Multitude

par Stromae

10
sur 10

8 ans d’attente. 8 ans de silence, d’incertitude, d’inquiétude. Certains pensaient qu’il ne reviendrait jamais, d’autres n’ont jamais perdu l’espoir. A raison, puisque Stromae signe son grand retour avec un nouvel album, intitulé Multitude. Et sans surprise, le maestro nous a encore conquis !

 

Invaincu

Invaincu est un morceau puissant qui résonne haut et fort pour débuter cet album. Une chorale donne la mélodie tout au long du titre, des percussions tribales viennent apporter du rythme. Stromae y parle de la maladie, qui a emporté sa grand-mère, son grand-père et son cousin. Lui est bien décidé à ne pas se faire emporter, comme il le scande fièrement dans le refrain « Tant que j’suis en vie, j’suis invaincu« . Cette punchline nous rappelle le style d’écriture d’Orelsan, qui a participé à l’écriture de certains textes de l’album.

 

Santé

Premier single de cet album, Santé est sorti en octobre 2021. Musicalement très intéressante (comme tout l’album ceci dit), cette chanson est typé latine, avec un rythme chaloupé de reggaeton en ternaire, et l’utilisation du charango (instrument traditionnel d’Amérique Latine). On parle ici des acteurs de l’ombre de nos moments de joie, tout ceux qui ne « célèbrent pas » lorsque nous célébrons. Agents d’entretien, barmans, infirmières, l’artiste affiche son soutien à ces personnes souvent traitées avec négligence.

 

La Solassitude

La Solassitude, contraction de solitude et lassitude, met en évidence la contradiction de nombreuses personnes qui ressentent de la solitude lors du célibat, mais de la lassitude lorsqu’ils sont en couple. L’instru est plutôt calme, mélangeant des violons asiatiques avec des marimbas latins. Une multitude de cultures et de pays que l’on retrouvera tout au long de l’album. Le refrain est chantée en voix de tête, chose assez rare dans la discographie de Stromae.

 

Fils de Joie

Un de nos coups de cœur de l’album, Fils de Joie présente les opinions de différentes personnes à propos des travailleuses du sexe. Stromae lève ici le voile autour du tabou et de l’hypocrisie générale qui entoure les métiers du sexe. L’idée lui est venu lorsqu’il regardait l’émission de Faustine Bollaert « Ca commence aujourd’hui ». Le refrain décrit le point de vue d’un enfant de prostituée, qui dit être fier de sa maman malgré ce que les autres en disent. Un morceau poignant et criant de vérité, qui dénonce le manque d’humanisation de la société envers les travailleuses du sexe.  Le violon qui sert de base au morceau est un sample d’une musique issue de la série « La Chronique des Bridgerton ». On apprécie beaucoup la présence de clavecin dans cette chanson, instrument peu représenté dans les musiques actuelles et qui donne un air baroque en contradiction directe avec les paroles assez crues de la chanson. Un chef d’œuvre !

 

L’enfer

Deuxième single de cet album, L’enfer a été présenté pour la première fois lors du journal télévisé de 20h en janvier. Les chœurs, qui ouvrent le morceau, apportent une touche de Moyen Orient. Les refrains rappellent presque la musique de Woodkid, avec l’utilisation de percussions tribales. Cette chanson traite de manière très directe de la dépression et des pensées suicidaires qui nous traversent lors de ces périodes de maladie mentale. Véritable bijou d’écriture, les paroles de cette chanson ne laissent personne indifférent et ont ému le monde entier.

 

C’est que du bonheur

Parler de la paternité sur une musique dansante, ça n’effraie pas StromaeC’est que du Bonheur parle avec cynisme de tous les aspects négatifs de la paternité. Le refrain, assez déroutant, utilise un langage très enfantin en phase avec le thème de la chanson « y a les vomis, les cacas, les odeurs, tu verras c’est que du bonheur ». On est ici face à une musique traditionnelle d’Amérique Latine, avec l’utilisation d’accordéon et les rythmiques ternaires. On notera une fois de plus la présence de la voix de tête.

 

Pas vraiment

Direction le Moyen Orient avec l’instru de Pas Vraiment, notamment avec l’utilisation de cette flute si caractéristique. Une fois de plus, Stromae nous offre un voyage au travers d’une multitude de pays et de cultures du monde entier. Cette chanson traite de relations amoureuses où les personnes ne s’aiment « pas vraiment ». La lassitude que l’on peut ressentir après les années, l’incertitude lors des premières semaines passées ensemble, mais aussi le jugement des autres qui se permettent de déterminer si tel ou tel couple durera dans le temps. Les mots, très justes, reflètent une situation que la plupart d’entre nous avons déjà vécu.

