Nous avons récemment pu échanger longuement avec Ravn de 1349 à propos de leur nouvel album, le sombre The Infernal Pathway. Nous avons aussi pu parler de l’état du black metal aujourd’hui et de la future tournée avec Abbath, et il nous a même posé une question à la fin ! Bonne lecture !

Pozzo Live : Bonjour Ravn, ça va ?

Ravn : Je vais bien, et toi ?

PL : Moi aussi ! Votre nouvel album, The Infernal Pathway sort le 18 octobre prochain. Pourriez-vous nous dire ce que cet album représente pour vous ?

Ravn : Ca représente notre plus bel effort jusque là de notre carrière, c’est le travail que l’on a fait dont on est le plus fiers. On a essayé d’évoluer et de nous développer en tant que musiciens sur chaque album, et d’emmener les choses aussi loin que possible musicalement, en composant et sur l’aspect des paroles aussi, ainsi que d’un point de vue visuel et de son, on pousse toujours plus loin. Et aujourd’hui, ce nouvel album est notre meilleur. On a réussi à notre tâche, en gros ! (rires)

PL : Je l’aime beaucoup effectivement ! Comment s’est-il mis en place ?

Ravn : Merci ! C’est toujours un processus émotionnel de faire un album. Parce que pour n’importe quel art tu y mets ton cœur et ton âme, et tu es très vulnérable en le faisant. C’est émotionnel, et tu apprends et tu gagnes en expérience, ce qui aide évidemment. Et ce qui nous a le plus appris c’est de continuer à travailler avec Jared Prichard. Il a été notre ingénieur du son live depuis des années quand on tournait aux US, et on l’a ramené pour les sessions de Massive Cauldron Of Chaos, et c’était un énorme bénéfice. On adore vraiment travailler avec lui en studio aussi bien qu’en situation live. Mais ses connaissances techniques et musicales ont vraiment sorti le meilleur de nous et il nous connait très bien après toutes ces années de tournée. Cette relation s’est montrée hautement bénéfique et avec The Infernal Pathway on a décidé de travailler de nouveau avec lui. Pour le citer, il a dit « maintenant que vous me ramenez pour la deuxième fois, je sais vraiment à quoi m’attendre donc je serai bien préparé », parce que (rire) la première fois qu’il est venu en studio, il avait du mal à travailler, parce que travailler en studio c’est toujours quelque chose qu’on devine un peu, et je pense que Massive Cauldron Of Chaos a vraiment rempli toutes les attentes qu’on avait envers lui. Mais sa technique est si supérieure à la notre, tu peux lui explique quelque chose et en gros il le réinterprète techniquement ! Donc par dessus tout il est un super guitariste aussi, sa capacité à entendre l’accordage et tout ce qui a à voir avec la musique, toute ses qualités, ça a beaucoup aidé le processus qui est devenu plus fluide. J’ai pas besoin de me poser tout le temps à écouter les enregistrement pour l’editing ou les choses comme ça, parce qu’il sait, il fait ce travail donc ça me libère beaucoup de temps et d’espace, et le but ultime c’est que ça aide niveau créativité. On a toujours toujours quelque chose derrière la tête quand on enregistre un album, et si on peut libérer cet espace mental et le mettre dans la performance, c’est bénéfique ! Donc j’aime vraiment travailler avec lui, et je ne vois pas de raison de ne pas l’inclure si on fait un autre album ou n’importe quelle autre projet musical. Il est une ressource énorme, tu vois.

PL : D’habitude vous écrivez comment ?

Ravn : En gros on a fait comme on avait fait pour Massive Cauldron Of Chaos, ça commence par Archaon qui est le compositeur principal, il a des idées et il vient me voir, on enregistre chez moi, j’ai un studio monté ici. Ensuite on enregistre les parties guitares, et s’il y a des parties de batterie spécifiques ou des suggestions de batterie on programme une boîte à rythme. Ensuite c’est partagé avec les autres, et on écoute tous, et ça dure pendant quelques temps jusqu’à ce qu’on ait assez de schémas de chansons, et Frost et Archaon commencent à se voir dans la salle de répétition, et ils commencent à sortir la moitié des chansons, la guitare et la batterie en gros sont les premières choses qui sont commencées. Les choses peuvent changer pendant le processus, mais en gros la base est faite pendant ces sessions. Ensuite, quand ils pensent qu’ils ont fini avec les chansons, ils font un enregistrement des répétitions sur un téléphone, et nous le partagent, et je commence à préparer les paroles, ou les idées de paroles, et Seidemann commence ses lignes de basse. En gros on a juste répété tous seuls la plupart du temps. On a pas fait de vraies répétitions de groupe c’était plutôt genre « voilà la guitare et la batterie » et on répétait un peu tous seuls chacun dans son coin, et tout est assemblé ensuite en studio.

