Enfin, l’interview de Ceylon ? Bientôt trois mois se sont écoulés depuis la Floral Party au Bataclan. Le concert marquait l’annonce de la création d’un label par Ponce. Depuis ce temps, Floral Records nous a gratifié de plusieurs actus.

Nous avions interviewé Tip Stevens, qui a depuis été la première sortie sur le label avec un excellent EP, Kaioty. Autre nouvelle, trois artistes supplémentaires profiteront d’une distribution sur le label. D’abord l’inimitable rappeur Jabba360. Puis Töfie et sa musique d’une douceur folle. Et enfin Vorace qui l’accompagne sur scène, mais qui compose aussi en solo avec ses synthés dont il tire une électro new wave percutante et mystérieuse qui tire parfois vers la trap.

Échange avec Ceylon

Nous avions profité de cette grande réunion au Bataclan pour interviewer Ceylon, Tip et Cemented Minds. Outre la vidéo condensée disponible ici, nous vous présentons aujourd’hui l’interview en mode « c’est long » du groupe Ceylon ! Louise (chant) et Tristan (guitare) ont livré leurs anecdotes et ressentis musicaux de ces dernières années à Hugo et Matthias de Pozzo Live.

Floral

Matthias : Alors pour commencer, j’aimerais bien revenir sur la création de Floral. J’ai beaucoup aimé ce son, et je me demandais si c’était la première collab que vous faisiez tous ensemble ?

Lou : Nooon, c’est tous mes meilleurs amis ! On est potes depuis des années, et il y a eu cette commande pour le donation goal du Zevent. Ponce nous a demandé un son dans le style doom/stoner. Après il voulait faire quelque-chose qui lui plaise vraiment donc il nous a donné des influences. Qu’est-ce qu’il nous avait envoyé déjà ?

Tristan : Carpenter Brut !

Lou : Ah oui évidemment, Auré [Aurélien Gilles, vrai nom de Ponce] est fan ! Il y avait aussi Daft Punk qu’on adore tous. Partant de là, Tristan a composé une track qui est très proche du morceau final.

Tristan : Il y a aussi Léo qui a fait un truc de son côté, et on s’est influencés mutuellement. Après on a galéré quand il a fallu découper, et une fois que ça a pris forme on a fait des allers-retours, des résidences ensemble…

Lou : Mais ce qui était compliqué, c’est qu’on ne savait pas si on voulait un morceau électro ou une chanson.

Tristan : Ouai le problème était là. Il a fallu enlever des parties instrumentales pour laisser de la place au chant et c’était tout le dilemme. Mais là, je trouve que ça a bien marché !

Lou : Et donc il y avait le thème des fleurs et j’étais avec Auré et je lui ai demandé « Je fais quoi ? On fait un son drôle, triste ? ». Parce que le son est quand même dur ! Et il m’a dit « Non non, il ne faudrait pas que ça soit dark ou triste ! » Du coup, une fois le son à peu près fait, je me suis mis à écrire et on a fini par enlever des trucs. C’était beaucoup plus drôle au début. Là, on a gardé quelques trucs et tu vois, la chanson est toujours amusante. Voilà au final ça fait électro-chant, voire chanson.

Hugo : Justement, je trouve que cette voix apporte vraiment quelque-chose. Parce que c’est un style musical où il y a souvent que des instrus, et ta voix si particulière a donné une dimension au son qu’on ne retrouve pas ailleurs. Je trouve que c’est ça qui en fait une réussite ! On n’a pas juste un son d’un streamer, on a une piste musicale qui existe d’elle-même et qui peut vraiment s’écouter dans un contexte qui n’a rien à voir. Elle pourrait popper dans Spotify et tu ne te dirais pas « Ah, c’est un son de Ponce ! ».

Tristan : Totalement ! Je pense que c’est grâce à Ponce qui a un vrai sens musical : il a joué dans des groupes, il a fait du théâtre… Je ne saurais pas expliquer, mais il a un point de vue artistique qui va au-delà d’un simple « J’ai de la notoriété, je vais me faire un trip pour m’amuser ». Il sait prendre du plaisir tout en mettant du cœur à l’ouvrage. Il n’a pas cette froideur d’aller voir un producteur ou une productrice connu pour lui sortir un truc préfabriqué. On a déjà joué ensemble sans se prendre la tête et c’est ça qui fait que le son sonne authentique.

Lou : Et c’est parce que c’est quelqu’un de très humain aussi. Et le fait de mener ses projets jusqu’au bout comme ça, c’est incroyable. Il régale ! Réaliser qu’on va faire un Bataclan tous ensemble dix ans après nous être rencontrés au conservatoire, c’est fou !

Tristan : On avait déjà joué ensemble les uns avec les autres, mais là c’est la première fois tous ensemble, et en plus au Bataclan. C’est génial !

