Nous nous sommes entretenus avec La Grande Sophie le jour de la sortie de son clip « Un Roman« . Son album « La vie moderne » étant sorti en début d’année elle s’apprête à prendre la route des scènes. Ou plutôt reprendre la route comme elle nous l’explique.

Pozzo Live : Bonjour merci de prendre le temps de répondre à nos questions. J’espère que tout va bien, vous et tout le monde autour de vous.

La Grande Sophie : Oui, ça va, tout va bien. Je repars demain sur les routes, donc c’est super chouette.

Pozzo Live : Je vais commencer par évoquer l’album La Vie Moderne qui est sortie en début d’année. Maintenant qu’il y a un peu de recul en êtes vous satisfaite ? Que ce soit son contenu, sa sortie, les réactions qu’il a provoqué depuis .. d’une manière globale.

La Grande Sophie : C’est un album que je porte vraiment, j’en suis très heureuse parce que je m’implique toujours dans mes albums. Mais pour celui-là, je suis allée plus loin. C’est-à-dire qu’avec mes années d’expérience, maintenant c’est mon neuvième album, et j’ai voulu faire ma brochette. J’ai voulu jouer un album chaleureux. Et j’ai gardé des prises aussi de mes maquettes. J’ai travaillé avec Jan Ghazi qui m’a d’ailleurs vraiment poussé à faire beaucoup sur cet album. Il m’a dit « maintenant je crois que ce qu’on veut avoir de toi, c’est qui tu es maintenant, et ce que tu sais faire ». Et c’est vrai qu’il m’a laissé vraiment libre, il m’a guidé en fait. Mais sinon beaucoup de choses sont parties de chez moi, mon ordi, mes maquettes à moi.

Et c’est un album qui fait le grand écart entre deux époques. Je trouve qu’il y a eu un virage depuis le Covid, assez brutal d’ailleurs. Brutal parce que les nouveaux outils qu’on a .. regardez on fait une interview en visio, ça je ne le faisais pas à mes débuts vous voyez. Mais on a des outils supplémentaires qu’il faut savoir utiliser, mais à la fois des outils qui sont très dangereux.

C’est-à-dire que maintenant, j’en parlais tout à l’heure dans ma maison de disque chez Barclay, je trouve qu’on ne fait plus confiance à ses oreilles. C’est-à-dire que quand on écoute une chanson, la plupart des gens vont regarder combien elle a de streams. Ils vont regarder les chiffres et ne pas se laisser séduire par un son, ne pas se laisser prendre par une émotion. Ça, je trouve ça très regrettable, c’est des choses que je pointe dans cette « vie moderne« , bien que les outils nous permettent de communiquer plus facilement avec le public.

Mais vous voyez, moi je suis très triste qu’on ne regarde que les chiffres, j’essaie encore de faire confiance à mes oreilles. Et cet album, il parle de .. J’essaie de relier ces deux mondes, de ne pas les séquencer. J’essaie de créer du lien entre ces deux mondes. Vous voyez, moi j’ai commencé en faisant mes maquettes quand j’étais ado avec un 4 pistes. Maintenant, on pourrait tout faire avec un téléphone. Mais c’est pour ça que ma pochette, je l’ai faite avec un selfie. Et je l’ai tiré avec la première technique photographique de tirage qui est le cyanotype. J’essaie justement de relier les mondes, de ne surtout pas les séparer. Je crois que c’est ce qui nous fera progresser dans la vie, tenir compte des anciens, vous voyez, et ne pas passer un coup de balai forcément sur tout ce qui est passé.

Pozzo Live : Je trouve ça bien que des artistes continuent à faire vivre cette essence de la musique telle qu’elle devrait être. En utilisant les nouvelles technologies à bon escient.

La Grande Sophie :  Les nouvelles techniques, elles ont une utilité. Mais il faut savoir faire la part des choses, avoir du bon sens tout simplement. Pour moi, c’est du bon sens, faire confiance à ses oreilles, on parle de musique. En tout cas, pour répondre à votre question par rapport à cet album, je suis très heureuse aussi de le faire vivre sur scène. J’ai l’impression que c’est un album qui est moins connu du grand public que ce que j’ai pu faire auparavant. Mais en tout cas il a sa vie sur scène et me montre encore que le public est fidèle.

