Mauvais Ordre

par Lomepal

8
sur 10

C’est après une longue pause de trois ans que Lomepal revient officiellement dans nos oreilles, avec un troisième album intitulé Mauvais Ordre. Il fallait dire que ce break était plus que nécessaire. En effet, avec l’énorme succès de Jeannine, Antoine Valentinelli était présent partout, tout le temps. Cette omniprésence médiatique a pesé lourd sur le moral de l’artiste, mais sera un des thèmes privilégiés de ce nouveau projet.

Ces trois années lui ont permis de compléter une transformation qui était déjà en cours dans Jeannine. Car dans Mauvais Ordre, on ne retrouve plus Lomepal le rappeur, mais plutôt le chanteur pop/rock.

Adieu le rap, bonjour la variEt’ ?

Ça y est, fini le temps des instru boom bap ! Lomepal laisse la place à des sonorités plus pop rock dans Mauvais Ordre. Que ceux qui pensaient le retrouver dans un univers rap passe leur chemin, car Antoine a complété sa transition. Mauvais ordre, intro de l’album, est une très belle entrée en la matière. Il sera d’ailleurs, avec la ballade Crystal, un des morceaux les plus réussis à mes yeux.

Maladie moderne et Tee donnent une place prépondérante à la guitare et Auburn penche encore plus sur le rock avec un riff plutôt sympa. On apprécie cette forte présence de l’acoustique et on a bien hâte de voir le rendu rendre en live, avec des musiciens sur scène. Oui, même si le Lomepal du rap nous manque (on l’entend malgré tout kicker sur Prends ce que tu veux chez moi), on se laisse volontiers bercer par ce nouveau souffle.

DIFFERENTES SONORITÉS, MÊMES PROBLÉMATIQUES

Si Lomepal s’adonne à un nouveau registre dans Mauvais Ordre, il n’a pas pour autant vaincu ses démons, car ces derniers ont la peau dure. Il continue de s’interroger sur son identité, ses relations dysfonctionnelles et son rapport au succès. « Je me suis rendu compte que ce qui m’inspirait, c’était cette quête d’identité, cette solitude, le déni, le fait de chercher, de se poser des questions, de se monter la tête tout seul », se confie-t-il à Franceinfo. Dans Decrescendo par exemple, un piano entêtant fait écho à ses tribulations amoureuses :

Mon dieu, qu’elle me manque
Tout s’éteint decrescendo
Ma terre s’arrêtera bientôt

Mais c’est dans l’interlude Skit il qu’il met le point sur ce qui le tourmente réellement. Dans ce morceau, l’instru est légère, il n’y a pas de chant ou de rap, mais seulement une voix en pleine narration :

Ce mec-là, là, qui arrive avec le même que tout seul et qui, quiQui est à la fois G, tu vois?À la fois fier et toutEt en même temps qui a, qui est très seul
Il réfléchit et, et tout le temps, il se pose des questionsEt il essaie d’aller dans le contact avec les autresMais il sent que chez lui, c’est pas naturel, tu vois?
Une histoire fictive… ou presque

Si on a l’impression d’entendre les confessions de Lomepal dans Mauvais Ordre, l’artiste a néanmoins préféré privilégier la fiction à la réalité pour ce nouveau projet. Il explique de nouveau à Franceinfo : « Je ne voulais surtout pas refaire la même chose, mais plutôt prendre à contre-pied, avec plein de choix comme celui de ne pas raconter ma vie privée directement, de ne pas employer certaines tournures de phrases un peu immatures, que j’avais avant parce qu’elles ne me ressemblent plus ». C’est notamment dans Etna que le côté romanesque est poussé à son paroxysme. En effet, il y met en scène un homme au bord du gouffre suite à un chagrin d’amour. Ce dernier s’est acheté une arme et s’imagine un jour l’utiliser pour laisser libre cours à sa colère et son mal-être :

Mais tu t’es dit qu’j’étais plus l’même
Quand t’as vu mon arme dans l’armoire
Bien oue-j Sherlock, je suis plus l’même
J’me suis acheté un fer
Et je vais faire feu, juste pour voir ce que ça fait

Ce procédé permet ainsi à l’artiste d’exploiter le potentiel extrême de certaines situations quotidienne et donc de créer des sons riches et intenses. C’est lorsque Mauvais Ordre se termine que, finalement, nous nous rapprochons le plus du vrai Lomepal, avec un dernier titre ironiquement intitulé Pour de faux.

Un album à remettre dans le bon ordre ?

Du vrai qui se cache derrière le faux, du faux derrière le vrai… Ce disque serait-il alors un puzzle à recomposer pour en dégager de nouvelles vérités ? Les fans se sont largement penchés sur cette question. Car après tout, dans l’intro Mauvais ordre, Lomepal nous répète : « J’ai mis les bons mots dans le mauvais ordre ». Et il suffit d’ouvrir les oreilles pour repérer des nombreuses références internes à l’album. Dans Maladie moderne par exemple, la phrase « J’sais bien qu’le miel n’existe que grâce au vinaigre » fait un clin d’oeil au morceau précédent, intitulé… Miel et vinaigre. Dans Skit il, il raconte le début d’une histoire amoureuse : « Il rencontre une meuf qui aime les mecs bizarres et, du coup, il la suit et il est en mode « Mais prends ce que tu veux chez moi » ». Ces sept derniers mots font également le lien avec le titre qui précède.

Pourtant, l’album n’est pas à remettre dans le bon ordre. Car, à l’image de la vie, les événements se succèdent parfois de manière chaotique, mais nous amènent toujours au bon endroit, au bon moment. « Le nom de l’album est un concept : chaque chanson parle d’un moment de vie, mais dans le désordre, a expliqué Lomepal à Radio FranceC’est aussi l’idée que faire des mauvais choix peuvent t’amener au bon endroit, comme un besoin de se tromper. J’aime beaucoup cette image. »

Pas besoin donc de faire du bricolage ! Mauvais ordre s’écoute et s’apprécie tel quel, mettant en scène des tranches de vie dans des sonorités pop/rock soignées.

VERDICT ?

Même si le Lomepal qui faisait des Planète Rap nous manque, ce virage vers de nouveaux horions musicaux est très réussi. Les paroles sont travaillées, les instrumentales sont léchées et le vocal de l’artiste s’adapte parfaitement à ces nouvelles exigences. On est en parfaite immersion dans le mental troublé d’un être qui a du mal à trouver sa place et à gérer ses émotions. Le grand bonus, c’est l’omniprésence des instruments acoustiques dans tout l’album : on imagine parfaitement Lomepal interpréter les sons de Mauvais Ordre en concert, accompagné de musiciens.

D’ailleurs, pour ceux qui s’interrogent sur la promotion de l’album, sachez que Lomepal a opéré une stratégie marketing de génie avec sa tournée dite « fantôme ». L’interprète se produit effectivement en France, mais il annonce les concerts le jour-même en laissant un avis Google sur la salle. De quoi intensifier l’engouement de son public, qui était déjà à fond depuis son retour. Alors restez à l’affût de son activité Google !

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Mauvais Ordre

par Lomepal

8
sur 10

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