Hugo : Il y a vraiment une dimension familiale à cet événement. Déjà rien qu’à l’accueil, la façon dont c’est géré. Le contact s’est fait super simplement de notre côté, on a été reçu de manière adorable… On sent que c’est un événement par des potes, pour des potes.

Matthias : Et du côté de la commu aussi, il y a ce côté grande famille ! Pour venir depuis Toulouse, je me suis rencardé avec des fleurs [les viewers de Ponce] et c’était fou ! Il y a un groupe WhatsApp pour que les gens puissent boire un coup ensemble avant et après, pour qu’on puisse venir à plusieurs pour s’organiser et se sentir en sécurité…

Lou : C’est fou. J’ai jamais vu autant de gens qui se connectent comme ça, c’est juste trop bien. Et on voit des sexes, des âges différents, j’adore.

twitch et la musique

Hugo : Ce que je trouve cool aussi, c’est que Ponce arrive à communiquer de la musique à travers ses streams. Il y a vraiment de tous les styles dans ses playlists qu’il passe en live. Et quand il parle de ses potes qui font de la musique, de son rapport à la musique, ça permet de mettre la lumière sur des artistes peu connus qui pourraient intéresser plein de gens ! On sent que la musique fait partie de son ADN et qu’un événement comme ça, c’est pas une lubie d’un matin.

Lou : Oui, c’est vrai quand tu parles d’éclectisme. Je ne regarde pas souvent Twitch comparé à des viewers réguliers, mais souvent les musiques qu’on entend c’est uniquement du rap. Je suis une grande fan de rap, et ce qui est bien avec Ponce c’est qu’il ne passe pas que des morceaux de rap, mais qu’il ouvre la porte à de l’électro, du rock, du jazz… C’est génial je trouve qu’il ne rentre pas dans une case comme ça. [la playlist en question]

Matthias : Je trouve que ça se retrouve bien dans Floral cet aspect éclectique. Et il y a un côté fédérateur sur les refrains qui est trop cool.

Hugo : Oui et je trouve que c’est renforcé grâce aux différents styles, tout le monde peut s’y retrouver. Et justement Lou quand tu parles de l’ouverture musicale que permet Twitch, on le sent particulièrement depuis un moment. On y retrouve de plus en plus de musiciens. Même jusque dans le métal par exemple, il y a le chanteur de Trivium, le guitariste de Dragon Force qui se sont lancés… Est-ce que vous ça pourrait vous plaire ? Que ce soit jouer de la musique en live, ou même de faire autre chose, jouer à des jeux-vidéos…

Lou : Ah franchement c’est un truc qui me plairait ouai !

Tristan : Ouai moi aussi j’y ai pensé. Il faut un endroit pour rentrer dans la musique, et internet c’est une porte formidable. Je trouve que sur internet tu te poses moins la question de qui est la personne derrière un pseudo, ça crée une espèce d’égalité de parole. Et je trouve que Twitch a pas encore trop perdu cet aspect liberté qui se perd souvent quand il y a de l’argent qui s’en mêle. Comme ce que devient Youtube aujourd’hui, entre les démonétisations, les gens qui achètent des vues…  J’ai l’impression que c’est inéluctable avec l’espèce humaine et le capitalisme. Mais c’est bien, je trouve, d’arriver dans un endroit encore assez vierge, où il y a des choses à construire. Ça donne les moments les plus beaux et les plus intéressants.

Hugo : C’est clair que c’est quelque-chose d’attirant sur Twitch. Tu peux choisir toi individuellement de faire vivre quelqu’un dont le travail te plaît. Tu ne passes pas par un patron qui te dit quoi faire. C’est un peu ce qu’on fait aussi sur Bandcamp où tu décides de soutenir des artistes plus indépendants.

Lou : Grave ce qui nous fait kiffer aussi avec Twitch !

Matthias : En rapport avec Twitch et la musique, je voulais vous demander votre avis de musicien sur les concerts en live sur Twitch justement. Qu’est-ce que ça peut apporter de plus par rapport à une simple captation par exemple ?

Lou : Ce que je trouve trop bien, c’est que déjà ça ouvre à tout le monde le concert. Pour ceux qui n’ont pas l’argent, parce que c’est super triste mais on est obligés de faire payer pour pouvoir organiser tout ça, on leur permet de voir le concert en même temps que tout le monde. Et puis on parle entre passionnés mais il y a des gens qui ne sont jamais allés voir un concert de leur vie ! Je trouve que ça leur ouvre cette porte. C’est con mais ça peut démystifier le truc, voir si ça leur plait.

