A l’occasion de la sortie de leur nouvel album, Blood Harmony, nous avons rencontré Rebecca et Megan Lovell de Larkin Poe. Les sœurs américaines en tournée promo se sont arrêtés dans la capitale où nous avons pu échanger sur quelques sujets.

Pozzo Live : Comment allez-vous ? Est-ce que tout le monde va bien ?

Megan Lovell : Tout va très bien, on est heureuses d’être là. On subit un peu le décalage horaire, mais à part ça on est très contente. Tout le monde va bien.

Pozzo Live : Après deux albums en 2020, et un album live en 2021, vous sortez déjà un nouvel album cette année. Quand a commencé l’écriture de celui-ci ?

Rebecca Lovell : On a commencé l’écriture de Blood Harmony en Décembre 2021/Janvier 2022. C’est un album très récent, il comporte 11 chansons dont 9 qui sont toutes nouvelles. Les deux autres sont des morceaux que l’on joue depuis longtemps lors de nos concerts. Nos fans nous ont demandé de les enregistrer, et jusqu’ici, on n’avait pas trouvé le bon moment pour le faire. Donc pour Blood Harmony, on a enregistré Might As Well Be Me et Summertine Sunset, deux chansons adorées par les fans depuis longtemps. Mais à part ça, le reste du contenu date de moins d’un an.

Pozzo Live : 9 albums studio en 12 ans. Est-ce que vous trouvez le temps de dormir ?

Megan Lovell : Très peu ! Go, go, go, on est du genre à se dire « il faut y aller », donc on cherche constamment le prochain truc à faire, la prochaine tourée, le prochain album. C’est fantastique de toujours avoir un objectif.

Pozzo Live : Est-ce qu’il vous arrive d’écrire en tournée, ou est-ce qu’il s’agit de deux choses différentes pour vous ?

Rebecca Lovell : Pour moi, c’est un peu à part, mais en même temps, je suis toujours en quête d’idées. Donc quand on est en tournée et que quelque chose m’inspire, je le note dans mon journal d’écriture. Ou si un titre me vient, je l’écris. Comme ça, quand on en arrive à l’écriture, on a beaucoup d’idées à explorer. C’est toujours fun d’avoir des fragments d’idées, et de les regrouper pour créer quelque chose de beau, et de complet. Et c’est exactement comme ça que Blood Harmony, le titre de l’album, est venu. J’avais « Blood Harmony » écrit dans mon carnet d’écriture depuis des mois, donc pouvoir enfin se poser et écrire la chanson elle-même, découvrir tout son sens, c’est très gratifiant.

Pozzo Live : Est-ce que vous avez un endroit préféré pour composer ? Auprès d’un feu, dans les bois, dans la rue, au studio, avec votre chat sur les genoux…

Rebecca Lovell : Oh ! J’aimerais avoir un chat ! J’écris la majorité des chansons de Larkin Poe assise à ma table de cuisine sur UNE chaise en particulier. C’est toujours cette chaise, au bout de la table. J’ai probablement passé des heures et des heures à écrire sur cette table de cuisine.

Megan Lovell : Une grande partie de l’écriture pour Blood Harmony s’est aussi faite dans ma cave. J’ai un studio d’écriture dans ma cave, donc on a mis une couverture au sol, on s’asseyait par terre et on écrivait là. Il faisait super froid parce qu’on était en hiver, donc on était un peu gelées mais on travaillait, donc ça nous a motivées pour l’excellence, et ça nous a motivées à écrire vite pour vite retourner au chaud !

Pozzo Live : Vous remettez un style de musique au goût du jour, le rendez jeune à nouveau. Qu’est-ce qui vous inspire vos musiques ?

Rebecca Lovell : Depuis notre jeune âge, on a grandi avec la musique « roots » américaine, on jouait beaucoup de bluegrass quand on était ados. La musique « roots » a toujours représenté une grande partie de nos vies. Et je pense qu’en vieillissant, on a réfléchi à comment s’approprier cette musique, en introduisant le blues, et le rock and roll du sud, la country, et d’assembler tous ces éléments pour que ça soit Larkin Poe.

Toutes ces étapes ont pris plusieurs années ! On forme un groupe depuis douze ans maintenant. Et je pense qu’on s’approche de cet objectif à chaque album. On a grandi dans les années 90, donc on est assez jeunes. Pouvoir apporter une perspective plutôt pop en écrivant des paroles accrocheuses, ça nous permet vraiment de prendre tout ce qu’on est en tant que personnes, et de l’inclure dans notre musique, pour qu’elle soit entrainante et à la fois qu’elle reste très réelle, et sensible. Peu importe, tant que cela permet à la musique d’atteindre son meilleur niveau.

