The Tortured Poets Department

par Taylor Swift

9
sur 10

Lors de la dernière cérémonie de Grammy Awards, alors que Taylor Swift remportait pour la quatrième fois le prix du meilleur album, la chanteuse en profitait pour annoncer la sortie de son onzième album studio : The Tortured Poets Department. Ce nouvel album inattendu est sorti le vendredi 19 avril, pour notre plus grand plaisir, comme d’habitude.

L’album s’ouvre sur son lead single, Fortnight, en duo avec Post Malone. Il est plutôt rare, même inédit, de la part de Taylor Swift d’entamer un album par un featuring. Et c’est pourtant une réussite ! Le voix de Post Malone, en fond, puis sur la fin du morceau, hante l’ambiance assez mélancolique de ce morceau. L’album se poursuit sur le titre qui lui donne son nom: The Tortured Poets Department. Dès les premiers morceaux, on reconnait la production désormais habituelle de Jack Antonoff, qui ne se tient jamais très loin de son synthétiseur.

Les sonorités synthé-pop prennent clairement le dessus sur ce début d’album ! Qu’on le veuille ou non, plusieurs refrains vont rapidement trotter dans nos têtes. Qu’il s’agisse de « I love you, it’s ruining my life » du single, en passant par le refrain de l’entrainante My Boy Only Breaks His Favorite Toys ou encore par l’entêtante Down Bad. En tout cas, le ton est donné sur chacun des premiers morceaux: Taylor Swift nous décrit, comme elle sait si bien le faire, les déboires de relations tristes, et même plutôt toxiques.

C’est ce que l’on comprend dans My Boy Only Breaks His Favorite Toys, où Taylor Swift dépeint une relation où elle était le jouet préféré de son petit ami, avant de finir délaissée quand son intérêt pour elle était passé. Un thème qui reviendra à plusieurs reprises au courant de l’album, notamment dans le morceau suivant, Down Bad. « Tell me I was the chosen one / Show me this world is bigger than us / Then sent me back when I came from« .

Si les fans de la chanteuse prennent un malin plaisir à décrypter toutes ses paroles, en se demandant à qui elles sont attribuées, lequel de ses ex a bien pu inspirer tel ou tel morceau… So Long, London est sans le moindre doute attribuée à Joe Alwyn, l’acteur britannique avec qui Taylor Swift aura entretenu une relation pendant six ans. Cette balade à cœur ouvert est le premier morceau de l’album produit par Aaron Dessner, le deuxième producteur acolyte de Taylor Swift. Le morceau est ponctué par un rythme rappelant des battements de cœur, qui s’estompent lors du bridge, avant de repartir de plus belle sur le « And I’m just getting color back into my face« , nous donnant ainsi une idée de renaissance. Comme si ce morceau permettait en quelque sorte à Taylor Swift de faire le deuil de cette relation avant de repartir de bon pied. Bien que So Long, London soit le morceau le plus long de The Tortured Poets Department, on ne voit pas la chanson passer !

On met le synthé de côté, en avant les guitares pour But Daddy I Love Him. Si la première écoute de ce morceau n’est peut être pas la plus marquante, son rythme crescendo nous fait vite revenir sur ce premier avis, car il s’agit là de l’un des morceaux les plus dynamiques de l’album. Autre que le sujet habituel des ruptures, l’autre sujet principal de l’album commence d’être abordé ici : la relation entre Taylor Swift et le succès, et l’industrie musicale.

