Homegrown

par Neil Young

8
sur 10

46 ans après, Neil Young a réédité le 19 juin Homegrown, un recueil perdu de chansons d’amour épurées, écrites alors qu’il était au sommet de sa carrière.

40 albums studio, 8 albums live, 4 bandes originales, sans compter une collection de titres rares… Neil Young – principalement connu comme l’un des 4 piliers de Crosby, Stills, Nash & Young – nous abreuve de son folk-rock depuis plus de 50 ans. S’il n’est pas toujours aisé de suivre la carrière d’un auteur-compositeur aussi prolifique, Homegrown a acquis une certaine notoriété au fil des années parmi les fans.

Un album personnel à une époque mouvementée

Tout d’abord, à cause des histoires qui l’entourent. Écrit au lendemain de sa rupture avec sa femme et la mère de ses enfants (l’actrice Carrie Snodgress se serait enfuie en croisière à Hawaï avec son amant), Homegrown aurait dû sortir courant 1975, mais Neil Young lui préféra Tonight’s the Night, plus énergique et propice à un rebonds. Dans Shakey, sa biographie racontée par Jimmy McDonough, l’artiste évoque les chansons qui le composent comme « des bonnes chansons dont [il] peut se passer ». Dans une interview de 1975 au magazine Rolling Stone, il raconte enfin qu’il lui était tout simplement impossible de sortir cet album à l’époque car le souvenir était trop douloureux : « c’était trop personnel – ça m’effrayait« .

Neil Young 1975

L’album est donc composé dans la foulée de la séparation, pendant une tournée dantesque. Qualifiée plus tard par David Crosby de « tournée de la ruine » (doom tour), elle voit le groupe ravager hôtel sur hôtel, n’honore pas ses réservations, détruit ses limousines… Un moyen d’exorciser la pression en quelque sortes. Les relations sont tendues dans le groupe, et Neil Young finit par voyager seul dans un mobilehome pour finir les 24 dates de la tournée, accompagné de son fils Zeke. Ravagé par sa rupture, il livre des prestations très moyennes sur scène, mais écrit pendant la journée au gré du voyage.

De ces sessions, il ressort 12 titres, que l’artiste interprète soit seul avec sa guitare (le piano et l’harmonica sont également de la partie), soit avec des monstres sacrés de l’époque comme Robbie Robertson à la guitare, Tim Drummond à la basse, ou encore Levon Helm (The Band) et Karl Himmel à la batterie. 5 titres avaient déjà été publiés entre 1977 et 1990, soit sur des albums (Love is a Rose, Little Wing, Star of Bethlehem), soit avec son groupe Crazy Horse (Homegrown, White Line). Restent donc 7 inédits portés enfin à la connaissance du public.

Homegrown: simple et à vif

« Je ne m’excuserai pas/La lumière qui brillait dans tes yeux/N’a pas disparu/Elle reviendra bientôt » : Separate Ways ouvre l’album sur une note d’acceptation de la rupture du couple, qui continuera chacun de son côté à élever « son petit garçon« . Un peu plus aboutie, la chanson suivante, Try, réclame malgré tout une seconde chance : « Chérie, la porte est ouverte/Dans mon coeur et je garde espoir/Que tu ne seras pas celle/Qui s’embrouille avec la clé« . On notera l’apparition de la chanteuse Emmylou Harris, également présente sur la chanson de clôture Star of Bethlehem. Sur Mexico, quelques accords de piano accompagnent un Neil Young à la voix écorchée, qu’on imagine parfaitement ruminant dans son salon devant son piano, un whisky à portée de main: « Pourquoi est-il si dur/De s’accrocher à ton amour ». Neil Young Homegrown (fait à la maison), décidément.

Suivent Love is a Rose et Homegrown, avant le grinçant Florida, qui avec ses cordes de piano frottées nous offre une expérience physique de l’hébêtement et du mal-être que l’artiste ressent à l’époque. Un titre assez psychédélique, que le bluesy Kansas vient tempérer avec l’histoire de la rencontre du couple.

Quelques titres rappellent tout de même l’énergie du Tonight’s the Night contemporain de HomeGrown. C’est le cas de We Don’t Smoke It No More, qui relance l’album après le calme de la chanson précédente, mais surtout Vacancy, dans laquelle Neil Young déchaîne sa colère en voyant le regard que lui lance sa future-ex-femme. Entre les deux, l’artiste se met à nu dans White Line, accompagné d’une simple guitare : “Je suis venu vers toi quand j’avais besoin de souffler/Tu as pris mon amour et as voulu l’éprouver”. Le refrain joue sur les doubles sens « Cette vieille ligne blanche est une amie à moi« . Ligne blanche de la route qu’il parcourt, évocation des drogues ? L’interprétation est laissée libre à l’auditeur de l’une des meilleures chansons de l’album, qui finit avec les déjà connues Little Wing et Star of Bethlehem.

Un rappel des débuts de Neil Young

Neil Young Homegrown

Neil Young en 1975. Henry Diltz

Homegrown n’est qu’une demie découverte pour les fans, puisque tous les titres ont été joués au moins une fois sur scène. Assez varié stylistiquement, on y retrouve ce qui fait pour moi la force de Neil Young : des textes simples et bien racontés, des mélodies simples qui viennent les sublimer, et ce sentiment que quelques vérités simples de la vie nous sont distillées au passage. Un rappel de l’icône post-hippie des années 1970, qui nous offre des visions fugaces de son intériorité, qui aime nous rappeler qu’il n’est jamais autant à l’aise que quand il est sur la route. Des confessions livrées sous format court (rarement plus de 3 minutes), qu’on prend plaisir à écouter et à ré-écouter, perdu dans sa rêverie au soleil sur le balcon.

Vous pouvez retrouver toutes nos interviews ici. Pour nos chroniques, ça se passe .

Homegrown

par Neil Young

8
sur 10

Vous allez aimer !