Alors que son titre « Popcorn Salé » est en pleine envolée, Santa nous a accordé une interview afin de parler de son EP 999, mais aussi de son rapport à la scène et à la musique en général.

On ne vous tease pas plus et on vous laisse lire la discussion que nous avons eue avec l’artiste !

 

Santa interview

 

Tu as sorti ton EP en septembre 2022 et il a été fait dans l’intimité de ta chambre, entourée de coussins (pour l’acoustique !). Quand tu as réalisé ces titres, c’était vraiment entre toi et toi-même, sans aucun moment imaginer partager ça aujourd’hui ?

Non, c’est vrai. Je m’en rends compte maintenant que je sais que, enfin je l’espère, d’autres titres vont sortir. Je sais maintenant qu’ils vont trouver une résonance de l’oreille de l’autre et je me rends compte que les deux choses sont très différentes. J’étais tout à fait libre de faire ce que je voulais, je n’avais aucune prétention au partage. J’étais dans ce lâcher prise total.

999, le premier EP de Santa

Ça ne te fait pas bizarre de passer d’un « journal intime » à quelque chose qui est partagé au grand jour et accessible à d’autres personnes ?

C’est vrai (rires). C’est tout mon paradoxe, de me raconter avec pudeur tout en étant pas pathétique. Je pense qu’il y avait déjà de la pudeur dans l’écriture.  Même envers moi-même, je ne voulais pas être grossière. J’avais encore ce respect-là dans le choix des mots. C’est comme ça que je m’amuse le plus, dans ce goût de la sélection et de travailler le mot. L’émotion nous traverse et on la transforme avec la liberté qu’on a et la distance qu’on peut prendre. Et heureusement, en tant qu’artiste.

Pour revenir sur le partage à un public assez vaste, pour The Voice 2023 il y a Clem qui a réinterprété ton titre « Popcorn Salé ». Depuis, le morceau s’est complètement envolé. Comment ça t’a fait de voir « Popcorn Salé » interprété par quelqu’un d’autre et de voir l’impact de ton œuvre d’une position plus extérieure ?

C’était une sensation hyper agréable. C’était assez fou parce que ça me fait prendre un peu de recul sur cette chanson, qui avait déjà eu un écho grâce au bouche-à-oreille. C’est de la manière la plus jolie possible que le heureux hasard a fait que cette chanson grandisse et grandisse encore. C’est assez fou. Je l’accueille avec beaucoup de joie, de tendresse. Il y avait une envie de pureté dans l’instant que j’ai beaucoup apprécié dans son interprétation. J’étais très touchée.

Santa Popcorn Salé visuel

« Popcorn Salé » de Santa : à écouter ici !

Ça doit être très satisfaisant pour un artiste de créer quelque chose et de voir ensuite que c’est entre les mains d’autres personnes.

Oui complètement, de voir que ça nous dépasse. En plus, je ne m’attendais à rien car je ne voulais pas le sortir au début. Une fois que tu le sors, certes, tu t’attends à quelque chose et tu espères quelque chose car tu fais le choix de l’incarner. Mais j’espérais avec toute l’équidistance du « c’est pas grave, je n’y ai pas misé ma vie ». J’y ai mis ma vie mais je l’ai pas misée (rires). Se raconter avec pudeur sans pencher vers le voyeurisme, qui est pour moi une forme de décadence.

On va rentrer plus dans le détail de l’EP 999 en parlant de certains titres. Je pense notamment à « Paris en août » et le solo de guitare à la fin qui est assez incroyable. Par exemple, j’avais vu le live pour la Fête de la Chanson française. Est-ce que ça fait partie de tes moments préférés à interpréter sur scène ?

C’est nouveau parce que j’ai décidé de ne pas encore incarner ce projet sur scène. On est en pleine tournée avec Hyphen Hyphen et je ne voulais pas tout mélanger. Donc les premières représentations sont presque faites en promo. C’est nouveau parce que Michel Polnareff m’a choisie en première partie et il va falloir que je sois à la hauteur dans mon incarnation scénique.

Il y a quelque chose en moi qui est attiré par ça, parce que je viens de là, j’ai appris à grandir et à être qui je suis sur scène et à me libérer sur scène. Il y aura cette envie de feu.

Là, j’ai appris la mort de Tina Turner, c’est une des plus grandes inspirations scéniques et de lâcher prise de rock de toute mon enfance. J’ai envie de perpétuer cette tradition de don de soi sur scène et que le feu se propage le plus possible. Ce que je regrette un peu dans la variété française, même aujourd’hui. Il y a quelque chose qui est beaucoup dans l’observation de soi-même et de sa propre mise en scène plutôt que d’être dans le lâcher-prise et le don total pour les gens, pour faire du bien.

