Début avril, nous avons rencontré Martin Leborgne (basse, chant) et son batteur Rémy D., tous deux membres de Untitled With Drums. Mêlant des influences noise avec des sonorités plus post-rock voire post-harcore, les 5 Clermontois ont sorti le 6 mars 2020 Hollow, leur premier album. Après un premier EP S/T W/D sorti en 2018, cet opus est l’occasion pour la formation de marquer un style plus affirmé, assumant plus franchement ses influences noise-rock et metal.

Pozzo Live : Bonjour messieurs ! Vous avez les 10 prochaines lignes pour convaincre nos lecteurs que ça vaut le coup d’en lire plus. C’est à vous !

Martin : Ca fait 6 ans qu’on joue ensemble et qu’on essaie de faire évoluer notre musique vers quelque chose de plus intéressant, de plus produit. La période actuelle est un tournant, car on sort cet album qu’on a enregistré chez Serge Moratel en Suisse (producteur de Ventura). On voulait vraiment enregistrer chez lui car on aimait beaucoup son travail du son. Du coup, le groupe est en train de prendre un tournant stylistique, le groupe est plus en phase humainement parlant, donc on espère que ça va se retranscrire dans notre projet en termes de live et d’esthétique à partir de maintenant. En tout cas on est sur une bonne dynamique !
Rémy : Je ne sais pas si j’achète en t’écoutant (rires) ! Mais je suis un très mauvais vendeur, je sais juste critiquer (rires). Pour compléter ce que disait Martin, on a mis beaucoup de temps et d’énergie à préparer cet album. Le choix de notre producteur, le choix de se donner 1 an et demie avant d’entrer en studio, nous a permis d’aller au bout de ce qu’on voulait faire. La plus-value de ce disque, c’est sûrement la patte de Serge. Tous les fans de Failure, Year of No Light, des productions de Ken Andrew, les fans de post-rock, tout ce petit monde devrait se retrouver dans notre musique. Désolé, ça fait plus de 10 lignes !

Pozzo Live : tu peux nous raconter comment vous vous êtes formés ?

Martin : En 2014, ça faisait 1 an que je faisais des compositions tout seul à côté d’un projet punk qui ne marchait pas très bien. Je n’avais pas de grandes ambitions derrière ce projet solo, à part poser mes compositions. Mais à force de les faire écouter autour de moi, le groupe s’est formé autour de gens qui m’avaient fait de super retours sur mon travail, et qui avaient des visions d’arrangements à partir de cette base de composition. On s’est retrouvés autour de l’envie de trouver un son à nous, de créer des morceaux un peu plus denses, un peu plus live aussi. Le groupe s’est mis en place tout doucement, et au fur et à mesure s’est détaché du projet initial, on a commencé à en faire notre propre interprétation. Aujourd’hui je compose toujours, mais on a des mécanismes qui se sont mis en place dans la création collaborative.
Rémy : Historiquement, on jouait tous dans des groupes. Je jouais dans le groupe de post-metal Birmingham à Clermont-Ferrand, et j’avais partagé quelques dates avec Vietnam, le groupe de Martin et Maxence, notre guitariste. On se croisait aussi un peu tout le temps sur les mêmes concerts. Untitled with Drums a commencé en tâche de fonds, et puis nos autres projets ont fini par s’éteindre, et on s’est reconcentrés sur le groupe, un peu tous en même temps, pour y mettre notre énergie.

Pozzo Live : vous avez un son très 90s, qui rappelle le Alice in Chains de Rust avec ses chants tenus. Ça fait partie de vos influences ?

Martin : C’est amusant, car historiquement je ne suis pas un fan d’Alice in Chains, je ne connais pas bien leur travail. Mais c’est revenu tellement de fois dans des chroniques ou des interviews que je me suis penché dessus, et c’est vrai que la façon que j’ai d’arranger mon chant correspond vraiment trait pour trait. On retrouve les harmonies systématistes, les chants retenus et le plus expressif possibles. Donc non ce n’est pas une influence, mais plutôt un heureux hasard ! Mais c’est vrai que j’ai beaucoup d’influences 90s, et maintenant que j’ai écouté et que ça m’a conforté dans mon approche, j’imagine que ça peut influer sur ce que je ferai.

Pozzo Live : Tu disais tout à l’heure que cet album vous a aidé à vous trouver. Qu’est-ce qui définit votre musique ?

Rémy : On parlait des 90s tout à l’heure et on nous l’a souvent dit, du coup on s’est un peu approprié le truc.
Martin : C’était un peu spontané mais on c’est une étiquette qu’on a maintenant. Et même si c’est vrai, je n’irais pas non plus jusqu’à dire qu’on fait une musique axée sur la nostalgie de cette époque, car je suis très friand des moyens de production plus modernes, qui à mon avis portent ce style beaucoup plus loin que ça a pu être fait dans les années 90. Disons que c’est un style qui a été digéré et re-pondu dans cette décennie, en ayant conscience de tous ce qui nous a influencés.