PL : Pour cet album, vous semblez plus en contrôle de votre puissance, en faisant une puissance modérée mais chirurgicale. Vouliez-vous avoir un son plus accessible ou est-ce le résultat d’un gain d’expérience en tant que groupe ?

Ravn : Eh bien accessible, je ne sais pas (rires). Je pense que c’est juste plus contrôlé, je pense que c’est une question de perspective, mais ça a aussi avoir avec la production. Par exemple la production de la batterie sur cet album. Nous n’avions jamais une production aussi propre et entendre tous les détails et ressentir convenablement toute la puissance (non pas qu’on ne l’aie pas ressentie avant) mais cette fois il y a ce truc en plus dans le style de batterie de Frost et cette énergie. C’est, je pense, l’évolution qui fait ça. On n’imagine jamais les choses en termes d’accessibilité. Ça ne serait pas juste pour nous et ça ne serait en quelque sorte pas juste pour nos fans. Si tu es fan de 1349, tu es fan de ce qui sort du groupe, et on doit faire de la musique pour nous-mêmes avant tout. 1349 n’est pas quelque chose qui nous permet de vivre, tu sais. Financièrement on est pas dépendants. Ce n’est pas ce qui nous permet de subvenir à nos moyens. On a cette façon artistique de faire ce qu’on veut, les seuls qui peuvent vraiment s’énerver sur nous c’est notre maison de disque, ou notre label. Ils veulent récupérer leur argent de l’investissement dans le studio (rire). D’une certaine façon, on est dans une bonne situation, puisqu’on a la liberté artistique de faire ce que l’on veut. Et par ailleurs, le point négatif est évidemment que la plupart d’entre nous, à part Frost (puisqu’il joue aussi dans un autre groupe), les autres on a besoin d’avoir des boulots à côté donc je dois gérer mon emploi du temps après le groupe, ce qui n’est pas toujours très facile pour nous tous. Il y a des bons et des mauvais côtés à tout dans la vie en général. Et être dans un groupe, c’est comme n’importe quelle relation, il y a des hauts et des bas et des bons et des mauvais côtés. Tu dois juste faire du mieux que tu peux. On réussit à le faire depuis 20 ans donc on espère continuer, en gros.

PL : Et comment gérez-vous le temps entre votre travail et 1349 ?

Ravn : Je suis à mon propre compte, donc ce n’est pas du tout difficile pour moi. Avec la tournée qui vient, j’ai juste libéré mon agenda et je n’ai pas pris de boulot. Je n’ai pas à demander à quelqu’un (rire) je suis mon propre boss donc je suis assez libre. Quand j’ai créé le groupe j’ai pris la décision d’être en freelance donc je travaille pour le plus gros enchérisseur, je fais autant d’argent que je peux quand je suis à la maison et quand il est temps de tourner, je peux juste me concentrer sur le groupe. Quand mon groupe a besoin de moi, je suis disponible.

PL : La chanson Stand Tall In Fire est un peu plus lente que ce que vous sortez habituellement. Pourriez-vous nous parler de cette chanson ?

Ravn : C’est pas très rare pour 1349 de faire des chansons plus lentes. Ça a même commencé sur notre deuxième album, Beyond The Apocalypse. La dernière chanson dessus est un peu lente. Mais c’est toujours intéressant de voir que les gens voient 1349 comme un groupe supersonique avec des blast beats. Je pense qu’on peut nous blâmer nous-mêmes pour ça (rire) ! Si on joue plus lentement je pense que c’est parce que la musique est très puissante, ça sonne parfois plus rapide que ça ne l’est vraiment. Mais à propos de Stand Tall In Fire c’est un aspect différent. Je me rappelle quand Archaon est arrivé enregistrer, je pensais quand il était à côté de moi pour enregistrer que ça pouvait se faire des deux manières. C’était probablement une chanson pour laquelle j’étais curieux de voir ce que ferait Frost. Dans la plupart des cas, c’est Frost qui pose le rythme, étant le batteur. Sauf si Archaon dit que ce doit être d’une manière spécifique. Mais au fil des années ils ont développé cette alchimie entre eux où Archaon propose des choses et voit ce qui en sort quand ça passe par l’esprit de Frost. C’est très unique de voir comment ils ont grandi tous les deux et comment ils font des chansons ensemble. J’adore toujours entendre ces schémas de répétitions. Avec Stand Tall In Fire, c’était la chanson sur laquelle j’étais le plus curieux. Quand il joue plus lentement puis qu’il change de rythme… Cette chanson pouvait aller partout, c’était très ouvert à l’interprétation. Ce qui en est ressorti est très unique, je pense. C’était évident que ça serait la chanson de fermeture de l’album, pour faire monter en échelle, tout le monde savait que ce serait la dernière. Je me souviens dans le studio, à l’enregistrer, j’étais dehors devant la porte pour prendre l’air et j’écoutais la chanson à travers les portes du studio. Les paroles me sont venues, je l’avais un peu schématisé pour Destroyer, et d’autres démos avant, on savait pas sur quoi on les utiliserait. Et ces paroles de ces démos me sont venues, et je me suis dit que ça irait parfaitement là, et tout a commencé à avoir un sens. Donc j’ai pris une copie avec moi à Oslo. Je n’avais pas les paroles avec moi à l’époque, mais les souvenirs des paroles que j’avais en faisant cette démo et j’ai mixé tout ce que j’avais travaillé, et les paroles ont commencé à se former dans ma tête. Quand j’ai commencé à lire les lyrics, la phrase qui est ressortie était « stand tall in fire » et c’est devenu le titre de la chanson et j’ai construit  autour de ce thème. C’est comme ça que la chanson m’est venue, en gros.

