La semaine dernière nous avons pu parler avec Kevin Ratajczak, chanteur et claviériste du groupe metalcore allemand Eskimo Callboy, pour parler de la sortie de leur cinquième album : Rehab. On a aussi pu parler de la tournée à venir et de musique en général, avec en point d’orgue une anecdote incroyable. Attachez vos ceintures, ça va secouer !

Pozzo Live : Salut Kevin, comment ça va ?

Kavin Ratajczak (chant) : Je vais bien. Je suis un peu malade mais je suis presque guéri. En ce moment en Allemagne, le temps est entre bon et mauvais en même temps, donc quand tu t’habilles comme en été t’as mal à la gorge, et tu tousses, tu vois. Mais sinon, ça va ! Je reviens du studio où on a fait du boulot promotionnel pour la sortie de l’album, et on a parlé de trucs pour la tournée. C’était pas vraiment du boulot mais on a parlé de pas mal de trucs. Donc ça va super.

PL : Rehab sort le 1er novembre, peux-tu nous parler un peu de comment il a été fait ?

Kevin : Pour être honnête, c’était plus dur que n’importe lequel des albums précédents. On a toujours une sorte de pression sur nous quand on sort un nouvel album. D’un côté t’es un musicien et un mec créatif qui veut sortir de la musique, mais c’est quelque chose qui n’est pas basé sur les opinions et les retours autour de toi, mais plutôt sur ce que t’aimes à ce moment précis. Donc quand on écrit un nouveau morceau je me demande ce qu’on aime, notre musique préférée du moment, et ce qui nous intéresse. D’un autre côté tu as l’opinion des gens, des fans. Et ce qu’ils attendent de toi. C’est toujours quelque chose que tu dois garder en équilibre. Et cette fois c’était un peu plus dur parce qu’il y avait beaucoup d’opinions différentes dans le groupe, à propos de comment on devrait continuer. On a commencé comme un groupe d’electronic core très « hard », mais des années ont passé et on a vieilli, et maintenant on n’aime plus la même musique qu’il y a dix ans. Donc nos goûts musicaux ont changé, ainsi que notre processus créatif. Donc quand on sort de la nouvelle musique, c’est supposé être quelque chose de nouveau. Et à chaque fois qu’on essayait un nouveau breakdown ou une chanson pour mosher, tout ça, on sentait que ça avait déjà été fait. Tu commences un moment de mosh et tu te dis « oh, on l’a déjà fait ». Plusieurs fois, et tous les autres groupes du monde l’ont eu avant, et on veut créer quelque chose de nouveau. Quelque chose qui nous touche. Donc pour Rehab, et c’est d’ailleurs en gros une raison pour nous de l’appeler Rehab, il y avait beaucoup de hauts et de bas. On s’est dit « on emmerde les gens, faisons ce qu’on veut et ce qu’on aime faire », mais en même temps on a besoin de cette saveur « Eskimo Callboy » dans notre musique. Donc ça diffère beaucoup de chanson en chanson. Aucune ne ressemble à une autre, et ça a rendu le processus beaucoup plus difficile, on s’est beaucoup plus disputés qu’auparavant, mais au final on est très satisfaits.

PL : Votre son sur Rehab est ultra moderne, quelles ont été vos inspirations principales ?

Kevin : On écoute tous beaucoup de musique, et de styles différents. C’est tout ce qui nous influence, et parler de groupes en particulier est toujours compliqué, mais on écoute de la musique electro, du rock moderne, de la pop moderne, et comme tu le vois tous les groupes chauds en ce moment, comme Bring Me The Horizon, ou autres. Et tous ces groupes ont beaucoup changé ces deux dernières années, et nous aussi. Et je pense que quelle que soit la musique qu’on aime (et je pense que c’est le cas pour tous les musiciens), quand t’écoutes de la musique qui t’inspire, en gros tu mets ça dans ta musique, tu vois ? C’est une histoire d’avoir un style de musique du moment, ça peut être ce que tu veux, et tu t’y mets à fond dedans. Ça fait grandir la musique en général. On a commencé quelque part de la musique classique avec des violons et des cordes, et tout ça… Tout ça fait progresser la musique. Chaque artiste est inspiré par d’autres artistes, et a mis quelque chose de spécial et de très individuel dedans pour faire grandir ça et le faire évoluer. Je crois qu’au final on est un peu un mélange de tout ce qui nous entoure musicalement.

PL : Quelle a été la réponse des fans au nouveau son, parce qu’il y a beaucoup de chansons plus pop que d’habitude comme Prism ou Supernova, quelle a été leur réaction ?