the tortured poets department

Après un Fresh Out The Slammer passable, The Tortured Poets Department accueille son meilleur titre : Florida!!!, en duo avec Florence + The Machine. Ce morceau est l’un des rares de l’album qui ne s’adresse pas à une ancienne relation, ou qui ne parle pas d’une rupture directement. Taylor Swift explique ce morceau ainsi : « Quand ils commettent un délit où s’échappent directement les criminels? En Floride!« . Ce titre s’explique alors par une volonté d’échappatoire après une peine de cœur. Un besoin de se réinventer, de vouloir un nouveau nom, une nouvelle vie… L’idée de renaissance que l’on évoquait déjà dans So Long, London, finalement. Ce n’est pas tant sa signification qui donne toute la qualité à ce morceau, mais plutôt le featuring avec Florence + The Machine. Une collaboration que l’on n’aurait peut-être pas envisagée avant qu’elle ne soit annoncée, et pourtant ! Le mélange des deux voix de Taylor Swift et Florence Welch nous transporte complètement. Si les artistes en duo avec Taylor Swift font bien souvent des apparitions plutôt discrètes (on se souvient d’une certaine déception pour son duo avec Lana Del Rey qui fredonnait péniblement les chœurs sur Snow On The Beach), ici, Florence Welch est bien présente. Son empreinte musicale si particulière est bien au cœur de Florida!!!. Qu’il s’agisse de sa voix inimitable, sa plume que l’on différencie aisément de celle de Taylor Swift « A hurricane with my name when it came / I got drunk and I dared it to wash me away / Barricaded in the bathroom with a bottle of wine / Well me and my ghost we had a hell of a time« , ou encore du martellement de la batterie dans les refrains… On dirait presque une chanson de Florence + The Machine en duo avec Taylor Swift, plutôt que l’inverse. Le coup de cœur est absolument garanti, est instantané!

Et la puissance qui démarre dans Florida!!! ne va pas s’arrêter là et se poursuit sur Who’s Afraid of Little Old Me? Un morceau dans une atmosphère plus torturée, et un brin revancharde, qui monte en pression  au fur et à mesure qu’il avance. On tient sans doute la petite sœur de la mythique Look What You Made Me Do de Reputation, en version beaucoup plus sombre de par ses paroles.

I Can Fix Him (No Really I Can) ne sort pas du lot, et se laisse vite oublier par le morceau qui lui succède : loml. Les premières notes de piano ouvrent le chemin pour la balade de l’album, qui nous transporte immédiatement. La production d’Aaron Dessner rappelle les balades sublimes déjà produites sur evermore (coney island comme meilleur exemple). Complété par la plume de Taylor Swift, ce cri du cœur mélancolique nous prend aux tripes. L’acronyme « loml » signifiant « love of my life » et « loss of my life » prend tout son sens à l’écoute du morceau, qui est indéniablement l’un des plus beaux de l’album.

Le morceau le plus surprenant de l’album arrive en treizième position avec I Can Do It With A Broken Heart. La chanson démarre en douceur, et s’accélère jusqu’à atteindre son refrain intégralement électro-pop que l’on avait pas vu venir. Ce rythme ultra dansant s’oppose intégralement aux paroles les plus déprimantes de l’album. Ces deux éléments si diamétralement opposés sont finalement la représentation parfaite de ce qui se passe mentalement quand quelqu’un fait semblant d’aller bien alors que son monde s’écroule. C’est ce que décrit Taylor Swift à travers ce morceau. Bien qu’elle batte tous les records, soit l’artiste la plus reconnue de ces dernières années, sorte et réenregistre des albums à une fréquence parfois effrénée, performe la plus grosse tournée musicale de l’histoire… Elle accomplit tout cela alors qu’elle traverse ses moments les plus sombres, imperceptibles du grand public. Malgré sa pop dansante, qui transforme malheureusement ce morceau si profond en une vulgaire trend Tiktok insignifiante, ce morceau est un crève-cœur. En effet, c’est un sentiment plus qu’ambivalent de vouloir danser sur un tel rythme alors que Taylor Swift chante « Cause I’m a real though kid, I can handle my shit / They said « Babe, you gotta make it » and I did / Lights, camera, bitch smile, even when you want to die […] / Breaking down I hit the floor / All the pieces of me shattered as the crowd was chanting « MORE!« . Que l’on aime ou non ce morceau, la certitude est qu’on ne peut pas y être indifférent.

the tortured poets department

Le rythme redescend sur la seconde balade de The Tortured Poets Department, The Smallest Man Who Ever Lived. Ici, pas de métaphore, Taylor Swift n’enrobe pas ses propos. « You didn’t measure up in any measure of a man« . Quel que soit l’homme visé par ces propos, l’artiste n’a clairement rien laissé de côté. Le côté calme de la chanson pourrait presque la laisser passer inaperçue en fin d’album, si ce n’était pas pour son incroyable bridge. Celui-ci fait monter la chanson en puissance et en fait l’un des meilleurs morceaux.