Après, je ne vais pas vous mentir, je n’ai pas eu de passage radio forcément, pas beaucoup en tout cas. Moins peut-être sur cet album-là, mais c’est un album en tout cas qui est une femme de ma génération à mon âge, ça c’est très important. Parce que c’est un métier aussi la musique qui favorise la jeunesse, mais comme je disais tout à l’heure, toutes les paroles de tous les âges sont bonnes à entendre. Et je suis pour les relier justement et c’est un album qui parle aussi d’une femme de mon âge, ça c’est très important aussi.

Pozzo Live : Vous m’avez devancé sur ma question suivante. Savoir si vous avez écrit l’album seule, mais donc plutôt en binôme. 

La Grande Sophie : Alors non pas vraiment en binôme. Le binôme qui m’a accompagnée, qui s’appelle Jan Ghazi, a fait le son, a réalisé avec moi l’album. Lui en fait il était là, il me laissait faire et il me guidait. Il me disait : « t’es sûre de ton son là ? On va le retravailler, je ne suis pas sûre, tu vas trouver un autre son ». Il m’a guidé, mais il n’a pas composé.

Pozzo Live : Est-ce que cet album a pris du temps à écrire ? Notamment avec les deux années blanches qu’on a eu. Et surtout est-ce que ces deux années ont changés votre façon d’écrire ? 

La Grande Sophie : Je prends mon temps quand j’écris les albums parce que j’aime bien prendre du recul. Parfois j’écris, je fais des arrangements, je laisse refroidir, je réécoute, j’y reviens, je change un mot. Le temps est assez important, en même temps je ne suis pas une personne qui va mettre 7 ans à écrire un album. Cela ne fait pas partie de mon tempérament. La première chanson que j’ai écrite, en effet, c’est lorsque ma tournée a été stoppée par le Covid en mars 2020. J’ai réagi tout de suite d’ailleurs, c’était le 16 mars 2020, à ce qui nous arrivait. J’ai réagi en écrivant Ensemble, j’ai écrit un couplet, un refrain, je l’ai balancé sur les réseaux et je l’ai envoyé aux gens pour leur donner de l’espoir et une autre forme de courage aussi.

C’était une première mondiale, ça touchait le monde entier, c’était quand même incroyable ce qui nous est arrivé. J’ai pris juste ma guitare acoustique pour écrire cette chanson. Quand je l’ai balancé sur les réseaux il n’y avait aucun effet et je me suis dit tiens, c’est une piste pour écrire ton futur album. Reprendre quelque chose de très organique et quand j’ai écrit après les chansons, toutes les autres chansons, je me suis imaginée autour d’un feu de camp Parce-que le feu de camp représentait une personne avec sa guitare acoustique et c’est vrai que ça m’a aidé visuellement à écrire les autres chansons.

Donc comme je vous disais, j’ai fait appel à la nouvelle technologie. Je suis allée dans mon ordinateur, j’ai mon Pro Tools. J’ai commencé à maquetter, et ça c’est super parce-que moi cette technologie-là de pouvoir enregistrer et de me donner cette indépendance m’a fait énormément évoluer dans ce que je voulais mettre dans ma musique. C’est-à-dire que maintenant oui je suis totalement indépendante. Je fais même des musiques de films seule dans ma chambre. Donc voilà, cette technologie, je la critique mais je l’utilise aussi pour une forme d’indépendance.

Mais en tout cas, l’album il a commencé à être écrit en 2020. La première chanson c’était le premier jour du confinement. Et peu à peu les autres chansons sont arrivées. Il suffit d’un départ, vous savez moi je passe toujours par la feuille blanche quand je décide de réécrire. Il peut se passer trois semaines, un mois où ça va être le désert total et je vais être au fond du trou. Et puis à partir du moment où il y a cette volonté de recommencer, et bien à un moment donné le fait de laisser le silence, de faire autre chose, ça enrichit aussi l’esprit pour mieux repartir.

Pozzo Live : Est-ce que vous prenez le temps d’écouter de la musique au quotidien ? Est-ce que des nouveautés musicales vous inspirent toujours ?

La Grande Sophie : Alors, bizarrement, depuis enfant, j’ai remarqué qu’il y a des âges où on avait tendance à écouter la musique en boucle. Quand j’étais petite, je m’enfermais dans ma chambre et je mettais sur mon tourne-disque en boucle la même chanson. Après on évolue, là à l’heure actuelle, je ressens moins le besoin d’écouter tous les jours et tout le temps de la musique. Et surtout pas en boucle. J’aime être curieuse, j’ai toujours été curieuse à travers la radio. J’écoute la radio et quand je tombe sur une petite pépite, en revanche, quand je tombe sur quelque chose qui me marque et qui me touche, j’arrête de tout faire et je vais chercher qui est cette personne qui chante, quelle est cette chanson.