Kevin : C’est une chose intéressante. Il y a tellement d’opinions, et c’est bien qu’il y en ait tant ! Mais beaucoup de fans des débuts d’Eskimo Callboy sont, genre, « OK, en gros c’est de la bonne musique, mais ce n’est pas mon style de musique ». Il y a des commentaires comme ça, et ça c’est quelque chose que je peux carrément respecter et tolérer. Les goûts musicaux et les goûts en général sont différents d’une personne à une autre et c’est quelque chose que je peux absolument tolérer, et comprendre. Ce que je ne comprend pas c’est quand les gens disent que c’est de la pure merde. Il y a tellement de travail qu’on a mis dedans, il faut au moins que ce soit respecté. Et je dirais qu’il y a tellement d’opinions différentes sur nos nouvelles chansons. Il y en a toujours qui rappellent des débuts, mais d’un autre côté, il y a des chansons très nouvelles comme Prism, ou le premier single qu’on a sorti, Supernova, il y a beaucoup d’usages différents des influences, et le truc c’est qu’en ce moment quand je reçois des messages sur Instagram, Facebook ou n’importe où, des gens que je n’ai jamais vus en concert avant arrivent et disent « eh c’est de la musique cool, j’ai jamais entendu parler de vous avant, mais cette chanson est géniale ». Et pour être honnête, tout le monde va de l’avant et on ne peut pas toujours rester en contact avec les gens qu’on a connu avant. Je vais te dire, une chose est très importante pour un musicien, c’est d’être soi-même. Ne te méprends pas, j’apprécie toujours tout le monde qui nous ont supporté tout du long, mais si je fais juste de la musique pour ces gens et si moi personnellement, je n’aime pas la musique, alors ça n’a pas de sens pour moi. Donc je peux juste faire de la musique que j’aime et espérer qu’il y ait assez de monde là dehors qui l’aime aussi. Et les commentaires diffèrent. Je regarde toujours les vues sur Youtube et je vois les pouces vers le haut et vers le bas, et il y a beaucoup plus de pouces vers le haut que vers le bas, donc je suis content de ça. Et quand je regarde les commentaires je vois beaucoup de haine bien sûr, parce que je comprends que les gens se disent « oh mince, c’était mon groupe préféré », mais ce qui est plus intéressant c’est qu’il y a plus de monde qui dit « eh, j’aime votre nouveau son, et même si je n’aime pas autant que la musique d’avant, je vous respecte car c’est de la bonne musique, ce n’est pas mon style préféré mais je peux la respecter en tant que tel ». C’est quelque chose au milieu, mais on attend le feedback général de l’album quand il sortira la semaine prochaine.

PL : Je peux carrément voir un changement dans la scène metalcore, entre vous, Bring Me The Horizon, Deez Nuts… Vous utilisez de plus en plus d’éléments de pop et de pop punk, qu’en pensez-vous ?

Kevin : C’est exactement ce que je voulais dire. C’est comme la mode par exemple, les gens s’ennuient au bout d’un moment, ils veulent changer, ils veulent que les choses changent. C’est comme quand il fait super chaud dehors et que je sue toute la journée, j’aimerais qu’il y ait de la neige. Et quand il a neigé depuis trop longtemps, j’espère qu’ils fasse beau. Donc je pense que dans la musique c’est quelque chose comme ça. Tout le monde a tenté d’ajouter ses propres ingrédients à la musique qui est sur le marché et la rendre meilleure, la rendre plus hard, rendre les parties mosh plus hard, tu vois, on a commencé par le death metal puis il y a eu le deathcore, plus hard, plus profond, plus de croissance. Et je pense que tous les groupes, pas juste nous, tous les groupes sont arrivés à un point où on ne peut pas faire plus hard, où tu ne pouvais pas mettre plus de quoi que ce soit à la musique, et c’est là où il y a un virage en style de musique, c’est là que c’est chiant de faire encore la même chose. Donc on est à ce point où tous les groupes sont en mode « ok on a essayé d’aller plus hard, mais c’est juste chiant, donc essayons un style différent, quelque chose de nouveau ». Bien sûr, la musique qu’on a fait, on a pas réinventé la roue. La musique qu’on fait a toujours été là genre il y a 10 ans ou je ne sais quand. Mais c’est quelque chose de frais, pas seulement chez nous, mais chez tous les groupes là dehors. Genre comme tu dis, Deez Nuts, par exemple, la nouvelle chanson de Deez Nuts est plutôt cool ! C’est quelque chose de différent mais c’est cool ! Et Bring Me The Horizon… Tellement de chansons cool et tellement d’idées cool ! Je dirais qu’on connait bien beaucoup de parties de ce que Bring Me The Horizon ont amené, mais il y a quelques petites parties dans leur musique qui sont fraîches et nouvelles ! Et c’est quelque chose qui nous fait avancer, et c’est exactement ce qu’on essaie de faire en ce moment. Ça te fait te sentir mieux de faire quelque chose de différent. En Allemagne il y a un dicton qui dit « stillstand ist der tot » ce qui veut dire en gros « celui qui ne bouge pas meurt », tu vois ?