Pozzo Live : Avez-vous trouvé des marqueurs de votre style ?

Martin : La façon dont on joue, par exemple. Je suis un énorme fan du groupe Failure et mon jeu de basse est très inspiré d’eux, avec des power chords à la basse, ce son distordu qui est un dosage entre du crust et de la distortion… ça c’est pour l’instrument. Après j’essaie d’avoir une vision plus large en termes de prod.
Rémy : Moi j’ai pas mal d’influences post-metal, que j’ai gardées de mon groupe d’avant dans lequel j’étais également batteur. Je suis un gros fan du Cult of Luna, de Russian Circles, etc, et ce sont des influences que j’intègre dans mon jeu de batterie. Tous les groupes qui font l’ADN du WD, auquel on s’identifie quand même de manière plus globale, ce sont des groupes que j’ai écoutés après être arrivé dans le groupe. Si j’écoute moins de post-metal aujourd’hui qu’à une époque, ce sont vraiment eux qui m’influencent maintenant. Notre claviériste, lui, c’est de la pop qu’il fait, et qu’il intègre aussi. Notre autres guitariste est fan d’Iron Maiden, donc tu vois on ratisse large ! (rires) Les influences de Cult of Luna se retrouvent par exemple dans des débuts de morceaux comme Strangers ou Amazed, qui sont un peu plus mid-tempo et lourds que le reste du disque. Comme on aime bien le black, ça nous a fait marrer aussi de mettre du blast à la fin d’un morceaux !
Martin : La patte de Untitled with Drums s’est faite naturellement, on ne force pas un genre en particulier et on essaie de ne pas se restreindre trop. On essaie de rester cohérents, mais sans tomber dans le piège de rester collés à un style particulier. On essaie beaucoup de choses sur les tempos aussi, pour explorer. On pourrait penser que c’est une phase des débuts, mais je pense que c’est bien si on reste maléables et qu’on ne s’enferme pas dans une formule trop répétitive. Et puis on veut prendre du plaisir, qui soit fun à jouer, qui soit intéressant !

untitled with drums hollow

Artwork de Hollow (c) Martin Le Borgne

Pozzo Live : Parlons un peu de l’album. Pourquoi ce titre « Hollow », « Creux » en français ?

Martin : C’est plus par rapport aux paroles, car j’espère que la musique n’est pas si creuse ! C’est un thème transversal à tout l’album et récurrent. J’ai écrit de manière un peu automatique, je me suis fixé ce thème et ça a coulé tout seul.

Pozzo Live : Tu as une anecdote d’enregistrement à partager avec nous ?

Rémy : Quand on a enregistré en Suisse, on a dormi dans un logement tout petit où on était vraiment les uns sur les autres, et il y avait Tiger le chat qui venait nous faire la conversation tous les soirs et boire des coups avec nous.

Pozzo Live : Combien de temps avez-vous mis pour enregistrer ?

Martin : On a mis 10 jours, un par morceau. On n’a vraiment pas traîné en fait ! Je me rappelle que sur l’enregistrement, en terme de timing, on était à 2h près par rapport aux prévisions.
Rémy : On a dû rajouter une journée par rapport au plan initial quand même. Il faut dire qu’on a pris pas mal de temps pour les voix, on a eu pas mal de mise en place à faire car c’était la première fois pour nous tous qu’on allait dans un studio professionnel et un vrai producteur. Serge s’est beaucoup investi dans les morceaux, il nous a proposé beaucoup de choses et c’était tout l’intérêt de l’exercice.

Pozzo Live : Vous aviez déjà sorti un EP, mais sans producteur c’est çà ?

Martin : Oui, et on l’avait enregistré de manière très fragmentée, sur plusieurs mois, en les enregistrant chez nous et en les recoupant ensemble. Ce n’était pas du tout la même démarche que d’arriver dans un studio, se mettre en autarcie et d’être face à sa propre musique, sans source de divertissement. Avec en plus une personne complètement extérieure au projet, qui apporte sa propre vision esthétique. C’était vraiment une expérience complète !
Rémy : C’est aussi quelque chose qu’on recherchait. On s’est vraiment posé la question de savoir comment aborder l’enregistrement, on avait pensé à un studio à Clermont-Ferrand, et on s’est dit que ça pouvait être cool d’aller ailleurs et d’être complètement focalisés sur notre musique, sans distraction.
Martin : Même pendant les tournées on a besoin de se retrouver des fois tous les 5 un peu loin de tout, et vivre en tant que groupe. On a tous des vies bien remplies très différentes les uns des autres, et ça nous profite de nous retrouver tous les cinq isolés de chez nous, on est plus proche du vrai, on a une meilleure énergie.

