Making A Door Less Open

par Car Seat Headrest

6.5
sur 10

Arborant un masque à gaz et une combinaison orange. Will Toledo se crée une seconde identité étrangement annonciatrice de notre situation permettant paradoxalement de s’ouvrir musicalement dans son second projet musical 1 Trait Danger s’étalant jusqu’à son nouvel album pour Car Seat Headrest dans un entre-deux musical étonnant, perturbant et novateur avec « Making A Door Less Open ».

[Je précise que la critique portera sur la version sortie sur les plateformes de streaming et non celle vinyle qui est une autre version de l’album]

L’approche de Car Seat Headrest a toujours été l’une des plus passionnantes du rock indépendant de ses dernières années depuis les mixtapes lo-fi sur bandcamp jusqu’aux premiers albums professionnels avec le prestigieux label Matador. Débutant par une sorte de remake de tout ce qu’il avait pu faire auparavant avec « Teens of Style » en 2015, le groupe mené uniquement par Will Toledo s’agrandit avec d’autres membres dont Andrew Katz, Ethan Ives et Seth Dalby concrétisé sur l’excellent « Teens of Denial » en 2017, étant l’album qui a réellement révélé le groupe.

Personnellement, j’ai découvert Car Seat Headrest quelques années plus tard avec « Twin Fantasy (Face to Face) ». La nouvelle version de l’album du même nom datant de 2011 qu’il avait enregistré, comme le nom du groupe l’indique, dans sa voiture. Il rend  justice à cette perle musicale qui bouleversa mes émotions et le fait encore à chaque écoute grâce à de nouvelles paroles et enregistrements mettant en avant des émotions sincères, purs et difficiles à exprimer. Toledo s’y livre personnellement dans tous ses travers pour un album honnête, brutale et doux en même temps. Hurlant les douleurs d’une génération, la mienne, dans toute sa beauté tragique.

À l’annonce d’un nouvel album, les attentes étaient donc hautes.

Groupe

Puis les singles sont apparus. Aucun n’ayant réussi à combler entièrement mes attentes et la mauvaise manie d’en sortir trop à augmenter mes craintes pour un album qui a la difficile tâche de sortir après, selon moi, le meilleur album du groupe. J’ai donc réussi à apprécier au fur et à mesure l’ambiance électronique de « Can’t Cool Me Down » et la bouleversante histoire émotionnelle de « Martin ». Mais la déception totale d’ « Hollywood », sorte d’essai raté pour faire revivre le garage punk au travers de paroles ridicule, n’a fait qu’augmenter mes peurs.

L’attente s’est donc transformée en crainte d’une déception à venir de l’un des groupes rocks les plus intéressants du moment …

Mes méfiances ne se sont pas complètement dissipées et pourtant l’ensemble convainc bien plus qu’il ne déçoit au travers d’un album peu cohérent dans sa structure, qui permet pourtant au groupe d’explorer des territoires musicaux jamais abordé auparavant.

Il débute par « Weightlifters » signifiant fortement le changement musical qu’opère le groupe de manière inattendue. Nous retrouvons la douce voix de Will qui sera la seule chose qui nous lie avec leur style musical d’avant. Le groupe nous accueille avec des expérimentations sonores électroniques stridentes sur des batteries robotiques ou l’aspect pop rock est encore discernable mais dans l’ensemble Will sort complètement de sa zone de confort pour un début agréable sans pour autant être marquant.

« Can’t Cool Me Down » vient manier l’aspect rock du groupe avec celui électronique pour un résultat bien plus convaincant où l’on retrouve les envolées épiques et tragiques auquel ils nous ont habitués explorant une nouvelle fois son anxiété sociale par des paroles métaphoriques sur un rythme terriblement prenant.

