On continue notre exploration de la programmation de Bourges 2022 avec un nouveau talent du rap : Ekloz. Après sept années d’expérimentation et deux albums, cette artiste sétoise revient plus sereine et plus affirmée que jamais. Quelques jours avant la sortie de son troisième album, nous avons eu l’occasion de discuter avec elle. Retour sur notre échange lors du Printemps de Bourges.

Ekloz Printemps de Bourges Interview

Lisa: Ton dernier clip est sorti hier et il y a eu pas mal de retours positifs. Est ce que tu as pu lire le retour de ton public, ses commentaires ? 

Ekloz : Ouais, ça fait un petit moment que je le fais sur scène ce morceau. J’avais déjà eu le test de le tester. Je sais qu’il y en a qui attendaient qu’il sorte. Du coup, c’est cool, c’est un peu plus officiel, ça renvoie bien au morceau.

LA TRILOGIE RÉSILIENCE

Lisa : Super. Et donc tu as ton prochain album, Résilience III, qui sort le 28 avril. Qu’est-ce que tu as voulu apporter de différent dans cet album ? 

Ekloz : Ce projet est particulier parce que ça fait 5 ans que je fais de la musique – enfin 7 ans, mais 5 ans que je le fais professionnellement. Du coup, j’ai sorti cinq projets. Je vois plus les années qui sont passées comme un terrain d’expérimentation. Et là, ce projet là, il vient vraiment créer une identité musicale, visuelle. Il vient un peu clôturer tout ce qui a été, il ouvre beaucoup sur ce qui va être après. C’est vraiment un projet important celui-là.

Lisa : OK, c’est un peu la conclusion de toutes les leçons que t’as apprises pendant ces années-là d’expérimentation. Et tu l’as appelé Volume III, donc je vois ça comme une trilogie. Quel est le fil conducteur de ses trois albums ? 

Ekloz : Déjà, il est bâti sur le concept de la résilience. En fait, le premier projet est né en plein milieu du confinement. J’avais pas du tout prévu que ce soit ça, ni sous cette forme. Le projet devait s’appeler Parenthèse, parce que c’était un peu une parenthèse dans ma life et je me suis dit “on est bloqué, on peut rien faire”. Donc ce sera le petit projet parenthèse le temps de reprendre. Mais le COVID a duré, on avait pas trop de visibilité sur le long terme et j’avais pas mal de morceaux prêts pour un projet d’après. Et tant qu’à y être, on rebondit sur ça, sur la résilience, savoir prendre le temps pour se projeter. C’était un peu pour terminer le parcours initiatique que j’avais commencé.

DES RÉFÉRENCES AU 7ÈME ART

Lisa : Du coup pour les deux premiers Résilience, tes pochettes d’albums font référence à Tarantino. D’où t’est venue cette idée, cette influence ? 

Ekloz Résilience rap

Ekloz : Il y a eu pas mal de hasard en vérité. Donc l’album devait s’appeler parenthèse. On était parti sur totalement autre chose sur la cover. Et puis au dernier moment, je dis non, ça va pas, j’aime pas. Et en parlant avec mon photographe, on se dit que c’est la résilience, c’est le fait de rebondir. Du coup on voulait faire une cover avec un trampoline, puis il me dit “viens, on t’attache en l’air, tu sautes”. Et de là on est parti sur Tarantino et on se dit qu’on allait faire des ref’ et que visuellement ça allait choquer des gens.

Lisa : Et donc le deuxième, c’est une référence à Boulevard de la Mort. Qu’est-ce que ça symboliserait ? Ta revanche sur le rap masculin ou alors tu voulais montrer que t’avais de la hargne ?

Ekloz : C’est la revanche sur moi-même, tu vois. Toutes ces années où tu le fais, mais t’y crois pas trop. Et là tu te dis “vas-y, je suis capable aujourd’hui”. J’écrase. J’écrase dans celui-là. Le troisième il est plus serein, j’ai plus besoin de mettre des épées ou des voitures qui écrasent les gens pour affirmer ce que je fais, ce que je suis. Résilience III, c’est moi, vous en faites ce que vous voulez.

Ekloz Résilience Volume 2 rap

Lisa : Et le troisième volume aura aussi une pochette cinématographique ?

Ekloz : Je voulais. Au début, on cherchait, mais on se cassait trop la tête. Tant mieux si les deux premiers ont été des ref’, mais du coup non, on allait pas vers ça et je me suis dit que c’était pas grave.

« J’ÉCRIRAI TOUTE MA VIE »

Lisa : Dans ton titre Dimension, tu dis “Les mots se font rares et maudit soit celui qui va les malmener”. Est-ce que tu déplores la perte de qualité dans le rap ? Et est-ce que c’est donc un soin particulier que tu apportes dans ta musique, le travail sur l’écriture ?

Ekloz : Ouais, moi l’écriture, c’est vraiment au centre de ce que je fais. J’aime la belle écriture. Je pense que j’écrirai toute ma vie, même si c’est pas du rap. C’est pas quelque chose que je déplore parce que chacun son art. En vérité, musicalement, c’est hyper varié ce qu’on peut proposer aujourd’hui. Et j’écoute pas des philosophes non plus. La musique c’est aussi fait pour être vécu. Je pense que de toute façon, chaque texte parle à tout le monde. Mais moi en tout cas, au centre de ma musique, c’est trop important. Je fais attention à mon écriture.