Pozzo Live : Après votre EP vous avez beaucoup tourné en live. Comment vous êtes-vous nourris de cette énergie pour préparer l’album ?

Rémy : On a testé certains morceaux de l’album dans des lives avant l’enregistrement. On a fait notre première vraie tournée en 2017 sur une dizaine de jours, et on jouait déjà Play With Fire et Strangers. On a refait des dates en 2018 spécialement pour tester quelques morceaux – d’ailleurs un peu loin de chez nous. Ça nous a permis de voir comment on les sentait, d’ailleurs un ou deux n’ont pas survécu à l’exercice.
Martin : Oui, ça nous a servi de crash test et nous a permis de voir, intérieurement, les morceaux sur lesquels le groupe arrivait à avoir du feeling en live. C’est totalement différent de les jouer en répétitions et en live, certains se révèlent sur scène.

Pozzo Live : Ca me fait penser aux artistes de stand-up comedy, qui font souvent des tournées préparatoires à leurs spectacles pour tester leurs idées !

Rémy : Oui clairement, 2018 c’étaient des dates de warm-up, on est exactement dans le même exercice.

Pozzo Live : En parlant de live. Vous pouvez nous raconter votre première scène ?

Martin : C’était au Baraka à Clermont-Ferrand, avec un groupe de Marseille bien cool qui s’appelle Conger!Conger!. Par contre la salle ne correspondait pas à notre univers. Pas spécialement rock, plus garage / boîte de nuit le reste du temps. Le public c’étaient essentiellement les copains… Mais c’est le but pour des premières dates chez nous, ça nous permet de nous nourrir de ce que le concert déclenche chez eux, si le projet leur parle.

Pozzo Live : C’est quoi la scène qui vous fait baver d’envie ?

Rémy : Le RoadBurn Festival en Hollande. C’est un festival de musique vraiment spécialisé sur les poly-genre, entre le rock, le noise, le métal expérimental, à la fois underground mais avec un public précis et pointu. C’est très valorisant je trouve de jouer dans ces milieux-là. On n’est pas vraiment attirés par les grosses salles, si c’était ta question.
Martin : Je suis assez titillé par toutes les salles sur Paris dans lesquelles on essaie de jouer depuis des années, comme la Maroquinerie. C’est là-bas que j’ai vécu mes meilleurs concerts, donc j’aimerais bien y monter sur scène. Comme Rémy, je ne suis pas dans le délire des grosses salles genre Stade de France, je préfère en tant que public comme en tant qu’artistes les salles intermédiaires, où tu as à la fois de l’ampleur et un feedback un peu humain.

Pozzo Live : Quel est votre but pour la suite : rester amateurs, ou devenir pros ?

Rémy : Je ne deviendrai pas pro je pense, car ce n’est pas compatible avec ma vision de faire de la musique. Je trouve que c’est instaurer un rythme qui serait plus contre-productif qu’autre chose. Mais si on arrive à un stade où le projet peut s’auto-financer, ça serait déjà énorme. Et au-delà de ça, générer notre propre budget pour pouvoir nous projeter dans l’avenir et faire les choses qui nous font envie, ça serait génial. Mais de là à en vivre, je ne sais pas, je suis sceptique. On est dans un milieu où ça ne colle pas trop avec l’esprit de ce qu’on fait. C’est un confort qui nous endormirait ! (rires)
Martin : Si demain on a la possibilité de faire un truc énorme, je pense qu’on le fera quand même. Mais on est plutôt dans la philosophie de faire un peut tout à la sueur de notre front. Rentrer dans une spirale de production où il faut sortir un album pour occuper l’espace médiatique, ce n’est pas du tout notre façon de voir la musique. On préfère rester focalisés sur ce qu’on pense être de qualité, au rythme dont on a besoin. Le feeling et la motivation sont très importants pour nous, et ça ne peut pas (et on ne veut pas) se forcer. On va dire que c’est mon discours punk ! (rires)

Pozzo Live : Notre question signature : qui on devrait interroger après vous ?

Martin : Je pense que tu pourrais faire dire des trucs à Joaquin Phoenix sur son dernier film [Joker], ça serait intéressant non ? (rires)
Rémy : Pour rester dans les groupes français qu’on suit et auxquels on arrive à s’identifier, je te dirais Black Ink Stain, de Clermont-Ferrand.
Martin : Et moi je partirais sur Niandra Lades. C’est un groupe beaucoup plus pop, mais très sympa aussi.

Merci à l’agence Singularités d’avoir organisé cette rencontre ! Vous pouvez retrouver Hollow sur les plateformes digitales Spotify, Deezer et YouTube Music. Vous pouvez suivre le groupe sur son site Bandcamp ainsi que sur Facebook !

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