« Deadlines (Hostile) » débute doucement pour devenir l’un des morceaux les plus impactant du projet grâce à des paroles sensuelles portées par la voix rempli d’émotions de notre cher Toledo et d’une instrumentalisation progressive rentrant dans la tête par un refrain entêtant mais … c’est à partir de là que l’album se perd complètement dans deux morceaux indignes du groupe : « Hollywood » déjà cité qui paraît moins énervant au milieu de l’album surtout à cause du suivant, « Hymn (Remix)« , m’ayant stupéfait par l’atrocité des expérimentations électroniques. On n’y retrouve absolument rien de ce qui faisait l’extase musicale du groupe et même en acceptant le changement musical qu’ils opèrent, cela ne fonctionne simplement pas.

Heureusement, ce court moment de flagrante déception est vite oublié par les morceaux qui suivent remontant mon espérance pour ce projet bancal mais touchant par « Martin » (illustré dans le clip confiné à prendre au second degré). Devenant fort en émotion grâce à sa mélodie et la voix du chanteur portant chacune des sensations des paroles pouvant renvoyer à un amour ou une amitié passée. Dans tous les cas, ressortant une nostalgie latente touchant mes cordes sensibles au travers de paroles bienveillantes.

L’album étant conçu comme de multiples essais musicaux où chaque morceau propose une énergie unique et non comme un ensemble cohérent de titres. « Deadlines (Thoughtful) » apparaît comme l’exemple le plus frappant de réussite dans ce changement radical. Seuls les sons des guitares complètement distordue rappel l’origine rock ne trahissant pas le style du groupe. Le reste embrasse entièrement l’électronique et l’EDM s’avérant être une réussite totale qui étonnera forcément par sa force musicale portée par une instrumentalisation allant jusqu’au bout de sa démarche pouvant passer aisément en boîte de nuit.

Passant une nouvelle fois du coq à l’âne, « What’s With You Lately » semble être une ballade légère chantée par Ethan Ives, le guitariste du groupe. Ouvrant le chant aux autres membres pour la première fois comme sur « Hollywood » (où participe le batteur, Andrew Katz) qui se manifeste en un interlude agréable. Malheureusement vite oublié par l’excellence du morceau suivant « Life Worth Missing » alliant pop, rock et sons électroniques pour l’hymne de l’album troublant mes émotions ce qui rappelle les plus beaux moments de Arcade Fire sur « The Suburbs » par l’aspect émotionnel et introspectif se cristallisant en l’un des points culminants de l’album.

Pour se remettre de nos émotions, « There Must Be More Than Blood » continue dans la veine sentimentale pour un long morceau plus reposant, marquant de nouveau par ses mélodies et la voix puissante du chanteur.

Si je pardonne aux groupes quelques expérimentations ratées compensées par l’excellence de l’écriture lyrique et mélodique, je n’arrive pas à comprendre la conclusion de cette œuvre par « Famous ». Reprenant tout ce que je détestais dans l’expérience de « Hymn (Remix) » avec quelques touches intéressantes noyés dans le magma sonore peu attrayant formant le point final à un album mineur dans leur discographie qui servira, je l’espère, comme tremplin pour retrouver une cohésion musicale n’ayant pas peur d’expérimenter mais qui devra être plus consistante à l’avenir.

En somme, l’approche étant bien différente des précédents albums, il désarçonnera fatalement les fans de la première heure. Il ne sera pas non plus, la bonne porte d’entrée pour découvrir le talent de Will et sa bande.  Néanmoins, l’album reste un laboratoire d’expérimentation fascinant à explorer autant dans ses réussites que dans ses faux pas. Je vous recommande donc, si vous ne connaissiez pas ce groupe, de débuter avec leurs anciens projets comme « Teens of Denial » et « Twin Fantasy (Face to Face) » pour pouvoir appréhender ce projet qui mérite d’être écouté pour certains moments qui resteront dans ma mémoire musicale de 2020.

Pour rester sur du positif, je vous laisse avec un moment d’anthologie. Un morceau sublime. La preuve du talent de ce merveilleux groupe.

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Making A Door Less Open

par Car Seat Headrest

6.5
sur 10

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