une certaine mesure. Surtout au Royaume-Uni ça fait partie de la culture que la musique et le football coïncident un peu l’un avec l’autre. Pour moi la musique, la mode et le football ils se soutiennent les uns les autres d’une manière ou d’une autre. On est très content d’être associés au football sportif parce que c’est quelque chose qui me passionne beaucoup et les autres membres du groupe aussi. En parlant de football, cette initiative que nous avons lancée au Royaume-Uni que je mentionnais tout à l’heure. Pour chaque billet vendu lors de notre tournée au Royaume-Uni, un pourcentage de cette vente de billets ira à un organisme de bienfaisance Trussell Trust qui est la plus grande banque alimentaire du Royaume-Uni. Donc, un pourcentage de cet argent aidera à nourrir des familles défavorisées.

Nous essayons créer un mouvement positif grâce aux ventes de billets et aussi grâce aux ventes physiques de l’enregistrement comme les vinyle ou les CD . Cette idée est venue du monde du football, par exemple Marcus Rashford qui joue pour Manchester United, a lancé un programme avec le gouvernement pour aider à nourrir les enfants avec des repas scolaires gratuits. Il a réussi à s’allier avec gouvernement pour lancer ce genre d’opération  et je pense que si quelqu’un de ce calibre dans le monde du football peut faire un changement positif et un impact au Royaume-Uni et dans le monde, pourquoi pas les musiciens ? Nous essayons donc de le faire et de faire correspondre les deux univers et espérons que nous aurons un impact.

Pozzo Live : Je suis surpris par la façon dont vous pensez parce qu’en France, il n’y a pas de connexion notable entre le football et le milieu de la musique ou des programmes d’aide. Le football est vraiment isolé. De nombreux joueurs de football utilisent leur renommée pour faire des choses différentes et avec certaines associations, mais pas à la même échelle. Je pense que le monde du football ne consacre pas suffisamment de temps à de telles causes.

Conrad Ellis : C’est différent partout où nous allons, et en sortant le football de l’équation, le fait que quelqu’un qui d’assez haut dans l’échelle sociale puisse faire un impact comme ça est incroyable. Cela aurait pu être un acteur ou un peintre, cela aurait pu être un musicien, mais ce n’était pas un musicien et c’est là ou je veux en venir, c’est que pour moi les musiciens ne font pas assez. C’est ce que nous essayons de compenser avec ce deuxième enregistrement, avec les chansons que nous avons écrites et la campagne qui en découlera. Et c’est ce que je veux dire par là, donc nous pouvons sortir le football de l’équation et voir s’il y a simplement l’acte de gentillesse et la bonne volonté active de certaines personnes haut placées.

Pozzo Live : Le football rassemble tellement de gens et a le pouvoir de mettre certaines choses comme ça au premier plan et de les mettre devant les yeux des gens, mais ils ne l’utilisent pas autant que ça. C’est génial que des gens comme vous et d’autres organisations le fassent de cette façon.

Conrad Ellis : Merci, j’apprécie beaucoup.

Pozzo Live : La dernière question est comme une question de signature que nous posons à tout le monde. Quel groupe ou artiste nous conseillez-vous d’interviewer la prochaine fois ? Qui vous voulez.

Conrad Ellis : Le groupe de mon meilleur ami a récemment joué ici à Paris au Supersonic il n’y a pas si longtemps. Ils ont joué à une nuit best of rock psychédélique britannique. Ils s’appellent Deja Vega, allez écouter !

Merci à Conrad Ellis pour son temps et merci à Replica Promotion.
Interview réalisée à Paris le 15 février 2023.

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