Pozzo Live : Qui est votre guitare héros favori ?

Megan Lovell : Mon guitare-héros favori est probablement Derek Trucks. C’est un guitariste incroyable, j’adore le voir jouer en live. Il est vraiment doué, il est tellement passionné, et on dirait presque une chanteuse d’opéra quand il joue de la guitare et j’adore ça.

Rebecca Lovell : Evidemment, Tyler Bryant [ndlr : le mari de Rebecca]. Je pense que c’est un musicien génial, non seulement parce qu’il a un talent phénoménal, mais il est vraiment doué techniquement. Mais quand il joue, cela vient vraiment du cœur. Il joue aussi de la guitare électrique, et des instruments à résonateur, et dès qu’il joue de la guitare en concert, je crois qu’on peut vraiment entendre un peu de son cœur, donc je vais choisir Tyler Bryant, et je ne suis pas biaisée du tout dans ce choix.

Pozzo Live : C’est la question du moment, mais nous avons vu que vous avez sorti 5 singles de l’album en amont de la sortie. C’est pratiquement la moitié de l’album. Pensez-vous que les plateformes de streaming poussent vers l’arrêt du format album que l’on connait ?

Megan Lovell : Je pense que les plateformes de streaming ont vraiment redéfini la façon dont on sort de la musique. Pour notre projet, on aurait voulu sortir l’album plus tôt, mais il y avait du retard dans la production des vinyles, et on voulait vraiment que le vinyle soit disponible quand on sortait l’album, donc c’est pour ça qu’on a attendu. Et on voulait que les gens restent intéressés et impliqués dans le projet, donc on a décidé de sortir les singles.

Mais je pense que Spotify est vraiment une plateforme pour les singles. Beaucoup d’artistes ne sortent même plus d’album, ils sortent juste des singles les uns après les autres. On aime toujours l’idée d’un album, qu’il ait un début, un milieu et une fin, des hauts, des bas. C’est différent d’écouter un projet qui a un certain lien. Je pense que quand on écoute un vinyle, on écoute l’album différemment que si on écoutait juste un single qui en est extrait. Je pense qu’on continuera toujours de sortir nos projets en albums, et pas juste des singles.

Rebecca Lovell : Tous les artistes que j’affectionne le plus sont des artistes qui ont créé des œuvres complètes. Il y a certains artistes que j’adore, où j’ai parfois envie de zapper des chansons quand j’écoute l’album. Mais je pense que si un artiste fait l’effort de créer quelque chose, il faut l’écouter du début à la fin, et ça t’emmène dans une sorte de voyage, il y a quelque chose de très gratifiant là-dedans. En règle générale, c’est toujours une priorité pour ma sœur et moi quand on écrit, enregistre et sort un album.

Ça serait intéressant d’écrire quelque chose en ayant la perspective de ne sortir qu’un single. Parce qu’on écrit toujours en ayant l’album en tête, en se disant « on a besoin de ce type de chanson, de ce type de tempo, d’une chanson plus calme… ». On écrit avec le point de vue d’une œuvre complète, on n’a jamais écrit en se disant qu’on sortait un single et que tout devait être dans ce morceau. On réfléchit plus à long terme. Mais c’est intéressant, c’est une autre façon de voir les choses.

Pozzo Live : La bassiste du groupe français Pogo Car Crash Control parle régulièrement de la situation d’artiste féminine dans la sphère rock/métal. Elle a lancé le #morewomenonstage. Quel est votre point de vue sur la question d’après votre expérience à l’échelle américaine voir mondiale ?

Rebecca Lovell : Je pense que ces dernières années, on a vraiment vu un changement dans la façon qu’on a de célébrer l’implication des femmes dans la musique en général. Je crois que les femmes ont toujours fait de la musique, mais recevaient beaucoup moins d’attention de la part des médias, surtout dans le rock, dans le blues. Typiquement, quand on voit une artiste féminine, on les voit jouer dans la sphère de la pop, dans un rôle assez limité où il est acceptable de jouer comme une diva de la pop.