Tristan : Ouai et puis le fait du direct je trouve que ça peut permettre de vivre des choses que t’aurais pas eues sur un simple son. S’il y a un problème technique par exemple, ou un super solo improvisé, c’est des choses que t’aurais manquées ou vécues moins intensément sinon. Après je suis de l’école qui incite toujours les gens à venir voir dans la salle. Mais comme dit Lou tout le monde ne peut pas se le permettre, même juste pour des raisons pratiques des fois.

Hugo : Et puis vous ne pouvez pas le lire quand vous êtes sur scène mais il y a quand même le chat. Avec le replay, vous pouvez voir les gens qui parlent. Je me rapelle de mon premier concert en direct. C’était Johnny à la télé quand j’étais gosse et c’était génial, on était à fond.

Lou : Ah mais oui, c’est fou que je crois que je l’avais vu aussi !

Hugo : C’était déjà cool à l’époque, mais là avec le chat c’est encore mieux. Demain vous pourrez voir les gens dire « oh oui j’adore cette musique-là » sur certains morceaux, ou « il est trop fort ce musicien »…

Tristan : Et même pour les gens entre eux aussi. Le fait qu’ils puissent échanger entre eux ça recrée l’ambiance de la salle où tu parles avec tes voisins, tu commentes et tu réagis à ce qui se passe. Nos concerts se passent toujours dans des endroits debout où tu parler pendant le concert.

Matthias : C’est ce que nous disait Tip tout à l’heure. Quand dans le chat t’as des murs d’émotes ou de paroles avec tous les gens qui les connaissent, tu sens que tu fais partie de quelque-chose qui te dépasse.

Lou : Oui alors ça, c’est le truc que je trouve incroyable chez les streamers ! Quand je les vois faire, qu’ils arrivent à lire les messages qui défilent à fond tout en continuant de faire ce qu’ils font, je suis trop impressionnée. Bon après Ponce me dit que ça vient avec l’habitude, c’est comme faire du sport, mais quand même !

Hugo : C’est comme les musiciens qui arrivent à lire des partitions en live en mode pilote automatique.

Tristan : Oui c’est ouf ce qu’on peut ammener le cerveau à faire avec de l’entrainement.

vivre de la musique

Hugo : Dernière question qui nous intéresse forcément quand on est passionnés de musique : est-ce que aujourd’hui vous arrivez à vivre de la musique ? Sans trop rentrer dans votre vie perso, est-ce que c’est votre job à plein temps ?

Lou : Oui, dans Ceylon on est tous intermittents.

Tristan : On fait tous nos heures comme on dit, même si je n’aime pas le terme. Il y a des musiciens qu’on appelle les cachetonneurs et les cachetonneuses qui eux font vraiment des dates tout le temps pour en vivre. Mais avant tout notre but au début c’était de mener le projet à bien. Et on a fini par y passer tellement de temps qu’on essaie d’en vivre parce-qu’on a pas trop de temps à accorder à autre chose. C’est un peu dur parce que c’est un milieu qui est un peu batard : quand t’es pas connu t’es payé peu. On joue parfois dans des endroits où on est pas bien payés pour que des gens qui te connaissent pas puissent rentrer sans trop payer.

Lou : Oui et après l’important c’est d’y croire. Moi j’ai fait plein de jobs à côté au début. C’est fatiguant mais on finit par y arriver et par pouvoir passer à fond sur la musique, ce qui est encore très fatiguant au final.

Tristan : Le tout c’est de savoir pour quoi tu fais tout ça. Galérer pour un truc que t’aimes pas trop c’est pas le top. Et c’est un peu dur parce qu’il y a pas de règle. Il y en a pour qui ça va marcher direct et d’autres qui galèrent. Ca peut être très dur de pas y arriver. Et à l’inverse ça peut être une prison de réussir dans un truc qui te plaît pas, où on vient te féliciter pour des trucs dont t’es pas fier. Ça peut faire perdre la boule tout autant à mon avis.

Lou : Et du coup justement, venez nous voir en concert ! Par exemple le 7 octobre là on joue à la Boule Noire avec Süeür. Big up à eux, allez voir ce qu’ils font c’est vraiment de la bombe, un mélange de rap et de rock incroyable. Et on fait les trans-musicales de Rennes ! Un festival incroyable, typiquement ce qu’on voulait depuis longtemps. Un festival full eclectisme, en France, complétement hors format et qui prend des risques !

Hugo : Excellent ! Merci pour tout, et on sera là à la boule noire !

Lou & Tristan : Merci c’était super cool ! On se croise là-bas alors !

Ceylon à la Boule Noire


Pour un aperçu de cette fameuse soirée à la Boule Noire quelque jours après cette interview de Ceylon, c’est ici ! Et en attendant l’échange avec Cemented Minds que nous avons pu réaliser juste après celui-ci, regardez notre live report de l’incroyable concert de Tip Stevens au Petit Bain !

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