Reviews | Juliette - Chansons de là où Où l'Œil Se Pose, cosmétique de la langue française

Chansons de là où se pose l'oeil

par Juliette

sur 10

A l’occasion de la journée internationale du droits des femmes, lumière sur une artiste à la plume aussi acérée que son esprit. « Chansons de là où l’oeil se pose », son nouvel album, nous offre une belle occasion de présenter cette virtuose de l’écriture !

JULIETTE SANS SON ROMEO

Juliette Noureddine, de sa plume perchée, nous régale depuis maintenant 1987. Auteure, compositeure, parolière française, elle s’est faite connaître par une musique aussi pétillante que joyeusement macabre. Qu’elles soient en alexandrin, en assonance, son talent pour la manipulation des mots n’est plus à démontrer et elle met habilement le doigt sur les petits riens du quotidien qui font toute la différence en terme de joie comme d’agacement.

Juliette, c’est une silhouette frisée à lunettes rondes épaisses que l’on reconnaitrait entre tous. Une instru souvent limitée à un piano tantôt taquin, tantôt sévère, quelques autres comme une trompette ou un hautbois : et voilà ! C’est ce qui fait tout le charme de sa musique.

Il est indéniable que sa maîtrise parfaite de la langue française, qu’elle manie avec grâce et habileté telle un escrimeur joutant aux Jeux Olympiques lui valent souvent la comparaison avec Brassens, complètement méritée !

TITRES DE L’ALBUM

1. La Housse et La Couette
2. Le Seigneur des Mouches
3. Escaliers
4. La Perruque
5. Lames
6. La Lueur dans l'Oeil
7. Poivrons
8. Litanies du Diable
9. La Madone des Clébards
10. Dans le Marc de Café
11. Deux Chevaux
12. Regarde bien, petit

CHANSONS OU SE POSE LA NOTE

Le style musical est purement chanson française. On pourrait même s’imaginer la croiser dans l’atmosphère obscure d’un speakeasy parisien. Son accompagnement musical tantôt jazzy tantôt pop, rock voir hiphop sur certaines chansons rendent d’autant plus intime l’album qu’elle nous livre ici.

L’album s’ouvre sur un piano, l’air tragique, tel un thème d’Aznavour. En effet, il est temps d’aborder un thème tragique : l’impossible conciliation de « La housse et de la couette« . Changement de modulation, l’humeur s’éclaircit et le phrasé se fait plus guilleret. Au cours de 4 min 18 d’une verve ponctuée de jeux de mots, de constat fataliste encouragée par un piano et un hautbois taquin, Juliette se livre un véritable monologue qui est un régal pour les oreilles.

Sur un thème beaucoup plus léger, « Escaliers » monte et démonte le vocabulaire français d’une façon aussi absurde que pertinente, nous emporte dans un escalator musical mue de sa propre volonté. L’ambiance est volubile comme « La lueur dans l’oeil« . Une poésie langoureuse qui nous saisit telle la plus étroite des étreintes, rencontre langoureuse d’un ensemble à cordes, d’un accordéon et de la langue française à son paroxysme. On voir évoluer dans l’imaginaire un tango digne des rues de Buenos Aires.

Une touche de jazz avec « Poivrons« , digne morceau qui pourrait sortir d’un Disney, que ce soit « Tarzan » ou « Le Livre de la Jungle« . Une belle pièce à écouter et réécouter sans modération. S’il n’était pas aussi difficile de n’en choisir qu’un, « Poivrons » pourrait bien être le coup de coeur de l’album avec « La housse et la couette » et « Escaliers« .

Toujours sur la route des personnifications, Juliette nous transmet sa crainte des « Lames » à travers un morceau quasi slam. Terrifiant ! Plus amicale, « Deux chevaux » est une invitation à la balade tranquille. Une ambiance champêtre, une instru qui n’est pas sans nous rappeler les vieux films français type « Un long dimanche de fiançailles » ou « Les Triplettes de Belleville« , on sent le moteur ronfler, les paysages défiler dans un décor 100% Sud-Ouest. Enfin, Juliette achève son album sur « Regarde bien, petit », une interprétation que l’on devait à l’illustre Brel. Celle-ci en est si bien exécutée que son fantôme en viendrait presque à nous chanter en parallèle.

Juliette, après 10 ans sans création originale nous régale à nouveau d’un album savamment ficelé, nous prouvant que le temps ne fait rien à l’affaire quand le talent est présent !