Moi après, dans ma vie, je remarque que je me tiens au courant. Je vais chaque semaine écouter un peu les nouveautés, mais je fais du zapping aussi. Voilà, je fais du zapping, j’écoute un petit peu, ça m’intéresse de connaître les sons du moment. Mais j’ai moins d’assiduité, on va dire, sur un album entier. Alors, je remarque aussi que le silence, le silence, je l’apprécie de plus en plus. Même dans un spectacle, même dans mes concerts. Je dis toujours aux musiciens, il va y avoir à un moment donné un silence. Parce-que le silence fait qu’on donne de la profondeur au titre d’avant ou d’après. Mais il met en valeur quelque chose, ce silence-là.

Et j’en ai besoin dans ma vie aussi pour écouter la nature, pour écouter ce qu’il y a autour de moi. J’aime prendre le métro sans casque, écouter les gens, c’est important pour moi d’écouter la vie. Et par moment, oui, j’ai envie de réécouter un album ou d’être surprise par quelqu’un qui va m’interpeller par sa singularité. Ce que je recherche chez un artiste, c’est sa singularité et le tempérament aussi de cette personne.

Pozzo Live : Vous sortez le clip du morceau « un roman » aujourd’hui. Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir ce morceau comme nouveau single post sortie ?

La Grande Sophie : Alors, je vais pas vous mentir. On m’en a parlé avec ma maison de disques. Je leur ai dit : « Bon écoutez vous voyez quel titre ? ». Moi, c’est difficile pour moi de choisir un titre, je les ai tous écrits. Alors, il y a des moments où je penche plus sur un titre que d’autres. Là, je leur ai dit, vous, c’est quoi votre avis, vous voyez quoi ? Ils m’ont dit, bah nous, écoute, on s’est consultés, on partirait vraiment tous sur un roman. Moi, je dis, OK, super.

Alors, j’ai une idée. Moi, j’aime bien rebondir sur les idées des gens aussi. J’ai une idée puisque vous voulez le sortir en septembre. Ce serait génial qu’on arrive à contacter des écrivains et que ce soit eux qui soient dans le clip. Qu’on voit des écrivains comme on ne les a jamais vus. C’est-à-dire que souvent la littérature a un côté assez sérieux dans les émissions. Mais je remarque beaucoup pour avoir travaillé avec Delphine de Vigan. Je remarque que la place de la musique a une importance chez tous les écrivains. Ils en parlent dans leur roman et je me suis dit, moi, j’ai envie de les voir. Voir, en fait, comment ils vont réagir sur ma musique.

Et c’est leur personnalité qui va me séduire. L’idée, elle était toute simple. C’est moi qui ai fait un petit peu le synopsis de ce clip. Je lui ai dit, voilà, ils vont tous rentrer dans une pièce. C’est eux que je veux voir, leurs émotions, leur attitude. Ils vont se rapprocher du micro et ils vont chanter la chanson. Ils vont aussi, à un moment donné, bouger, danser. Je vais leur demander ces choses-là. Et en fait, ils ont accepté de jouer ce jeu-là.

Il y en a sept qui ont accepté. J’en avais contacté beaucoup plus, mais en fait, les plannings ne correspondaient pas forcément. Donc, il y en a plein qui auraient voulu y être, mais avec la rentrée littéraire, c’était plus compliqué. Et puis, il y a sept personnes, cinq femmes et deux garçons, qui sont là. Et voilà, je trouve ça génial. Je trouve ça génial qu’on ait autant de portraits si différents. Et c’est vraiment ce que j’imaginais. Donc, je suis très contente de ce clip.

Pozzo Live : Je l’ai vu et effectivement, très sympa. Et je n’avais pas du tout conscience, effectivement, que c’était des auteurs et autrices. C’est une super idée.

La Grande Sophie : Alors, je peux vous les citer. Il y a Delphine de Vigan, Marie-Hélène Lafon, Line Papin. On a aussi Kéthévane Davrichewy, Nathalie Kuperman. On a un primo roman qui s’appelle Mokhtar Amoudi. C’est son premier roman. Et puis, il y a Olivier Adam. Voilà. Donc, on retrouve ces sept écrivains. Et d’ailleurs, ils sont très contents du résultat aussi. Parce-que le but, c’était que tout le monde soit content. Mais parfois, vous savez que quand il y a plus de deux personnes, c’est compliqué d’arriver à rendre tout le monde heureux. Et je crois qu’ils adorent cette idée-là.