PL : Et pour Dodskamp, qui a été sortie en collaboration avec le musée Munch, comment s’est faite cette collaboration ?

Ravn : Eh bien on nous a demandé il y a environ un an si on pouvait participer à un projet avant une deadline. On a vu la deadline, on était en train d’écrire l’album et on avait plein de choses en même temps, sur d’autres niveaux. Donc en gros on a dit qu’on était honorés qu’on nous demande mais qu’on avait pas le temps de le faire avant la deadline. Donc on a refusé. Ensuite ça a pris quelques jours mais ils sont revenus vers nous et ont dit « qu’est-ce qu’il vous faudrait pour faire ça parce qu’on veut vraiment travailler avec vous » (rire). Puis on a dû trouver un planning qui nous allait. Donc on a fait ça, et Archaon voulait vraiment le faire car il est très fan de Munch, mais ça n’allait pas avec le planning et tout. Donc on arrangé ça. On lui a dit qu’il devrait gérer le projet et faire le morceau, mais que s’il croyait pouvoir faire marcher ça, on trouverait le temps de faire ça. Donc on l’a fait, et même si ça a été un peu reporté parce que Frost s’est cassé une côté et plein de trucs qui sont arrivés (rire). Donc c’est sorti en format digital d’abord et quand ça a été masterisé, ils ont pu faire une sortie physique aussi. Quand le projet final est sorti, et qu’on l’a écouté ainsi que les autres morceaux de l’album, et on l’avait d’abord faite comme un projet individuel, mais on l’a réenregistrée pour l’album. Il y a donc une version album aussi. Et en plus l’idée c’était de sortir une version anglaise et une version norvégienne. Les paroles norvégiennes étaient originellement écrites par Archaon, mais je n’arrivais pas à les chanter de la manière que je voulais sur la chanson. C’est plus dur de faire s’enchaîner le norvégien aussi bien sur notre musique. Donc je suis parti sur la version anglaise, et le rythme que je voulais pour les paroles était plus facile à avoir. Donc je suis parti sur des paroles anglaises. Puis en studio on a eu le temps de s’asseoir et refaire les paroles norvégiennes, donc il y a une version bonus avec les paroles norvégiennes. Je pense que ce sera sur le box set, avec le drapeau, le patch et tout. Et je pense que ça inclura la version norvégienne de Dodskamp avec les paroles norvégiennes. C’est en gros l’histoire de cette chanson.

PL : Vous tournerez bientôt en Europe avec Abbath, et vous dites souvent que le black metal est autant l’aspect visuel que musical. Que devrait-on attendre visuellement sur cette tournée ?

Ravn : 1349 a toujours été un groupe qui aime garder les choses simples. A part le corpse paint et les pics, c’est nous jouant notre musique. Et plus il y a de choses autour, plus je pense que ça peut avoir deux effets : ça peut être massif ou ça peut distraire de la musique. Donc pour nous, on a toujours pensé que garder un look « low key » sur scène et se concentrer sur la musique, ça nous permet de nous concentrer sur nous en tant que musiciens. Je pense qu’on va continuer comme ça. Si on peut amener des effets pyrotechniques, on le fait toujours, parce que les pyrotechniques marchent toujours très bien avec la musique de 1349. Avec des flammes ajoutées, c’est très approprié. Mais je doute qu’en tant que première partie on puisse le faire. Surtout dans les clubs en Europe, mais on va voir ce qu’on peut faire. La plupart du temps les pyrotechniques c’est sur les gros festivals, sur lesquels on a plus d’espace pour le faire. On peut toujours faire quelque chose mais 1349 est un groupe du genre « moins = plus ». Vous aurez les 4 membres devant vous. On forme le « Aural Hellfire » pour lequel on est connus. Donc on fera de notre mieux pour jouer et délivrer notre musique sur la tournée européenne.