Mais depuis ces cinq ou dix dernières années, je pense que les femmes en ont marre de ça. On en a marre d’être cantonnées à chaque règle spécifique. Et pour nous, c’est génial de tourner, de voir de plus en plus de femmes, en festival, sur les affiches, les programmations, dans les salles et même dans le staff des salles de concert. Avoir cette énergie féminine, c’est intrinsèquement plus intéressant. Certes si c’est des hommes, c’est intéressant quand même, mais il y a 50% d’hommes et 50% de femmes sur la planète, et on veut une vraie image créative. Donc additionner 50 et 50, ça donne 100% de l’expérience humaine.

J’ai beaucoup de respect pour les artistes féminines qui ont été très fortes. Je pense à Cheryl Crow, Joann Jett et Bonnie Raitt, des artistes qui sont dans le monde du rock et de la guitare et qui ont été des exemples pour des artistes comme nous. Je pense à Samantha Fish, et à cette bassiste dont tu parles, je pense aux femmes qui continuent de persévérer, et je pense que ça nous rend plus fortes en tant qu’artistes, et ça signifie que quand on dit quelque chose, on le pense vraiment, parce qu’on a du se battre pour le dire.

Pozzo Live : Cette bassiste dit souvent que les gens backstage lui demandent « Alors, t’es la copine du guitariste ? », et qu’elle répond « Non, c’est moi l’artiste, c’est moi qui vais sur scène ».

Megan Lovell : On nous demande souvent : «Est-ce que vous avez vraiment produit l’album, ou est-ce quelqu’un d’autre l’a produit ? », et on répond « Non, on l’a vraiment produit ». Il n’y a aucune raison pour que les femmes ne puissent pas faire tout ça. C’est dingue qu’il y ait cette supposition qu’on ne peut pas faire les choses, ou qu’on est « juste la petite amie de quelqu’un ».

On entend souvent ça, et en réponse à toute cette frustration, on utilise une expression en Amérique qui dit en gros « l’eau coule comme sur les plumes d’un canard » : on ne peut pas trop s’en soucier, parce que si on se soucie trop de ce les gens pensent, ça peut influencer notre comportement. Donc pouvoir rire de ces personnes et dire « Oh, c’est mignon, c’est tellement fermé d’esprit de ta part de penser que l’habit fait le moine ». ça nous permet de continuer d’aller de l’avant dans le monde, parce que sinon ça serait très frustrant, et ça nous mettrait en colère.

Pozzo Live : Vous allez faire plusieurs dates en France en octobre pendant votre tournée, preuve de votre succès. Cette tournée va notamment passer à l’Olympia à Paris. Ce n’est pas la plus grande salle parisienne, mais vous rendez-vous compte que c’est une des plus mythiques ? « Larkin Poe » sera écrit en gros néons rouges.

Rebecca Lovell : Oui. En fait j’ai entendu parler de cette salle il y a très longtemps, parce que Jeff Buckley a enregistré un album Live à l’Olympia. Pouvoir jouer dans cette salle, ça représente beaucoup pour nous, même si on n’a pas fait beaucoup de concerts en tant que tête d’affiche à Paris, c’est génial d’avoir la force et le soutien de nos fans français qui nous ont toujours suivies d’une salle à l’autre. Ça sera seulement la troisième fois qu’on joue à Paris, donc jouer à l’Olympia c’est incroyable pour nous. On est très, très honorées.

Megan Lovell : C’est une salle tellement mythique, on a beaucoup de chance. C’est vraiment quelque chose que l’on va chérir.

Pozzo Live : Dernière question : quel groupe ou artiste vous conseilleriez à Pozzo Live d’interviewer ensuite ?

Megan Lovell : Ohhh, j’adore cette question !

Rebecca Lovell : Est-ce qu’on peut choisir quelqu’un toutes les deux ?

Megan Lovell : Je vais choisir Tyler Bryant and the Shakedown. C’est vraiment un groupe sous-coté. Et là oui, je suis biaisée, parce que je le connais, et en même temps, je ne connais aucun groupe meilleur qu’eux en live. Ils ont tellement d’énergie sur scène, ils sont déchainés. C’est un show incroyable, on ne parle pas assez d’eux. Ça serait un super groupe à interviewer.

Rebecca Lovell : Et je nommerais une artiste du nom de Celisse. C’est une chanteuse de rock/blues américaine. Elle a construit sa carrière dans le style de Sister Rosetta Tharp. C’est une guitariste incroyable, elle a une énergie de dingue. On l’a rencontrée plusieurs fois, elle a une compassion et une gentillesse indescriptible pour chaque personne qu’elle rencontre. Je pense que ça serait vraiment bien.

Interview réalisée à Paris le 19 novembre 2022

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