Pozzo Live : J’ai une question sur un sujet qui se perd un peu, mais à propos de l’intéressante pochette de l’album. On l’a déjà abordé et c’est donc un selfie retravaillé.

La Grande Sophie : L’impression, pour revenir dessus, c’est le cyanotype. Pour ceux qui ne connaissent pas  c’est une très vieille méthode de 1842. Elle servait beaucoup à classifier les fleurs, les plantes. Parce que c’est une technique qui utilise les UV du soleil. On passe un produit ferrique sur une feuille. Moi, j’ai choisi mes papiers. J’ai passé ce produit ferrique. Et après, on peut poser des objets. À l’époque, c’était beaucoup des plantes pour répertorier les plantes. Et moi, j’aime beaucoup ce rendu, ce bleu, c’est un très beau bleu.

Je trouve qu’on peut modifier avec des petites astuces aussi. Le fait de ne pas s’enfermer, de ne pas travailler à la lumière rouge dans une boîte noire. Et de prendre des rayons du soleil par rapport à, encore une fois, ce qu’on avait vécu avec ce Covid. C’était solaire, c’était lumineux. J’avais envie de travailler cette technique. J’ai fait beaucoup de tirages. J’ai fait une expo, d’ailleurs même deux expos, avec plein de tirages à moi. Et je me suis dit, c’est l’occasion d’en faire une pochette d’album. Mais ce sera un selfie fait avec l’outil du XXIe siècle. Encore une fois, j’ai réuni deux époques. Et ça symbolise vraiment la teneur de cet album.

J’ai fait un petit twist parce que, vous savez, moi je suis très geek aussi. J’ai travaillé ma photo après avec des applications. Et je voulais qu’il se passe un truc bizarre dans l’œil. Parce-que quand on regarde l’image, on a tendance à dire, j’ai fait un truc bizarre. On se repenche sur l’image. Et ça m’a amusé d’utiliser, encore une fois, la nouvelle technologie. Je l’utilise avec jeu. Je m’en amuse beaucoup. C’est aussi une technologie qui m’a redonné envie de  dessiner.

Moi, j’ai un iPad où j’adore, comme j’ai fait les Beaux-Arts il y a un certain nombre d’années. Et bien, je trouve que les textures du crayon numérique m’ont redonné goût au dessin. Et voilà, je l’utilise beaucoup aussi dans mes postes. Quand je fais un poste, je dessine un petit personnage que je fais vivre. Et voilà, c’est encore les atouts des nouvelles technologies. C’est sûr qu’on a beaucoup plus de possibilités. Et pas que du négatif. Le négatif sont ces chiffres qui nous empoisonnent la vie [Rires]

Pozzo Live : Parlons maintenant prestations live, car vous avez une tournée qui démarre dès demain.

La Grande Sophie : Qui redémarre !

Pozzo Live : Oui effectivement ! J’imagine que vous êtes impatiente de présenter vos nouvelles chansons ? Toujours un peu stressée malgré que vous soyez expérimentée de la scène ? 

La Grande Sophie : Alors, moi, je crois que j’ai toujours été très traqueuse. Je le suis toujours, malgré mon expérience. En revanche, par rapport à la scène, je me suis toujours entourée. C’est toujours moi qui choisis mes équipes. C’est très important parce-que quand on part en tourbus ou quand on part avec une équipe sur scène, quand on quitte son chez-soi pendant plusieurs jours. Il faut s’entendre avec les personnes. Donc, même si parfois j’ai fait des auditions pour trouver les bons musiciens, j’ai toujours fait attention au travail d’équipe. Je voyage avec mes musiciens, musiciennes aussi, techniciens, techniciennes.

Je crois que l’artiste est là pour souder, errer. Et ma présence est importante pour passer ces bons moments ensuite. Et c’est vrai que je passe des bons moments avec toute mon équipe. On est très contents de se retrouver. Là, on finit la tournée. Il nous reste 13 dates. Cette tournée, elle a une particularité aussi. C’est que j’ai dessiné ma scénographie, justement, avec mon pad, comme je le disais tout à l’heure. De peu de temps, je voulais le faire exister. J’ai dessiné ces néons. Et ensuite, je les ai remis dans les mains. J’ai remis tous mes schémas dans les mains d’Alexia Alexi, qui est une ingénieure lumière incroyable. Elle était très à l’écoute de ce que je voulais et qui a fait vivre cette scénographie sur scène.