Maintenant que tu parles de feu, j’ai remarqué que c’était un élément qui revenait souvent. Par exemple avec le titre « Je Brûle » ou encore « Réveil » où il y a une forme de révolte.

Il y a une forme de révolution, il y a un élan de vie. C’est vrai qu’il y a ce feu en moi et je vais essayer de le cultiver pour le partager le plus possible. Maintenant que j’ai décidé de le partager, on y va.

Il y a aussi un élan de vie à la fin du « Où va le temps qui s’en va », qui est apparemment ta chanson préférée de l’EP. Il y a une envolée instrumentale que je trouve assez cinématographique : est-ce qu’un clip est prévu ?

J’en ai tourné un mais je suis pas encore satisfaite. Je pense que ce sera la scène d’un futur clip. Je pense que je peux amener cette chanson encore plus loin en la réarrangeant, tout en gardant l’élan du geste. J’ai essayé de conserver ce geste artistique qui est sans filtre, tout en essayant de le faire grandir dans le son. Je suis en train de réarranger pour que le final soit encore plus grandiose. Ce sera d’autres versions pour un album, je sais pas trop encore. Un peu comme Star Wars ou l’enfer de la peinture à l’huile (rires). J’essaie de faire un objet qui me ressemble vraiment maintenant que je sais qu’il va atterrir dans les oreilles et, je l’espère, dans les cœurs.

Ça doit être intéressant de retravailler des morceaux que tu as faits il y a quelque temps déjà et de voir qu’il y a encore un potentiel inexploité que tu peux pousser encore plus loin.

Clairement. Puisqu’en plus, il n’y avait pas du tout l’envie d’universel que j’ai maintenant. Il y avait une envie de m’amuser derrière les machines, voire trop (rires). Il y a beaucoup d’éléments et je vais essayer d’épurer. Quand je vois que « Popcorn Salé » a réussi à toucher avec quelques éléments, avec la voix en premier plan, je me dis qu’il faut que je réussisse à épurer pour ne pas me cacher derrière des dizaines d’éléments.

Un autre titre sur lequel je voulais revenir, c’est « Je Brûle », où on entend à la fin une sorte de chorale avec des voix d’enfant. Tu peux m’expliquer comment est née cette idée ? Est-ce que c’était une invitation à revenir vers son enfant intérieur ou alors retrouver la spontanéité de l’enfant ?

Oui, il y a une part de ça parce que, dès l’enfance, j’étais déjà un peu révoltée. J’ai l’impression que plus on grandit, plus on oublie à quel point la révolte était déjà là et qu’on a appris à se conformer.  C’est cette injonction normative qui me rend dingue et ce n’est pas parti. J’ai envie de cultiver ça, c’est ça qui fait que je me sens vivante. Donc oui, je brûle car il y a parfois des moments où je n’arrive pas à canaliser ce feu en moi et je suis dans une rage folle. Heureusement que je peux le chanter.

Oui ça me fait penser à « Qui a le droit » où tu disais que tu ressentais une sorte d’urgence quand tu as écrit ce texte. Est-ce qu’on aura plus de titres comme ça pour la suite ?

Oui, je pense mais je suis pas du tout dans le calcul. Quand j’écris une chanson, elle me traverse. C’est en moi donc je pense que d’autres choses vont ressortir, mais je ne saurai pas te dire où je vais là (rires). Je suis dans une espèce de tourbillon. Pour « Qui a le droit », je suis très contente de l’arrangement parce que c’était un manifeste tellement instinctif que je n’ai pas envie de la retoucher. Alors que « Paris en août », j’ai envie de l’épurer. Mais oui, il y a d’autres morceaux où on parle d’intime et de révolution.

Tu parlais d’Hyphen Hyphen tout à l’heure. Le fait de t’exprimer en solo en tant que Santa, qu’est-ce que ça t’a apporté dans ton rapport à la musique ?

Ce qui a changé, c’est vraiment la langue et le fait de ne pas avoir le filtre du collectif. Ça a été quelque chose qui m’a vraiment aidé à dépasser et à comprendre ce qui était en moi. Je le souhaite à tout le monde, de trouver quelque chose qui puisse éviter 15 ans de psychanalyse (rires). Non, je rigole, ça ne les évite pas ! Ça ne fait que reculer l’échéance. Mais je pense que ce qui a changé, c’était ce rapport sacré avec la musique.

J’ai toujours été super timide et le fait de pouvoir me lâcher sur scène, de pouvoir être cette tornade m’a fait comprendre que rien n’était impossible. Parce que ma timidité était presque maladive, j’ose pas demander le sel au restaurant, j’étais déscolarisée. C’est vraiment un paradoxe. Et ce chemin à travers la musique m’a permis, je l’espère, d’être une meilleure personne, ou en tout cas de progresser.