PL : Vous avez mentionné le « Aural Hellfire » pourriez-vous nous expliquer ce que c’est ?

Ravn : Le « Aural Hellfire » est l’expression que l’on utilise pour décrire 1349. C’est notre musique. Comment ça sonne ? Ça sonne comme du « Aural Hellfire« . C’est notre marque déposée, on sonne comme du « Aural Hellfire« . Chaque fois que tu vois ça imprimé quelque part, c’est notre marque de fabrique, le « Aural Hellfire« .

PL : Avez-vous déjà bossé avec Abbath avant ?

Ravn : Oui je le connais depuis des années. Il y a très très longtemps j’ai bossé avec Immortal pendant plusieurs années. J’ai fait les pyrotechniques d’Immortal donc (rire) j’ai été en tournée avec Abbath avant. Ça devrait être fun ! J’ai vraiment hâte, c’est un bon gars, donc ça devrait être une bonne tournée. Il y aura aussi Vltimas avec nous, et j’ai tourné avec lui en mai, aussi. Donc c’est des visages familiers, ça devrait être une bonne tournée, pas seulement pour l’audience mais aussi backstage.

PL : Avez-vous des projets avec d’autres artistes ?

Ravn : J’ai un projet avec Destroyer de Nocturnal Breed mais c’est juste en cours de mise en place. on n’a pas encore enregistré quoi que ce soit. On est tous les deux très occupés et il peut se passer des années entre chaque fois où on se voit, mais il y a beaucoup de musique faite qui pourrait sortir à un moment, ça doit juste être le bon moment, ou si on le fait sonner de la bonne manière. Il y a quelques heures de musique qui ont été faites.

PL : Quel groupe ou artiste pensez-vous qu’on devrait interviewer ensuite ?

Ravn : Je n’ai pas pu le voir encore, mais le projet de Thomas Warrior, Triumph Of Death, avec lequel il joue tous les titres de Hellhammer, ce serait bien. Hellhammer serait sûrement une bonne idée.

PL : Vous avez formé 1349 pour changer la scène black metal. Qu’en pensez-vous aujourd’hui ?

Ravn : C’est la raison pour laquelle on a formé 1349, pour que je n’aie pas à me préoccuper de la scène black metal. J’étais fan des débuts du black metal, quand je l’ai entendu en 1981 je crois, et c’était appelé black metal, et le sentiment que ça me donnait était introuvable dans d’autres musiques, et j’étais fan de black metal jusqu’à ce que les choses changent. Et elles ont changé drastiquement, j’ai senti que ce n’était pas la direction que je voulais voir, donc pourquoi ne pas faire quelque chose, et le faire aller dans la direction que je voulais voir ? Je ne sentais pas le besoin de faire attention aux nouveaux groupes, j’étais concentré sur les groupes que j’aimais déjà. J’ai formé 1349 parce que j’étais très déçu par les nouveaux groupes qui ne me faisaient rien, que j’ai arrêté de faire attention aux nouveaux groupes. Et ça libère l’esprit de se préoccuper d’un groupe seulement. Il y a du bon et du mauvais en tout, mais si le groupe est bon, et si on me les présente, si des gens en lesquels j’ai confiance et dont les goûts musicaux correspondent aux miens, j’écoute, mais je ne recherche pas de nouveaux groupes en ce qui concerne le genre du black metal. J’étais très heureux avec les vieux groupes. J’ai formé 1349 pour assurer que cette progression continue et de vois que la brutalité sombre du black metal continue, tu vois ? C’est simple, garder les choses simples (rire), les garder brutales. Les garder « Aural Hellfire » !

PL : Merci beaucoup, c’était très sympa, on se verra à Paris !

Ravn : Je vais aussi te poser une question si ça te va !

PL : Oui, aucun souci !

Ravn : Tu as dû écouter l’album plusieurs fois maintenant, as-tu une chanson préférée ?

PL : Oui, Stand Tall In Fire est ma préférée. Elle est très épique et mélodique.

Ravn : Je demande toujours aux journalistes s’ils ont une chanson préférée, pour voir comment ça varie. Ça varie beaucoup, beaucoup de gens ont du mal à choisir, mais j’avais un peu deviné vu que tu m’as posé une question dessus (rire). Je sentais que tu l’avais vraiment aimée. J’en suis très fier, je suis très content de comment elle est au final. Je pense qu’elle a un « buildup » similaire à Godslayer, sur Massive Cauldron Of Chaos, la dernière chanson dessus. C’est un peu la même structure de raconter une histoire, avec une structure qui va à son but. Je vois pourquoi tu l’aimes bien !

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