Et voilà, on continue à aller de ville en ville. On ne fait pas que des grosses villes. J’ai toujours aimé être là où vivaient les gens. Donc, parfois, on prend des chemins assez improbables. On se dit « qui va être là ? ». Les gens sont au rendez-vous, donc ça fait très plaisir. Ce qui est difficile, c’est qu’avec neuf albums, c’est très compliqué de faire une setlist. Il y a toujours quelqu’un qui va vous dire « mais pourquoi vous ne chantez pas cette chanson ? ». Mais parce-que je ne veux pas jouer cinq heures non plus. Donc, j’ai dû faire des choix.

Pozzo Live : Vous avez devancé ma question sur la difficulté de faire une setlist.

La Grande Sophie : Ce que je pourrais rajouter par rapport à la setlist aussi. Ce que j’aime faire et ceux qui me suivent le savent, c’est que des titres connus comme Du Courage ou Ne M’oublie Pas ou On Savait, les titres phares qui ont marqué un petit peu mon parcours, je les réarrange. C’est-à-dire, j’aime bien les remettre au goût du jour. Sans changer la mélodie, mais les plonger dans ce présent. On est en 2023, donc je sais les plonger en 2023 pour les faire vivre autrement, pour moi aussi me donner une nouvelle fraîcheur pour les chanter. Et je crois que les gens apprécient ça aussi, d’avoir la possibilité de connaître d’autres arrangements autour d’une même chanson, parce que la musique, c’est tellement l’infini.

Vous voyez, tout à l’heure, j’ai enregistré une émission qui s’appelle Sur ma platine. Et je parlais de l’unplug de Nirvana. La surprise de l’unplug à New York, la surprise que j’avais eue de ce groupe, qu’on connaissait, un groupe grunge avec un gros son, guitare très saturé, qui faisait cet unplug à New York avec un son très intimiste, avec une salle remplie de bougies. Cet album ça a été une prise de conscience pour moi, pour me dire que tes chansons, tu vas pouvoir les faire vivre de différentes manières. Mais ta chanson à partir du moment où elle est là, où elle tient debout, guitare voix, il peut se passer plein de choses avec les années. Et c’est ce que j’aime faire sur mes tournées en fait.

Pozzo Live :  Est-ce qu’il vous arrive de modifier des morceaux d’une setlist en cours de tournée ?

La Grande Sophie : Oui, d’ailleurs avant de partir en tournée, je donne toujours une liste de morceaux aux musiciens assez exhaustives. J’en mets énormément, ils sont assez effrayés quand ils voient arriver, ils se disent « waouh, on va jouer tout ça ? ». On en répète beaucoup plus, et après pour trouver la bonne liste il faut plus de 10 dates. Je modifie sur les 10 premières dates, voire 15 premières dates, et là, par exemple, j’ai encore modifié pour la rentrée. J’ai changé l’ordre, il y a des titres que je place, et je me rends compte que finalement, ils ne passent pas bien. Par exemple quand vous sortez un album, vous voulez jouer tout le nouvel album, vous essayez de le jouer complètement. Et en fait, vous vous rendez compte que certains titres, vous ne savez pas trop où les mettre.

C’est arrivé pour Voir les gens pleurer, je voulais absolument chanter cette chanson. Mais en fait, là où je l’ai placé, ça n’allait pas, et je me suis dit, tu vas la retirer, et ce n’est pas grave. Peut-être que tu la rejoueras plus tard, je n’ai pas trouvé encore sa place en fait. Donc oui, il y a des petites sorties, des petites rentrées, voilà. Je rallonge des titres aussi, là, c’est arrivé sur un titre où j’en parlais au batteur. « j’ai besoin que tu me fasses une intro, on va essayer des choses ». Je modifie la structure de titres, parfois, en cours de route, où ça nous est arrivé, par exemple sur Ne m’oublie pas, on a travaillé un passage chœur, qui n’était pas au début de la tournée. Donc oui, il y a des choses qui bougent, quand même.