Lisa : Justement, j’avais vu que tu écrivais des poèmes quand tu étais plus jeune. Apparemment, tu as même écrit un poème sur Sarkozy. *rire* Quand est-ce que tu t’es rendu compte que tu pouvais transposer l’écriture dans ta carrière ?

Ekloz : En fait, c’est le rap qui m’a pris, ça s’est bien associé. Je me suis pas dit “Ouais, j’ai envie d’écrire”. Ça a été spontané, je me suis dit “wah, le rap c’est trop bien” et tu peux aussi l’écrire. Tu vois, je kiffais faire les dissert’, les trucs comme ça. J’ai trouvé la bonne formule qui me va avec le rap. Je me suis pas plus posée de questions.

LE DERNIER ALBUM COUP DE COEUR ?

Lisa : J’avais lu aussi que tu avais demandé comme cadeau de Noël l’album de Diam’s. Et là, tu t’es pris une claque. Quel est le dernier album qui t’a mis une claque ?

Ekloz : Le dernier album qui m’a mis une claque, c’est celui de Sheldon, celui de la 75ème session. Textuellement, dans les mélo… Enfin, tout est minutieux. C’est un travail d’orfèvre. Celui de Zamdane aussi, je me suis pris une bonne claque.

Il y a de bons albums cette année, 2022 c’est chargé *rire*.

L’AMOUR DE LA SCÈNE

Lisa : Dans une interview de 2019, tu disais que ce que tu aimais vraiment, c’était la scène. Quand tu composes des chansons, est-ce que tu penses à ce que ça rendrait sur scène en même temps que tu les écris ? 

Ekloz : Il y a eu différentes phases en fait. Avant, j’écrivais vraiment que pour la scène. Je kiffais la vraie vie du rap, j’ai connu ça avec les freestyles, les open mic. J’ai toujours écrit pour la performance. Tu te dis que tu vas arriver avec le prochain texte et que ça va choquer. J’ai rapidement fait des concerts et ce truc de scène a toujours été là jusqu’au confinement. Là, je me suis retrouvée face à moi-même et je me suis demandé pour qui j’écrivais, comment je ferais si je pouvais pas faire mes morceaux sur scène. Je suis passée par un truc beaucoup plus intimiste, qui a eu beaucoup d’impact dans ce que je fais aujourd’hui. J’ai dû re-transposer tous ces morceaux et refaire un vrai travail pour les amener sur scène. En fait, j’avais jamais eu de coupure avant, je les écrivais, je les testais et j’enchaînais. Donc j’ai dû faire un véritable travail sur ça. Maintenant les concerts ont repris. Autant je peux bosser sur des tracts très intimistes, comme quand j’étais en période de confinement. Mais autant, là, je réfléchis vraiment à ce que j’ai envie d’apporter scéniquement, ce que j’ai envie de porter quand je suis devant les gens.

Ekloz résilience III
LES VALEURS DU HIP-HOP

Lisa : Avant tu disais que le mouvement hip hop s’était un peu perdu. Je voulais savoir ce que t’entendais exactement par là. Et toi, comment tu voudrais contribuer à la renaissance de ce mouvement ? 

Ekloz : Je sais pas quand j’ai dit ça, je pense que c’était il y a longtemps. C’est vrai que j’ai eu plusieurs phases et je pense que j’ai pris pas mal de maturité sur comment je vois la musique. Il y a le mouvement, il y a l’industrie, il y a la musique purement. Les trois marchent indépendamment mais quand même ensemble. Je pense que ce que j’entends par le mouvement hip-hop, c’est le côté des valeurs, du partage, des choses que tu trouves peut-être un peu plus en indé. De dire “nique sa mère, t’as pas trop de followers mais j’aime trop ce que tu fais, viens on fait un son”. Cet esprit-là se perd un peu. Après, c’est hyper personnel, ça dépend vraiment des cercles. Mais moi j’ai envie de ramener un peu d’humanité dans le rap. En mode “moi, je suis comme ça”. La musique et moi, c’est parfois un peu dissocié mais ça reste la même personne. Quand je suis l’autre sur scène, qu’il y a ce personnage un peu détestable, ce sont des traits de caractère que tu retrouves chez les gens de tous les jours.

On est tous humains. Venez, on se respecte, on propose des projets. Venez, on kiffe. 

LE PARTAGE, LE RESPECT

Ekloz : Ce truc de “j’aime pas ce que tu fais, mais je respecte”. Ou “t’es fort, ça me parle pas, mais t’es fort”. Je kiffe ces connexions-là. Des gens qui ont le respect du mouvement justement, qui se disent “ouais t’es un charbonneur, dans le milieu t’apportes ça”. Même si c’est pas forcément ma came, je suis prête à bosser avec des gens parce qu’il y a un engouement, une énergie qui fait que ça marche. Et t’as envie de pousser ce projet-là, tu vois. Comme je pourrais me retrouver sur des projets qui sont pas forcément du rap, parce que ça me parle et que les gens sont cool, l’énergie passe.

L’art digital

Lisa : Dernière question ! Quel artiste de la programmation de Bourges tu nous recommanderais d’interviewer ? 

Ekloz : Je suis une grande fan de Laylow, du coup je te dirais ça.

Lisa : C’est marrant que tu dises ça parce que quand j’ai écouté certains de tes sons et surtout vu les clips, ça m’a fait penser au côté digital de Laylow.

Ekloz : Ça me va très bien !

EN BREF

Ekloz est une rappeuse qui nous promet une belle évolution, sa musique gagnant en profondeur et en maturité au fil des années. Son dernier album, Résilience Vol. 3, est sorti le 28 avril : c’est par ici l’écoute !

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