Et est-ce que tu penses que Santa va apporter quelque chose à Hyphen Hyphen et vice versa, ou alors est-ce que c’est un « dédoublement de personnalité » pour te citer ?

L’un et l’autre se nourrissent. Le projet Hyphen Hyphen a nourri ce que je suis sur scène car je sais que c’est possible. Il y a ce côté très rock’n’roll et une envie de ramener les gens dans quelque chose de punk. Ça va nourrir énormément ce que je veux proposer en variété française, en tout cas une nouvelle forme de variété.

Parce que je m’ennuie terriblement quand je vois les spectacles proposés aujourd’hui en variété, ça ne m’amuse pas. Je trouve qu’il y a quelque chose à faire pour donner du fun aux gens et pas juste se trouver beau et gesticuler.

J’adore Internet, mais je pense que ça a tué beaucoup dans l’art de représentation. Ce rapport masturbatoire me met terriblement mal à l’aise. J’ai l’impression d’être dans un mauvais film. J’ai eu Internet vers 8 ans, il y avait moins ce côté où on se regarde derrière un écran plus petit que le monde et on n’a pas le cou qui est déjà baissé (rires).

Je voulais revenir sur la vidéo que t’as faite avec Christophe Willem : est-ce qu’il y a des artistes avec lesquels t’aimerais collaborer dans le futur ?

C’est vraiment au coup de cœur. Je trouve que Christophe a une voix incroyable et qu’il n’utilise pas assez, il pourrait devenir une icône. Je suis tout à fait ouverte à ça, du moment que les cœurs battent. Les collaborations pour faire plus d’engagement, ça ne me parle pas du tout. Parfois, on dirait Marvel les albums, il y a tellement de feats qu’on ne sait plus qui est l’artiste principal. On se perd juste pour faire du chiffre. Et aussi, beaucoup de mes collaborations rêvées sont mortes (rires) donc ça réduit pas mal le champ des possibles.

Mais j’aime énormément d’artistes et ce serait un honneur de pouvoir collaborer avec eux ou de mélanger nos voix. En ce moment aussi, on me demande beaucoup d’écrire des chansons pour d’autres artistes, donc je pourrai peut-être collaborer avec eux. Mais je dois d’abord terminer les miennes. Je ne suis pas là uniquement pour la fame, j’essaie vraiment de créer un projet qui fasse du bien et qu’on puisse tous transformer nos peines en un feu de joie collectif. Un peu comme des jolies sorcières.

Tu parlais d’un prochain album qui sortirait cette année : est-ce que tu as des choses à nous dire sur ce projet ?

Moi, je suis signée sur un label et on ne m’a pas encore signé sur l’album. On verra, je n’ai pas de dates pour le moment. Mais je suis pour la piraterie (rires). Les chansons sont écrites et si tout se passe bien, si succès il y a encore avec « Popcorn Salé »… Parce qu’on est dans une industrie, c’est ça aussi. Je dis que je ne fais pas ça que pour les chiffres mais les chiffres m’ordonnent. Comme tout le monde, je suis enfermée dans un système mais je fais avec. Je croise les doigts pour que « Popcorn Salé » s’envole encore bien haut. On est à la moitié du disque d’or donc je croise tous mes doigts.

En tout cas, il y a de supers chansons et je n’ai vraiment pas tout dit, j’ai encore un peu de marge. Là, je suis derrière l’ordinateur et je me suis fait une petite checklist de ce que je veux proposer. J’ai hâte d’aller au bout des structures, de comment continuer à raconter cette jolie histoire et à se renouveler en permanence.

Dernière question, c’est la question signature de Pozzo Live : y a-t-il un artiste que tu nous recommanderais d’interviewer ? Qui soit vivant, bien sûr ! (rires)

(rires) Vivant ? Je dirais Bruce Springsteen. Parce que je viens de lire son autobiographie et ça redonne foi en la musique, en la sensibilité, le cœur humain. Tu peux faire un podcast sur sa vie. C’est un poète très sensible et je me dis que j’ai fait le bon choix en me racontant.

Si tu l’interviewes, tu m’appelles et on fera une interview chorale ! Il faut viser haut, Bruce Springsteen ou rien.

Je penserai à toi si ça arrive, on fera l’interview à deux !

CONCLUSION

Merci à Santa pour cette discussion ! En attendant de recroiser son chemin, on lui souhaite le meilleur pour les premières parties de Michel Polnareff, sa tournée avec Hyphen Hyphen ainsi que son prochain album. Si vous êtes d’ailleurs intéressé par la tournée de Michel Polnareff, on vous invite à consulter son site pour en savoir plus ou à prendre vos billets en-dessous de l’article. Quant à Santa, elle fera l’ouverture des concerts le 16 juin à Lyon, les 2 et 3 juillet à Paris et le 24 juillet à Carcassonne.

Et puis surtout, croisons les doigts pour Bruce Springsteen !

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