Pozzo Live :  Régulièrement quand je pose la question on me dit que tout est figé, organisé pour les transitions etc …

La Grande Sophie : Alors, je vais vous dire une chose à propos de ça. Justement comme beaucoup d’artistes maintenant, on travaille aussi avec des clics dans l’oreille. On envoie des samples, des boucles, où c’est très difficile, à ce moment-là, de bouger les structures. J’ai vécu ça parce-que toutes les technologies m’intéressent. Moi qui viens du live toute seule avec ma guitare, à un moment donné, quand j’ai vu des artistes appuyer sur play en envoyant des bandes et jouer par-dessus. Je me suis dit « bah, tiens, moi aussi, j’aimerais que mes cordes on puissent les entendre, j’aimerais que le batteur puisse les lancer et tout ça ». Et j’ai fait la précédente tournée avec pas mal de boucles qu’on lançait. Donc les titres étaient très figés.

Moi, j’avais des clics qui partaient, fallait pas que je me loupe, fallait que je compte mes mesures. Et j’avais même de l’image synchronisée, de moi en train de chanter derrière. Et on a eu des galères de synchro, de machin, il y avait toujours un truc qui allait pas. Moi, je me sentais complètement en laisse. On ne peux même pas dire un mot de plus,, et hop le truc qui part. Je l’ai vécu, c’était une expérience. Je me suis dit « Ok, j’ai voulu le vivre, je le vis jusqu’au bout ».

Mais là, je peux vous dire que quand je suis arrivée sur cet album, quand j’ai travaillé avec mon équipe, je leur disais, alors là, on part sur du live, trois, quatre. Et si je me plante à un moment donné, vous me suivez. Ce sera vivant et ce sera comme ça, voilà, je voulais vraiment être libre.

Pozzo Live :  Est-ce qu’en dehors de la musique vous avez une passion ou un hobbie ? Le dessin donc j’ai cru comprendre.

La Grande Sophie : Le dessin, en fait, comme je vous disais. J’ai remarqué que le fait de redessiner, ça me calmait beaucoup. C’est-à-dire que quand je dessine, j’arrive à m’apaiser. Je prends beaucoup de plaisir, je vois pas les heures passer. J’aime beaucoup faire de l’animation aussi. Je cherche, j’étudie comment je peux faire bouger un personnage et lui donner des dialogues aussi. Ça m’amuse beaucoup, j’y passe parfois beaucoup de temps. J’aime bien aussi, on le voit sur mes réseaux, faire mes montages et mes petits récaps moi-même.

Donc je fais des montages vidéo, j’y passe pas mal de temps. Je suis assez autonome de ce côté-là aussi. Mais ça me plaît en fait. Un petit peu vidéaste sur les bords, youtubeuse comme on dit, comme disent les jeunes.
Pa vraiment youtubeuse, parce que c’est la régularité. Je n’ai pas la régularité d’une youtubeuse. Et je fais attention à ce que ça ne bouffe pas ma vie, surtout. En tout cas, c’est ma parole à moi. Je me dis que personne ne peut retransmettre qui je suis. À partir du moment où je maîtrise quelques technologies, si je peux le faire j’essaie de le faire.

Pozzo Live :  Quel groupe ou artiste vous conseilleriez à Pozzo Live d’interviewer ensuite ?

La Grande Sophie : Écoutez, j’ai envie de spontanément vous répondre, le disque que j’ai écouté hier. Je suis très attentive au parcours des gens. Les parcours m’intéressent beaucoup. Parce que vous savez, c’est très facile de faire un premier, un deuxième album. Après, c’est plus compliqué. Avoir une carrière, c’est plus compliqué. Et donc, je suis très touchée par les parcours. J’ai envie de vous dire, hier j’ai écouté le nouvel album de Jil Caplan. C’est une artiste que j’ai écoutée fin des années 80.

Elle avait des superbes tubes. J’aimais bien sa musique. Après, on l’a un peu moins vue. Pourtant, elle a continué à écrire de belles chansons. Et là, elle sort un nouvel album. Et je l’ai trouvé plutôt bien son album. Même bien, je le conseille, je l’ai conseillé sur mes réseaux. Il a été réalisé par une artiste que je connais, une femme, guitariste et elle-même chanteuse qui s’appelle Émilie Marsh. Donc, elles ont fait un travail comme ça, en binôme, entre filles, que je trouve très intéressant. Et voilà, donc elle sort son album, il vient de sortir. Et j’ai eu envie de l’écouter. Donc, je me dis, si vous avez envie d’aller l’interviewer, elle aura plein de choses intéressantes à vous dire.

Interview réalisée en visio le 21 septembre 2023. Retrouvez toutes nos autres interviews.
Photo d’illustration :  Jules Faure

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