WE

par Arcade Fire

8.5
sur 10

La fin d’un monde et un nouvel espoir. Un programme convaincant ou une déception pour le retour tant attendu d’Arcade Fire avec We ?

Emblématique d’une renaissance du rock indépendant au début des années 2000. Le groupe montréalais a su dépasser le stade du premier album culte, prouvant leurs talents par des albums profonds et des prestations live puissantes. Le groupe mêle ainsi questionnements sociaux et philosophiques à des morceaux aussi dansants qu’émotionnellement dévastateurs.

Leur mantra est celui du collectif exprimant une douleur cathartique : du deuil sur Funeral à la nostalgie du temps qui passe avec The Suburbs. Les troubles de notre société moderne dans Neon Bible et son influence sur nos identités et rapports humains avec Reflektor. L’approche disco associée à une critique du capitalisme bancal sur Everything Now n’a malheureusement pas eu le même succès.

Sous des contours grandiloquents, Arcade Fire a constamment été une force musicale cherchant au plus profond de nos émotions pour nous libérer de nos peurs et nos doutes. Au contraire de les renier, ils cherchent à les transformer en une force.

I (JE)

Cette joie communicative à crier notre mal-être se retrouve dès le début de We. Avec Age of Anxiety I, nous trouvons des sentiments communs face à un monde en perte de sens. Les paroles intimes se trouvent dans cet entre-deux personnel à Win Butler et nos propres expériences créant une concordance émotionnelle forte.

L’anxiété qu’évoque le titre se retrouve dans cette pulsation cardiaque accompagné par des souffles. La mélodie mélancolique montant en puissance, du piano au synthétiseur, rappelle les meilleurs moments de Reflektor. Une fois le beat lancé, impossible d’échapper au groove lancinant mêlant doutes intérieurs et extériorisation musicale des maux de notre société.

« Gotta get the spirit out of me, this anxiety that’s inside of me. Cause I can’t stop crying and I really think I mean it, but the tears means nothing to me. »

Véritable tour de force dès le premier morceau, on regrette qu’il finisse aussi vite. Age of Anxiety II poursuit cette dynamique, reprenant la douceur du début pour se transformer en satire du besoin superficiel d’acheter. Au fil des fluctuations électroniques style New Order, Arcade Fire forme la parfaite synthèse entre le second degré d’Everything Now et la crainte existentielle de Reflektor.

« Nothing ever can replace it
When it’s gone you can still taste it
Going on this trip together
Rabbit hole goes on forever »

Après un interlude dispensable, l’imposant End of the Empire I-III représente la mort d’un monde et son renouveau. Celui d’une perte de repères puis d’un espoir, retranscrit par le minimalisme du style folk à la John Lennon suivi d’un glam rock évoquant le fantôme de Bowie sur sa seconde partie. Il finit dans un mouvement doux mais grandiloquent par l’ajout d’un orchestre ainsi que les violons typiques du groupe, apportant ce degré épique à la construction musicale du titre.

Créé après les trois parties, End of the Empire IV en est l’épilogue déprimant. Le refrain « I unsubscribe » résume avec malice et sarcasme le sentiment d’une génération ne sachant plus quoi croire. Qui, malgré la grosseur du trait, permet par un changement mélodique d’y mélanger la perte d’espoir avec celle retrouvé dans l’image du trou noir, Sagittarius A.

WE (NOUS)

Changement de ton avec The Lightning I – II par une introduction qui remet en marche les instruments. La guitare explosive donne le ton de ce morceau empli de fouge et d’énergie. Même structure que les précédents morceaux mais une lumière semble véritablement advenir. La seconde partie, par son changement brusque de tempo, concrétise cela et évoque les moments les plus puissants de leur carrière. Comme les refrains de No Cars Go sur Neon Bible ou les fameux Wake Up et Rebellion (Lies) sur Funeral, cette même énergie passe par des paroles aussi simples que puissantes :

« A day, a week, a month, a year. Every second brings me here.
Waiting on the lightning
Waiting on the light
What will the light bring? »

Nous pourrions voir dans cette approche plus directe des paroles une certaine naïveté. Pourtant, elle ne réduit jamais la profondeur de la musique, la preuve en est avec Unconditional I (Lookout Kid). Écrit pour le fils de Win et Régine, cette comptine est une balade unificatrice sur les affres de la vie. Elle met en garde des dangers à venir mais prouve le pouvoir absolu de l’amour, supplantant le reste. C’est une idée simple de la vie qu’entrevoit le groupe pour y retrouver goût, allant au-delà de l’apparente candeur du refrain.

Unconditional II (Race and Religion) garde la même force émotionnelle sur le terrain disco. On y retrouve une Régine Chassagne qui n’avait pas autant resplendi depuis Sprawl II. Accompagné par le fameux membre de Genesis, Peter Gabriel, ils prennent des rythmiques haïtiennes dans un versant pop vibrant. L’association vocale brille de mille feux sur un morceau célébrant l’Amour au-delà de toutes frontières raciales, politiques ou religieuses qu’il nous tarde de découvrir en concert.

Après le tumulte des sentiments, le repos et la réflexion sur le morceau titre, We. Le contrecoup de cette quête existentielle demande si nous pourrions garder l’espoir si tout était à refaire. Un espoir qui garde en vie, permettant de braver nos problèmes aux quotidiens et de continuer lorsque tout semble perdu, résumé par la dernière phrase :

« When everything ends can we do it again ? »

En 40 minutes, WE fait le tour d’horizon d’une carrière musicale iconique en distillant ses influences dans un message unificateur. Non exempt de défauts, le pari est réussi après un album qui avait divisé les fans grâce à une synthèse de la recette Arcade Fire. Ce projet l’actualise au chaos des dernières années par un maelstrom musical aussi doux qu’explosif. En somme, l’album parfait pour se libérer, pleurer mais surtout danser sans s’arrêter.

 

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WE

par Arcade Fire

8.5
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