L’album se clôture sur Clara Bow. La relation entretenue entre Taylor Swift et l’industrie musicale abordée sur But Daddy I Love Him est le sujet évident de ce dernier morceau. L’artiste décrit ici le fonctionnement de la société, et du monde de la musique autour des nouvelles chanteuses ou pop-stars : un cercle vicieux qui se répète au cours des générations. On compare d’abord une artiste à Clara Bow, actrice américaine qui a donné sa définition à la it-girl. On imagine que le « You look like Stevie Nicks in ’75 » sont des mots qui ont pu être adressés à Taylor Swift elle-même au début de sa carrière. Le système se répète pour chaque nouvelle artiste qui débarque sur l’avant de la scène: on la compare avec la pop-star précédente, en mettant en avant toutes ses qualités supplémentaires. La chanson s’achève finalement sur Taylor Swift qui imagine le futur, et fait part d’une certaine peur de tomber dans l’oubli. « You look like Taylor Swift in this light, we’re loving it / You’ve got edge, she never did » seront sans doutes les mots adressés, dans un futur imaginaire, à la prochaine artiste phare qui viendra lui succéder. Ce morceau résonne à la fois comme une crainte, et comme la réalisation que son succès actuel, aussi gigantesque soit-il, ne sera peut-être pas éternel.

Ce qu’il faut retenir de The Tortured Poets Department:

Très attendu depuis son annonce, The Tortured Poets Department répond aux attente. La mention de poésie dans le titre avait donné de grands espoirs aux amoureux de folklore/evermore qui voulaient tant retrouver l’ambiance de ces deux albums si particuliers. L’album est finalement un beau mélange de la poésie et l’intimité de folklore, et de la pop de Midnights, deux éléments qui s’allient bien mieux qu’on aurait pu l’imaginer. Si folklore s’inspirait de personnages fictifs imaginés par Taylor Swift, The Tortured Poets Department est presque une autobiographie en musique où l’artiste nous livre à cœur ouvert ses souvenirs les plus personnels, et les détails les plus douloureux de ce qu’elle a traversé récemment. Ce onzième opus est un album qui est bien plus appréciable lorsqu’on l’écoute en s’éloignant des réseaux sociaux, en profitant de la beauté de ses textes sans les diverses spéculations associées aux paroles. Taylor Swift écrit ce qu’elle sait faire de mieux, des chansons de rupture douloureuses, tout en révélant toutes ses facettes comme elle ne l’a jamais fait auparavant. La colère, la dépression, l’amertume, liées aux rythmes pop de l’album créent une confusion inexplicable à travers ces 16 morceaux dont on ne se lassera pas de si tôt. Un album qui ne plaira peut-être pas à chacun. Mais une chose est sûre, c’est que ceux qu’il saura séduire l’aimeront largement assez pour deux !

Et puisqu’elle ne s’arrête jamais, deux heures après la sortie de The Tortured Poets Department, Taylor Swift a finalement sorti un second album surprise. Regroupés tels un recueil de poèmes intitulé The Anthology, ce n’est finalement pas moins de 31 titres que nous avons à découvrir. Et si on se laissait de temps d’apprécier ces 16 premières chansons, avant de chroniquer la seconde partie de l’album?

TRACKLIST
  1. Fortnight (feat Post Malone)
  2. The Tortured Poets Department
  3. My Boy Only Breaks His Favorite Toys
  4. Down Bad
  5. So Long, London
  6. But Daddy I Love Him
  7. Fresh Out The Slammer
  8. Florida!!! (feat Florence + the Machine)
  9. Guilty as Sin?
  10. Who’s Afraid of Little Old Me?
  11. I Can Fix Him (No Really I Can)
  12. loml
  13. I Can Do It With a Broken Heart
  14. The Smallest Man Who Ever Lived
  15. The Alchemy
  16. Clara Bow

The Tortured Poets Department

par Taylor Swift

9
sur 10

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