 

Riez

Vivre ses rêves, plutôt que rêver sa vie, c’est le mot d’ordre de la chanson Riez. On se place ici dans la tête de quelqu’un qui a présente ses projets à son entourage. Ces derniers en rigolent et ne le prennent pas au sérieux. « Riez, riez, riez, ouais ouais riez seulement » leur lance-t-il alors. Une chanson qui dénonce les jugements et avis non désirés de personnes qui devraient plutôt nous soutenir. Un appel à ne jamais baisser les bras face aux moqueries des autres. D’un point de vue musical, on retrouve une nouvelle fois la voix de tête, ainsi que les instruments à corde asiatiques qui apportent un côté presque mélancolique à cette chanson. On apprécie la présence de guitares hispaniques qui apportent de la profondeur à l’instru.

 

Mon amour

Le morceau pour redonner le sourire, Mon Amour est la chanson humoristique de ce nouvel album MultitudeStromae y raille l’hypocrisie de certains hommes qui passent leur journée à dire à leurs compagnes qu’ils n’y a qu’elles à leurs yeux, mais qui n’ont pas un comportement en accord avec leurs paroles. Le maestro arrive une fois de plus à manier les mots avec beaucoup d’humour pour dénoncer une vérité dans laquelle beaucoup se reconnaitront. « Depuis que t’es parti la vie n’a plus la même saveur, les draps n’ont plus la même odeur, depuis que j’fais la lessive ». On voyage du côté des Caraïbes pour cette chanson dansante, qui nous rappellera un peu Ave Cesaria dans sa composition.

 

Déclaration

Après les fabuleux Fils de Joie et L’enfer, voici ici notre troisième coup de cœur de l’album. Déclaration est le morceau féministe par excellence. Stromae dénonce ici les dangers du patriarcat, les négligences néfastes de la condition des femmes, et tous les préjugés qui ont la peau dure et persistent encore malgré une mentalité qui tend à évoluer. « C’est toujours mieux vu d’être un salaud qu’une salope » ou encore « Pardonne-moi, on n’nait pas misogyne, on le devient » sont des exemples de punchline particulièrement acerbes et tristement vraies que l’ont trouve dans ces paroles. La musique est lente, entêtante, avec des mélodies rappelant les gammes asiatiques. Encore une fois, on retrouve sur les refrains la présence de voix de tête, grosse nouveauté pour ce nouvel album.

 

Mauvaise journée

Avant dernier morceau de MultitudeMauvaise Journée se présente en diptyque avec le morceau suivant, Bonne Journée. On décrit au cours de ces deux morceaux l’ambivalence des épisodes dépressifs, avec des journées où on est au fond, et des journées où on est au top. Mauvaise Journée décrit donc le verre à moitié vide, quand tout va mal et qu’on ne veut plus rien faire. Stromae a fait le choix d’utiliser une section de cuivres pour ce morceau, ce qui rajoute de la lourdeur à son propos. Le morceau en ternaire avec un ostinato rythmique comprenant un passage en binaire rajoute une couche de lourdeur à cette chanson, qui donne l’impression de se traîner. Un bel exemple de composition musicale à l’image du propos des paroles.

 

Bonne journée

Par opposition à la chanson précédente, Bonne journée représente ici le verre à moitié plein, quand tout va bien et que tout nous réussi. Les paroles sont écrites tel un miroir des paroles de Mauvaise Journée. Les mêmes thématiques sont abordées dans le même ordre, mais de manière contraire. Le diptyque musical est une vision artistique très intéressante que je n’avais encore jamais rencontrée. On est ici sur une instru très trap, assez éloignée de ce que Stromae fait habituellement. Cependant, on reconnaît bien sa touche et la ligne directrice de l’album, puisqu’on retrouve de nombreux instruments du monde entier qui viennent ponctuer la chanson.

 

En conlusion

Stromae nous présente une multitude de choses dans son album qui porte bien son nom. Des instruments de musique venus des quatre coins du monde, des mélodies et rythmiques variées et originales, des textes toujours aussi engagés, tantôt drôles tantôt poignants. Cet album est un bijou de composition. Le maestro réussi le pari fou d’être à la fois là où on l’attendait mais aussi là où on ne l’attendait pas. Véritable artiste complet, Stromae n’a pas fini de nous surprendre. Et pour avoir eu la chance d’assister à son concert à l’Accor Arena fin février, nous pouvons d’ores et déjà vous dire que les concerts seront à la hauteur de cet album ! Chapeau le maestro !

 

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Multitude

par Stromae

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