PL : Je pense que Made By America est un des morceaux les plus sombres de cet album. Et il m’a pas mal fait réfléchir. Comment penses-tu que l’on devrait se distancier de l’influence des Etats-Unis ?

Kevin : Oui, c’est exactement ce qu’on voulait dire. C’est cool que tu comprennes la chanson de la bonne manière, car c’est très dur à faire ! Car tout ce que l’on touche dans nos vies de tous les jours est connecté d’une manière ou d’une autre à l’Amérique, c’est une grande nation, ils nous influencent de toutes les manières imaginables, que ce soit quand on ouvre nos téléphones, quand je vais sur Instagram ou les autres réseaux sociaux, partout je vois des influenceurs des Etats Unis, tu vois. Mais la chose qu’on doit se demander c’est si ce grand pays, si l’Amérique, et ce n’est pas une question à laquelle on essaie de répondre, on reste neutres, mais est-ce quelque chose qu’on devrait rechercher ou est-ce quelque chose dont on n’a même pas besoin, tous ces standards qu’on voit sur Instagram… Regarde juste tous les gens essayant d’être beaux ! On dirait qu’il n’y a que de la perfection sur les réseaux sociaux ! Et je pense que quand une fille de 14 ans utilise Instagram et voit toutes ces personnes visiblement parfaites… C’est toujours photoshopé et tout bien sûr, et corrigé, mais une fille de 14 ans ne peut pas le savoir. Donc est-ce une bonne influence ? Je ne sais pas. Et c’est exactement ce dont parle la chanson. Mais pas seulement les réseaux sociaux et Instagram, mais aussi beaucoup de choses par lesquelles on est influencés. On poursuit des objectifs, peu importes lesquels ils sont. Et ça nous lie aux Etats Unis, donc c’est comment je comprends cette chansons, et ce que, je pense, cette chanson raconte.

PL : Vous avez mentionné que vous avez travaillé un peu sur la tournée aujourd’hui, que devrait-on attendre sur la tournée Rehab ?

Kevin : C’est notre dixième anniversaire en tant qu’Eskimo Callboy et notre sixième année à tourner intensément, et on essaie toujours de nous améliorer. Donc pour nous ça veut dire toujours acheter des trucs nouveaux, de nouveaux murs de LED etc. Bien sûr ça coûte beaucoup d’argent, et on doit pouvoir se le payer, mais ce qu’on essaie surtout de faire c’est éviter d’utiliser trop de backing tracks. Je me souviens d’un temps quand je commençais la musique il y a 15-20 ans, où j’avais fait un concours de groupes dans ma ville natale, et on avait juste un sample, un infrabasse. J’avais un générateur de samples et je pouvais juste pousser un bouton pour avoir une infrabasse profonde. Très simplement. Et ils nous ont dit « vous ne pouvez pas l’utiliser puisque ce n’est pas en live, c’est préenregistré et vous n’êtes pas censé l’utiliser ». Et à ce moment là, tous les groupes utilisaient des backing tracks en excès. Tous les groupes, même ceux pour lesquels tu ne l’imaginerais pas. Tout le monde et pas seulement dans des samples mineurs, mais aussi pour la voix, pour les guitares, pour tout ce que tu peux imaginer. Et c’était cool tant que tout le monde sur scène faisait quelque chose. Tout le monde sur scène avait des instruments et il y avait des sons supplémentaires sur des backing tracks, ça c’était cool pour moi. Mais quand ils utilisaient des backing tracks en restant sur scène à ne rien faire, c’était ridicule. Et sur la précédente tournée on avait tous un boulot sur scène et nos backing tracks étaient ajoutées par dessus, et notre musique est très électronique, mais on essaie d’être plus en live à nouveau. Donc je serai au synthé pour certaines chansons, je vais essayer de jouer en live les parties synthé. Et on va minimiser les parties backing tracks. Et comme je l’ai dit on bosse sur des murs de LED, et on bosse sur des vidéos cool projetées sur ces écrans. Et on pense au concept live, avec nos jeux de lumières, on pense aux guitares, aux chansons qu’on mettra sur la setlist… On jouera des vieilles chansons, même si bien sûr on jouera les nouvelles, on essaie de changer quelques chansons et de jouer de vieilles chansons qu’on n’a pas jouées depuis longtemps par exemple, c’est en gros le boulot qu’on a en ce moment, avant que la tournée ne commence.

PL : Vous devenez énormes en Russie et bien sûr en Allemagne. Quels sont les plans pour conquérir la France ?

Kevin : Je ne veux pas appeler les pays qu’on visite des marchés, mais c’est le terme qu’utilise notre booker, et la France, parfois, c’est un marché difficile. Avec notre style de musique on dirait que c’est difficile de rassembler en France. Les gens en France ne nous connaissent pas trop donc on vient jouer des petits shows, pour essayer de se faire connaître par les gens en les invitant à venir en leur demandant de passer, d’écouter notre musique etc. Et on a joué 2 ou 3 fois à Paris, une fois dans le cadre du festival Impericon sous un chapiteau, c’était cool. Il y avait Emmure et plein d’autres groupes géniaux avec nous. Et je pense que c’était très fun à chaque fois ! Donc on a joué à cette salle près du Moulin Rouge, et c’était plein ! Première fois à Paris, et c’était trop cool ! Donc on essaie de revenir autant que possible. Donc c’est les plans. Et bien sûr quand je te parle et que ton interview sortira sur la plateforme, les gens pourront nous lire, écouter notre musique… Donc c’est toujours un pays sur lequel on travaille, où on essaie d’être de plus en plus gros.

PL : As-tu une anecdote de tournée que tu voudrais nous raconter ?

Kevin : Laisse moi réfléchir à une que je peux te dire sans avoir d’ennuis ensuite (rire) ! Il y a toujours beaucoup de trucs qui se passent ! On était dans un super bus et une fois on a eu un anniversaire, je ne sais plus de qui. Mais je crois que c’était quelqu’un de notre équipe. Et il y a tout le temps une « lounge » à l’arrière des bus, avec une télé et tout ce que tu peux imaginer, et sur cet anniversaire on a décidé… On était un peu bourrés pour être honnête ! Et à cet anniversaire on a pensé que ce serait une bonne idée de se mettre à poil. Donc tout le monde a enlevé son pantalon, et disons que c’était 15 mecs assis côte à côte complètement nus en buvant du whisky et de la bière. C’était marrant ! On écoutait de la musique, on avait interdit tout usage de téléphone ou de caméras… Et c’était fun ! On a dû traverser une frontière, ce qu’on ne savait pas à ce moment là. Et à un moment, la porte s’est ouverte et la douane est entrée dans le bus, regardant 15 mecs à poil. Et c’était genre « contrôle des frontière, vos passeports s’il vous plaît » et on était genre « merde » ! Donc 15 mecs à poil sont allés vers leurs couchettes chercher leurs fringues. Et il a dû penser qu’on avait une soirée gang bang à l’arrière. Mais c’était marrant ! C’était une des histoires marrantes de tournée (rire) !

PL : Y a-t-il un DJ techno ou electro que tu écoutes beaucoup en ce moment ?

Kevin : Je suis un grand fan de Ookay des USA, c’est un DJ cool qui fait des sons traps, et j’aime bien ça. Et bien sûr, Timmy Trumpet. Je l’ai vu en live, et j’ai vu Timmy Trumpet, je sais pas si tu connais mais c’est plutôt cool. Timmy Trumpet était cool, et laisse moi réfléchir… Il y a des mecs allemands que j’aime bien aussi, Drunken Masters est leur nom. Et ils ont joué un festival et ont fait l’aftershow et c’était cool. On est allés sur scène avec les mecs parce qu’on les connaît, et boire des bières sur scène était génial. Donc ce sont les trois que je peux nommer maintenant.

PL : Enfin, y a-t-il un groupe ou un artiste que tu penses qu’on devrait interviewer ensuite ?

Kevin : N’importe lequel ou dans notre genre ?

PL : N’importe lequel !

Kevin : Laisse moi réfléchir, qui est cool ? Avez-vous déjà eu Marcus de Northlane ?

PL : Pas encore ! 

Kevin : C’est un mec cool ! Je l’ai rencontré au Impericon Festival. Je sais pas s’il se souvient de moi mais on a parlé et j’aime bien son groupe, Northlane. Et je crois qu’ils viennent d’Australie, ils sont cool. Ou mon groupe préféré allemand, et ils sont de très bons amis à nous, ce serait Any Given Day. Leur chanteur Dennis et leur guitariste Mitch sont super cool. Ils sont parmi nos meilleurs amis de la scène allemande. Donc ces deux groupes je dirais.

Le nouvel album d’Eskimo Callboy, Rehab, est disponible en vente dans les points de vente habituels, et on vous le conseille vivement

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